Le mal de jambe qui arrange bien les choses
Départ de Jean-Pierre Bemba pour le Portugal
Le mal de jambe qui arrange bien les choses
Finalement tout semble s'être arrangé pour Bemba, pour le moment. En effet, c'est à bord de son jet privé, un Boeing 727, que Jean-Pierre Bemba, le leader du Mouvement de libération congolais (MLC), sa femme et ses cinq enfants ont quitté la République démocratique du Congo (RDC), à la première heure hier mercredi 11 avril 2007, à destination du Portugal où il dispose d’une résidence. Officiellement, c’est pour des soins, une ancienne fracture à la jambe, qu’il se rend à Lisbonne.
C’est finalement l’argument avancé par le patron du MLC pour pouvoir s’exfiltrer de Kinshasa où il avait trouvé refuge dans une résidence de l’ambassade d’Afrique du Sud depuis le 22 mars 2007. On se rappelle que les 21 et 22 du même mois, de violents combats en pleine capitale avaient eu lieu entre l’armée républicaine et la sécurité rapprochée de Bemba.
A l’origine de cette brusque montée de tension, la volonté du pouvoir de réaffecter dans l’armée le contingent de militaires commis à la sécurité de Bemba du temps où il était vice-président. En effet, par un décret présidentiel, à la place du contingent qui assurait sa sécurité, ce sont 12 policiers qui ont été affectés à sa protection. Pour Jean-Pierre Bemba, ces 12 poulets sont non seulement insuffisants en nombre, mais aussi il doute de leur capacité à lui garantir la moindre quiétude.
Cette attitude de l’ex-rebelle ainsi que le refus manifeste des militaires d’être «recasernés» ne pouvaient conduire inévitablement qu’à des affrontements. Finalement, les insurgés ont été défaits. Selon des sources diplomatiques, ces combats auraient fait plus de 200 morts. La garde réduite en cendres, les militaires qui ont survécu se sont réfugiés à la MONUC (l’Opération des Nations unies pour le Congo) ou ont carrément pris la poudre d'escampette en se terrant dans la nature soit à l’intérieur du Congo soit dans les pays voisins.
Ce départ sur Lisbonne est en fait l’aboutissement d’une longue négociation entre le MLC et le pouvoir de Kinshasa. Sans oublier l'intervention fort précieuse du Sud-Africain Thabo Mbeki et de quelques dirigeants occidentaux. La blessure à la jambe de Bemba s’est fort opportunément réveillée mais il lui était impossible de quitter le pays sans l’accord des autorités. Les pressions des chancelleries occidentales sur le gouvernement congolais ont finalement permis à Bemba de partir libre. Libre, car il dispose d’un document officiel d’autorisation de sortie du territoire de 60 jours, signé en bonne et due forme par le président du Sénat.
Ainsi, le chef du MLC garde son statut de sénateur. Autrement, il perdait son immunité puisque selon les lois congolaises, «toute absence non autorisée à plus d’un quart des séances d’une session du Sénat met automatiquement fin au mandat du sénateur». Cela est très important quand on sait que le parquet général a ouvert une information judiciaire contre Bemba, accusé d’entretenir une milice. Dans ce cas, il est bon de disposer, au moins dans un premier temps, d’une couverture immunitaire.
Mais entre nous, il faut reconnaître que Jean-Pierre Bemba est difficilement défendable dans cette affaire-là. L’ancien chef rebelle peine manifestement à se mettre dans la tête que la guerre et la transition sont finies. Il a un mal fou à réaliser qu’il n’est plus vice-président et qu’il ne peut plus continuer de bénéficier de traitements exceptionnels. Comment comprendre qu’un citoyen veuille avoir à sa disposition tout un bataillon de gardes du corps ? Dans aucun pays, démocratique ou non, cela n’est possible.
Cet épisode montre bien que le leader du MLC a franchement du mal à rentrer dans le rang alors même qu’au lendemain de sa défaite à la présidentielle, il avait tenu un discours d’apaisement en déclarant qu’ «il est venu le temps de relancer ce contrat social à travers une alternance démocratique pour la reconquête du Congo, notre cher et beau pays… Je prends l’engagement solennel devant Dieu, la Nation et l’Histoire de servir le pays dans son unité, par la mise en œuvre des réformes nécessaires à l’avènement d’un Congo transformé». A ce propos d’ailleurs, dans notre édition du jeudi 30 novembre 2006, nous émettions ce vœu : «Pourvu que Bemba tienne parole». Seulement, il a failli.
En tout cas tout laisse dire que ces deux "bébés hollandais" que sont Kabila et Bemba n'ont pas fini de solder leurs comptes "d'après-guerre" et que le Congo n'est pas encore sorti de la gadoue dans laquelle il traîne depuis.
La question que tout le monde se pose est de savoir ce qu’il fera une fois guéri. Est-ce qu’il va retourner au pays pour poursuivre le combat démocratique dans une opposition républicaine ou est-ce qu’il va essayer de ruiner les efforts du Congo vers la paix en allant se retrancher dans son fief pour recommencer une rébellion ? Les prochains mois nous situeront davantage sur les éventuelles chances de l'ex-Zaïre à aller vers une civilisation où prime seulement le débat d'idées.
San Evariste Barro
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