Commune urbaine de Réo : Vers la destitution de Mathieu Bayala ?
Commune urbaine de Réo
Vers la destitution de Mathieu Bayala ?
La rencontre tenue le dimanche 19 août 2007 dans la Cour royale de Réo, qui a regroupé la quasi- totalité des chefs coutumiers de la province du Sanguié, certains conseillers municipaux, de nombreux Réolais et le PDG de "Forage Burkina", Evariste Bassolé, 1er vice-président du Conseil régional du Centre-Ouest, sonne comme le déclenchement du compte à rebours devant aboutir à la destitution du maire Mathieu Bayala. Ce dernier était pourtant arrivé à la faveur des municipales de 2005 sous l’ombre du même Evariste Bassolé. Nous y étions.
Nous avons débarqué à Réo en ce dimanche 19 août 2007 autour de 9h45. La ville grouillait déjà de monde. C'était un ‘’21’’ de Réo, ainsi appelé quand le marché, qui se tient tous les trois jours, tombe sur un dimanche. Ces centaines de marchands, d’acheteurs et de forains savent-ils seulement que dans le palais royal, c’est-à-dire dans la cour du chef coutumier de Réo, André Bassolé, se joue l’avenir du conseil municipal de la ville ? Beaucoup de ceux que nous avons approchés n’ignorent pas qu’il y a des problèmes à la mairie, même s’ils n’ont pas voulu s’aventurer outre mesure dans ce débat. Cependant, quelques-uns n’ont pas hésité à dénoncer ce qu'ils appellent "le comportement peu social" du maire. C’est le cas de Bama Boubié Charles, qui s’est dit scandalisé par la situation : «C’est Yibour Evariste qui l’a amené ici. Sinon avant, on ne le connaissait pas. Voilà qu’il se retourne contre lui et dirige la mairie comme bon lui semble». Il est au courant de la rencontre qui doit se tenir chez le chef, mais il ne s'y rend, car "c’est pour les patrons".
Erreur, car la cour était bondée et la grande maison où se sont déroulés les débats a refusé du monde sans que ce soit tous des "patrons". Si bien que les fenêtres et la porte étaient littéralement obstruées par les curieux qui ne voulaient rien rater. Cela augmentait la chaleur et à la tension qui régnaient à l’intérieur.
Certains n'ont pas hésité à affirmer, à l’image de Bawaré T. Paul, que la crise que vit le conseil municipal est profonde ; même si le maire tenterait, selon certaines confidences, de rallier certains conseillers à sa cause contre des promesses d’espèces sonnantes et trébuchantes. Du reste, ces informations ont été confirmées par le chef coutumier André Bassolé au cours de la fameuse rencontre et lors du point de presse que Evariste Bassolé a animé immédiatement après à son domicile.
On indexe Rosalie Bassolé
André Bassolé a informé l’assistance qu’il a adressé des circulaires à tous les ministres, aux anciens ministres, aux députés, aux conseillers municipaux ressortissants du Sanguié et à tous les chefs coutumiers. Si ces derniers étaient presque tous là, tel ne fut pas le cas des autres. Mais cela n’a rien d’alarmant puisque, selon André Bassolé, l’objectif était qu’ils sachent d’abord ce qui se passe au sein de la mairie de Réo. Il a dit que le maire Mathieu Bayala leur a exigé comme condition à sa présence à la rencontre un récépissé de reconnaissance. «Depuis quand l’Etat délivre-t-il un récépissé de reconnaissance à un chef coutumier ? C’est maintenant qu’il ne reconnaît plus notre autorité, mais nous allons lui prouver de qui nous tenons notre légitimité», a-t-il martelé avec un brin de colère. Il a ajouté que l'édile s’est entouré d’une cour de béni-oui-oui au détriment de la cohésion de tous les fils et filles de Réo. «A son installation, je lui ai dit qu’il est désormais l’homme de tout le monde et non d’un clan». Mais quel est ce clan ? Celui de Rosalie Bassolé, pardi ! Oui, la femme du ministre des Affaires étrangères, Djibril Bassolé, que certains n’ont pas hésité à accuser d'être de mèche avec son épouse dans ce bourbier, et surtout dans la gestion de la Fondation Nantou. Cette Fondation, présidée par madame Bassolé et qui compte dans son bureau le maire Mathieu Bayala, a été créée à la faveur du lancement des travaux d’exploitation de la mine de Zinc de Perkoa par la société Nantou Mining. La fondation avait pour but de capitaliser les retombées de l’exploitation de la mine au profit de la population du Sanguié. A l’arrivée, au dire du chef coutumier, c’est un bureau composé de façon unilatérale qui a été mis en place et les bénéfices ainsi que les fonds constitués du quota de 1% versés par la société ne profiteraient qu’à madame Bassolé et à sa clique. A titre d’illustration, André Bassolé a parlé d’un terrain dont les occupants ont été déguerpis et qui devait servir à l’aménagement d’un bas-fond. A la surprise générale, ledit terrain aurait été rétrocédé à la même Mme Bassolé qui y érige maison sur maison.
Je croyais qu'il avait changé
Tout cela, ajouté à bien d’autres griefs, ne pouvait pas, dit-on, laisser les chefs coutumiers indifférents, qui ont décidé de monter au créneau pour empêcher le pire. Cela, de l’avis d'André Bassolé et de ses pairs coutumiers, passe par le départ de Mathieu Bayala de la mairie. Le PDG de Forage Burkina, Evariste Bassolé, qui a parrainé l’élection de Mathieu Bayala aux dernières municipales et qui l’a littéralement installé dans le fauteuil, n’est pas d’un avis autre. Au cours de son point de presse, il a dit qu’il voulait dialoguer avec son ancien poulain pour trouver une solution à la crise qui l'oppose à son conseil et à la majorité des Réolais, mais n'y est pas parvenu. Pour lui, cette rencontre avec les coutumiers était une occasion en or pour le bourgmestre de venir reconnaître ses torts, de demander pardon et de montrer sa volonté de corriger les choses. En la boudant, il aurait fait preuve d’irrespect pour les coutumiers et réaffirmé son ambition de continuer à diriger la mairie.
«Je croyais qu’avec l’âge, Mathieu Bayala avait changé, mais hélas je constate que c’est le même comportement qu’il avait quand il était secrétaire général du premier ministre au temps d'Issouf Ouédraogo, quand il a dirigé la SOFITEX puis la SOSUCO où il a été chaque fois débarqué avec fracas».
Et le conférencier d'affirmer que depuis son installation rien ne va dans la commune. A titre d’exemples : les professeurs vacataires du lycée communal traînent des arriérés de paie de huit mois ; les agents de la Radio FM ‘’la voix du Sanguié’’, rétrocédée à la commune, réclament 05 mois d’arriérés de salaire malgré le fait qu’ils étaient payés en deçà du SMIG et qu’ils ne soient pas déclarés à la caisse.
De graves accusations
La conséquence de cette gestion calamiteuse, c’est la venue prochaine de l’inspecteur du travail à Réo. Plus révoltant encore, selon Evariste Bassolé, c’est quand après un séjour hexagonal de 2 semaines dans le cadre d’un jumelage entièrement pris en charge par les hôtes, le maire serait revenu falsifier son ordre de mission en l’antidatant et réclamant 1,4 million au percepteur. Accusation gravissime s'il en est !
"Comment peut-on soutenir de tels agissements de la part du premier responsable de la mairie qui fait fi des problèmes budgétaires que connaît la commune ? En tout cas, je me démarque de lui. Les jeunes ne le veulent plus. Il tente de corrompre les conseillers, mais ça sera vain. Au cours de la rencontre, l’assistance m’a rappelé que c’est moi qui l’ai amené donc de me débrouiller pour leur trouver un autre maire. Nous allons nous réunir et voir". Evariste Bassolé se défend pourtant de vouloir personnellement destituer son ancien protégé "c’est plutôt le maire lui-même qui va se destituer", assure-t-il, précisant au passage que la fatwa populaire concerne également les deux adjoints de l'incriminé.
Alors, Réo sera-t-il encore sous Délégation spéciale comme lors du précédent mandat ? "Non, le CDP est majoritaire.
Je vais rétablir l'ordre
Il ne s’agit pas d’une guéguerre entre les conseillers. Il s’agit de faire partir le maire et ses adjoints et de procéder à des votes pour les remplacer. S’ils ne veulent pas partir d’eux-mêmes, c’est la rue qui s’en chargera", a-t-il répondu. Une rue assurée de l’appui des chefs coutumiers présents à la rencontre malgré, semble-t-il, la désinformation par tracts interposés, les menaces et autres intimidations. Comme Evariste Bassolé, eux aussi ont dénoncé la constitution jugée illégitime du bureau de la Fondation Nantou et les dissipations de ses fonds dont se seraient rendus coupables ses premiers responsables, à leur seul profit au détriment de toute la province. «Je pense que si le maire tient à son honneur, il convoquera le conseil et rendra le tablier. Et ses adjoints auront intérêt à en faire autant. Sinon, c’est nous qui les mettrons dehors», a menacé notre interlocuteur avant de préciser, à l'intention de ceux qui seraient tentés de penser qu'il a des desseins inavoués, qu’il n’est pas intéressé par le fauteuil du maire à moins d’y être contraint. Il prétend que l’action qu’il mène, c’est pour l’intérêt de sa ville et celui du parti qui ne doit pas se sentir fier d’avoir dans ses rangs un tel maire... «Je me sens responsable, car c’est moi qui l’ai mis là-bas contre l’avis de bien de personnes. C’est pour ça que je travaillerai à rétablir l’ordre», lance le gendarme de circonstance qui ne finit pas de relever les écarts présumés du maire ; comme le fait de mettre au garage le chauffeur de la mairie, en fonction depuis huit ans, pour intégrer de façon solitaire son propre chauffeur avec un salaire de 35 000 F CFA (ce que l’ancien n’avait pas). Le percepteur aurait refusé de s’exécuter, ce qui a entraîné une autre tension entre les deux hommes.
Pour conclure, Evariste Bassolé a tenu à dire que personnellement il n’avait rien contre le maire Mathieu Bayala et la Fondation Nantou, mais cette situation étant là, il faut la régler avant que les choses empirent. Cela est dit avec une telle détermination qu’on est bien obligé de se demander si un dialogue peut encore sauver les meubles. Va-t-on alors vers une destitution du maire de Réo ? L’avenir nous le dira, car il faut être certain que ce feuilleton est loin de finir surtout que nous n’avons pas pu joindre, ce jour-là, les principaux mis en cause pour connaître leurs positions et leurs versions des faits. Ce sera chose faite dès que possible.
Affaire donc à suivre.
Cyrille Zoma
L’Observateur Paalga du 21 août 2007
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