Crise universitaire : Un ruraliste répond aux acteurs
Crise universitaire
Un ruraliste répond aux acteurs
La crise universitaire passionne les débats et chaque commentaire en engendre un autre. Dans sa livraison du 10 juillet 2008, "L’Evénement" a donné la parole à des acteurs de l’enseignement supérieur qui n’ont pas laissé indifférent l’auteur des lignes qui suivent. Le géographe ruraliste y fait une lecture critique de la situation et propose des solutions.
L’actualité nationale est principalement dominée par la crise universitaire. L’approche du bimensuel burkinabè, « L’Evènement », qui a consisté, dans la même édition du 10 juillet 2008, à donner la parole à quatre représentants d’acteurs importants du campus de Ouagadougou, est à saluer. Elle nous a permis de mieux nous imprégner du mal de notre université et cela nous a incité à entreprendre le présent écrit.
Dans l’édition dudit journal, le professeur Magloire Somé du SYNADEC affirme, d’entrée de jeu, que la crise n’a pas surpris, car l’institution vivait une situation difficile depuis plusieurs décennies. Cette affirmation révèle qu’un défi majeur a été lancé à toute l’intelligentsia de ce pays. Y a-t-il incapacité à gérer le problème ou y a-t-il mauvaise volonté surtout de la part des autorités du pays ?
Ou cette intelligentsia est-elle en panne ? Il se peut aussi que peu de gens se soient vraiment penchés sur la problématique.
Nous nous proposons de faire quelques constats majeurs sur les problèmes tels qu’exposés par les acteurs de l’université eux-mêmes. Nous terminerons par des esquisses de solutions que nous percevons à notre modeste niveau.
1. Des constats
1. La crise actuelle a atteint un stade de non-retour lorsque le dialogue entre la présidence et les étudiants a échoué. Pour nous, cet échec est imputable principalement à un déficit de confiance entre les deux protagonistes. La qualité de la communication entre deux entités dépend aussi de leur prédisposition respective. Et quand l’ouverture au dialogue dont on taxe le président n’est pas accompagnée d’une bonne foi, elle ne sert absolument à rien d’autre qu’à chercher à avoir raison.
Or ici, ce sont des problèmes qu’il faut résoudre. Par exemple, le Pr Koulidiaty lui-même affirme dans son interview, qu’à la question posée aux étudiants de savoir s’ils veulent participer au Conseil scientifique, ces derniers ont, « après un tour de table, finalement dit non ». Cette position est confirmée par Jean Didier Zongo du SYNTER et Moumouni Derra de l’ANEB dans leur interview accordée à L’Evènement. Comment alors comprendre le président lorsqu’il affirme que les étudiants veulent siéger à des instances réservées aux enseignants ?
Cette attitude peut créer des suspicions inutiles entre enseignants et étudiants et cela ne servira pas la bonne cause. Le déficit de confiance est accentué par les éléments de persuasion présentés par le président de l’UO relativement au problème des infrastructures :
un « dossier » qui ne contiendrait qu’un plan de construction et un devis. Croyant convaincre, le Pr Koulidiaty affirme que dans la procédure, il faut d’abord qu’un entrepreneur ait le marché avant que le LNBTP ne fasse une étude de site convenable. Sans être un spécialiste en passation de marché, quelle logique y a-t-il dans cette procédure ?
Peut-on attribuer un marché à un entrepreneur qui ne sait même pas sur quel site il travaillerait ? Le géographe que nous sommes sait au moins que l’expertise du LNBTP peut même conclure qu’aucun site sur le campus n’est convenable pour l’infrastructure ou alors qu’un site peut être exploité mais qu’il présente certaines difficultés qui entraîneraient des surcoûts au niveau du devis initial. Il n’est donc pas crédible de dire qu’il faut d’abord attribuer le marché avant les études d’implantation.
Procéder ainsi peut, d’ailleurs, entraîner des difficultés à l’exécution du marché quelle que soit la bonne volonté de l’entrepreneur. Voilà pourquoi les étudiants ont été outrecuidants en insistant sur le lieu d’implantation traduisant ainsi leur manque de confiance.
2. Au plan pédagogique, nous ne maîtrisons pas l’organisation actuelle puisque nous avons quitté l’UO à la fin des années 90. Néanmoins, quelques réflexions peuvent être émises sur les propos de certains acteurs de l’UO, notamment ceux de Magloire Somé. En effet, celui-ci, dans son interview, affirme : « Le ratio entre enseignants et étudiants est trop élevé. Comment peut-on être performant avec cette surcharge ? ».
Plus loin il dit : « Les étudiants disent que les conditions d’études sont difficiles, c’est pourquoi ils demandent la dérogation. Mais nous, on ne peut pas tenir compte de cela dans l’exercice de l’activité académique. Si nous le faisons, cela veut dire que nous prenons le parti du travail au rabais ». Ces propos sont renversants et le petit commentaire que nous en ferons pourrait ouvrir un débat inépuisable au strict plan des analyses, des pratiques et des techniques pédagogiques. Risquons-le quand même.
Ainsi donc le Professeur affirme ne pas pouvoir être performant dans les conditions d’études actuelles et pourtant, il veut avoir des étudiants performants. Ce qui est enseigné dans toutes les écoles normales du monde, c’est que la réussite des activités d’apprentissage est liée aussi bien à l’enseignant (facilitateur entre les apprenants et le savoir), les apprenants eux-mêmes et enfin, l’environnement (physique, matériel) dans lequel se déroulent ces activités.
Si l’un de ces éléments est défaillant, cela peut compromettre l’atteinte des objectifs. Qu’un enseignant affirme ne pas pouvoir tenir compte des conditions d’exercice de son métier dans les évaluations des étudiants est scandaleux.
Il ne s’agit ici nullement de travail au rabais mais d’un travail assorti d’évaluations adaptées à la situation. Du reste, le travail lui seul peut-il resté perché au summum de l’excellence quand les enseignants sont payés au rabais (« métier non attrayant »), les laboratoires dotés au rabais, les étudiants pris en charge au rabais, les infrastructures construites au rabais ?
Ce n’est pas bon à dire ni à entendre mais il faut évaluer au rabais (par rapport aux seuils actuels) pour être juste, et cela ne vous sera pas imputable messieurs les enseignants du supérieur. A défaut, comme vous affirmez ne pas pouvoir être performants, démissionnez collectivement pour au moins être en conformité avec votre conscience professionnelle et votre honnêteté intellectuelle. Du reste, que 4380 étudiants, soit le cinquième de l’UO, demandent la dérogation est hautement significatif et il ne s’agit pas que de l’échec des étudiants mais l’échec de tous les acteurs du système.
La pédagogie du succès qui est en train d’être appliquée au baccalauréat depuis deux sessions et qui a amélioré les taux de succès ne peut s’arrêter aux portes des universités sinon elle n’a plus sa raison d’être si tel est que le Bac est le premier diplôme universitaire.
Le baccalauréat burkinabè est tellement vanté, et à juste titre, que le taux d’échec actuel à l’UO interpelle forcément toute bonne conscience. Il y a une certaine anomalie d’autant plus qu’après ce diplôme, il y a une orientation pointue faite sur la base des performances des élèves depuis la classe de seconde.
3. Sur la dérogation, il nous semble qu’il y a un dialogue de sourds entre les acteurs de l’université burkinabè. Pour Magloire Somé, la dérogation, en tant que négation de la règle, doit être rejetée puisque son syndicat est contre cette pratique. De même, les autorités de l’UO invoquent aussi les conditions d’octroi de cette faveur qui doivent tenir compte de certaines règles édictées par le CAMES.
La question est donc complexe, car il reste à savoir jusqu’où les instances de l’UO peuvent continuer à déroger aux règles. Là également, les autorités universitaires ont commis quelques erreurs qui poussent les étudiants à penser que l’on peut continuer à négocier les conditions de la dérogation. A titre d’exemples, le président de l’UO, dans son interview à l’Evènement, nous informe qu’il faut d’abord 8/20 de moyenne dans toutes les UFR pour prétendre à la dérogation.
A l’intérieur de cette règle générale, il y a de nouvelles dérogations puisqu’il faut 9,5/20 en UFR/SDS pour en prétendre, et en UFR/SEA, il faut 7/20. On a beau dire que ce sont des décisions du Conseil scientifique, ces conditions disparates peuvent créer certaines frustrations.
En effet, et en réalité, il n’y a pas une UFR plus dure qu’une autre si tous les étudiants sont orientés en fonction de leur potentialité. Si un étudiant va en médecine c’est qu’il se sent apte à y réussir mieux qu’en linguistique.
Ainsi, son choix peut signifier que la médecine semble plus facile pour lui et la linguistique plus difficile. D’où vient alors l’idée que les sciences exactes et appliquées sont plus difficiles que l’histoire au point que 7/20 y suffise pour prétendre à la dérogation, alors qu’il faut 8/20 en histoire et 9,5/20 en médecine ? Ce sont de telles considérations qui créent des frustrations pas seulement au niveau des étudiants mais même dans les corps enseignants du supérieur et du secondaire.
Dans tous les cas, ces sous-critères spécifiques donnent l’impression aux étudiants qu’il y a des marges de manœuvre pour arranger un grand nombre. Ces moyennes disparates pour accéder à la dérogation reposent avec acuité la question des évaluations justes et adaptées ci-dessus évoquée et celle des orientations. Sur le même problème des dérogations, la réflexion peut être poursuivie. En ce qui concerne le dialogue y afférent entre la présidence de l’UO et les étudiants, cela semblait encore être un dialogue de sourd.
Dire que les étudiants n’ont pas pu fournir une liste de leurs camarades remplissant les conditions mais n’ayant pas eu leur dérogation est insensé dés lors que les étudiants ne cherchent qu’à assouplir les conditions d’octroi de ladite. Si, comme l’a dit M. Somé, la dérogation est la négation de la règle générale, alors les étudiants sont dans la logique de la « négation de la règle de la négation de la règle générale » ; autrement dit, c’est le verrou actuel de la dérogation qui est en cause.
4. Au niveau de la question spécifique des infrastructures, les acteurs de l’UO semblent unanimes sur leur insuffisance quantitative et qualitative. M. Magloire Somé, à ce niveau, dégage à juste titre, les compétences du président de l’UO même si nous ne partageons pas son point de vue lorsqu’il affirme que les étudiants devaient monter plus haut pour voir le ministre.
A notre avis, le représentant attitré et permanent du ministre sur le campus c’est bel et bien le président. Celui-ci doit donc rendre compte à sa hiérarchie de toutes les questions, mêmes de celles qui sont de sa compétence directe. Nous avions eu la faiblesse de croire que la construction des amphithéâtres coûtait excessivement cher.
Quand on aime son pays, il faut accepter de dire certaines vérités aux gouvernants en guise de contribution au développement. Si l’on prend aux mots le chef de l’Exécutif burkinabè, le Premier ministre, Tertius Zongo, qui veut faire de la formation des étudiants une priorité pouvant durablement contribuer à l’émergence du pays, force est de reconnaître que les moyens déployés sont largement insuffisants. Personnellement, nous n’avions pas pensé qu’avec un (1) milliard de F CFA on pouvait construire un amphithéâtre de deux mille (2000) places.
Des efforts supplémentaires peuvent être encore faits en sursoyant à certaines dépenses actuellement programmées pour les années à venir. Nous y reviendrons dans les solutions à la crise. De la même manière, il faut écouter le cri du cœur du Pr Didier Zongo du SYNTER lorsqu’il souhaite que le gouvernement soutienne les laboratoires universitaires.
Nous nous contenterons de rappeler ici que c’est précisément par des soutiens multiformes aux laboratoires universitaires, industriels et privés que les Etats-Unis d’Amérique et l’Allemagne ont supplanté l’Europe du Nord et de l’Ouest dans l’impulsion de la deuxième révolution industrielle dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Ces deux grandes nations sont toujours à la pointe technologique. Ce n’est pas face à un président d’université de la carrure du Pr Koulidiaty que l’on insistera sur ce rappel. Par contre, sur l’autre versant de la question globale des infrastructures, nous ne partageons pas les critiques du Pr Somé, lorsqu’il estime que les délocalisations ne sont pas une solution.
Critiquer les délocalisations d’UFR et proposer la création d’université à part entière avec leurs infrastructures et leurs enseignants nous semble incohérent surtout quand lui-même reconnaît que les postulants ne se bousculent pas pour occuper les postes d’enseignants et que même ceux qui en occupent actuellement s’en vont parce que « le métier n’est pas attrayant » ou que « les enseignants sont mal payés ».
Les délocalisations nous semblent être une solution palliative temporaire à l’engorgement actuel, reconnu par tous, du campus de Ouagadougou et en attendant une volonté politique plus affirmée pour régler l’épineux problème de la motivation dans tous les ordres d’enseignement de notre pays. Par ailleurs, les universités qui commencent par quelques UFR sont appelées à grandir et atteindre les formats dont parle M. Somé.
Enfin, dans leur forme transitoire actuelle, ces universités de provinces reçoivent l’appui d’enseignants de l’UO, ce qui n’est pas une nouveauté dans l’enseignement supérieur et même dans le secondaire où des enseignants vont de ville en ville pour donner des cours et même de continent à continent au niveau du supérieur. Le tout n’est qu’une question de gestion du temps, de mesures d’accompagnement et de techniques d’enseignement dans cette ère de technologies avancées de communication.
Ces constats et critiques peuvent être multipliés à l’envi, mais, il est peut-être plus intéressant de contribuer concrètement par des propositions de pistes de solutions. Nous nous hasardons à cet exercice difficile, périlleux, voire prétentieux pour l’enseignant du secondaire que nous sommes.
Nous réitérons ici notre conviction selon laquelle, c’est la nation burkinabè entière qui est interpellée par cette crise universitaire. Il ne s’agit pas que d’une crise des étudiants. L’acuité des problèmes interdit toute idée d’une résolution définitive et facile. Nous souscrivons donc entièrement à l’idée du SG du SYNTER/UO, lorsqu’il dit qu’il faut une vision à long terme et des moyens pour que cette vision puisse se réaliser.
Dans ce processus, des choses peuvent être faites dès à présent et d’autres sur les court, moyen et long termes. Nous nous focaliserons sur des solutions pratiques de sortie de crise et sur quelques pistes à explorer pour les années à venir.
II. Propositions de solutions
1. Il importe, avant toute autre initiative, de créer un climat de désescalade perceptible. En effet, il est aujourd’hui inutile de continuer à se demander qui des autorités ou des étudiants a tort ou a raison. Chacun des acteurs a eu sa part de responsabilité et d’erreur dans les échauffourées qui ont eu lieu le 17 juin, puis dans la lourde décision de fermer l’université.
Cette désescalade peut passer par la cooptation d’un médiateur dont la moralité ou la stature sociale le place au-dessus de tout soupçon. Il faudrait naturellement que ce facilitateur du dialogue ait une audience auprès du premier ministre, chef de l’Exécutif du Burkina Faso pour ne pas être rapidement « grillé ». Nous suggérons que des bonnes volontés puissent de par elles-mêmes proposer leurs bons offices pour cette cause nationale.
Cependant, il serait intéressant, dès que le médiateur sera accepté, que les autorités en guise de manifestation de leur bonne volonté fassent un geste fort que d’aucuns ont qualifié d’humanitaire avant le 15 septembre 2008 : la reprise des œuvres sociales sur le campus à savoir la réouverture des cités, des restaurants, des services de santé...
C’est après cela que les véritables négociations s’engageront, car on imagine mal la reprise d’un vrai dialogue avec des responsables d’associations estudiantines soumis à des graves contraintes de logement, d’alimentation et qui, théoriquement, auraient pu ne même plus être à Ouagadougou.
Ce médiateur aura pour principales tâches d’abord de renouer le fil du dialogue entre les différentes parties, ensuite de participer aux négociations et enfin, de prendre part au suivi et à l’évaluation des points de-consensus qui se dégageront des négociations.
Ces négociations seront précédées par le départ des forces de sécurité du campus. Ce cadre informel pourrait même être préservé avec une périodicité mensuelle de réunions. Il semble que le président de l’UO ait reçu par une quinzaine de fois les responsables des étudiants dans le cadre de cette crise.
Avec un cadre quasipermanent de concertations, on aurait pu éviter ce qui est arrivé tant il est vrai que les réunions de crise sont difficiles à tenir et peuvent déboucher sur des résolutions tout aussi difficiles à exécuter...
2. Sur la question spécifique de la dérogation, les instances commises à la tâche devront y replancher puisque, ce serait de la provocation gratuite que de vouloir supprimer les dérogations dans le sens voulu par le SYNADEC qui semble trouver là un moyen pour diminuer les effectifs au campus en renvoyant massivement des étudiants. Si les dérogations doivent être supprimées, cette décision doit alors aller au contraire dans le sens du non-renvoi et de la liberté totale pour tout étudiant de redoubler autant de fois qu’il le désire pour ajouter du savoir à du savoir.
Le nombre d’années pour acquérir une science est moins important que l’acquisition même de ce savoir et sa valorisation ultérieure. Il serait inutile d’engager ici un débat pédagogique, philosophique, politique... et même constitutionnel sur cette question. Pour l’heure, nous pensons, à notre modeste niveau, que l’on pourrait ramener la moyenne à 7/20 pour prétendre à la dérogation dans toutes les UFR. En effet, la preuve est faite par la pratique dans l’UFR/SEA que cela est possible. Nous nous sommes déjà prononcé sur le faux principe qui veut que certaines UFR soient plus difficiles que d’autres. Cependant, on pourrait arrêter les aides financières étatiques à ceux des étudiants qui viendraient à consommer un certain nombre de dérogations successives.
3. En ce qui concerne les bourses et au regard des ambitions que les plus hautes autorités professent placer en la formation des jeunes, en la consolidation/valorisation des ressources humaines et plus spécifiquement en la formation des étudiants, quelque chose peut et doit être fait. Au regard du nombre d’étudiants au Burkina Faso et précisément ceux qui sont dans les cas de figure présentés par les responsables des étudiants, le gouvernement doit faire un geste tout en mettant en place une planification pluriannuelle en la matière eu égard aux ambitions nationales.
Cet échangeur aurait pu construire des amphithéâtres avec une capacité totale de 22 000 places. Cet échangeur est déjà construit et c’est bien. Beaucoup de gens en semblent fiers et c’est peut-être normal. Cependant, la télévision nationale nous a appris qu’à sa suite dix (10) autres échangeurs seront construits dans la seule ville de Ouagadougou.
Le journaliste reporter n’ayant pas parlé au conditionnel, cela veut dire que les financements sont acquis. Nous proposons que le gouvernement annule la construction de quatre (4) échangeurs pour affecter les fonds à la construction d’amphithéâtres, de salles, de laboratoires équipés et de bureaux à Ouaga 1, à Ouaga II, à Bobo, à Koudougou, à Ouahigouya et à Fada.
Cela résoudra pendant un temps le problème des infrastructures puisqu’il semble que certains de ces échangeurs coûteront plus chers que le premier. On pourrait identifier beaucoup d’autres dépenses qu’on peut abandonner et les étudiants seront éternellement reconnaissants à la nation pour les « sacrifices » consentis...
2. L’augmentation des capacités d’accueil ne rimera à rien si elle n’est pas accompagnée d’actions de revalorisation de la fonction enseignante qui va de paire avec celle du recrutement des enseignants. Nous pensons que des solutions existent dans l’enceinte des universités, mais qu’il serait judicieux de faire une analyse globale au niveau de tous les ordres d’enseignement. Ainsi, il serait bon que dans la prochaine relecture de la grille des indemnités, un effort colossal soit fait à la hauteur des ambitions du pays pour la population des ressources humaines.
Une grille indemnitaire spécifique et revalorisée devrait être mise en œuvre puisque dès l’année prochaine, les recettes de l’Etat s’amélioreront forcément et considérablement avec ces multiples mises à exploitation des sites miniers notamment aurifères. Dans une synergie gouvernementale et avec une ambition affichée de discrimination « positive », on pourrait mettre en place un programme spécifique de logements pour enseignants.
Cela est d’autant plus normal que tous les enseignants, qu’ils soient du primaire, du secondaire ou du supérieur ne peuvent s’empêcher de travailler à leur domicile utilisant de ce fait leurs propres matériels pédagogiques, leur habitation, leur temps, leur électricité, leur énergie tout en incommodant assez fréquemment leur famille... L’Etat a le devoir de les aider à disposer de ces « bureaux à domicile », car ce ne sont pas les ridicules indemnités de logement actuelles qui changent grand-chose par ces temps de flambée anarchique des loyers.
3. Concernant le problème du déficit d’enseignants dans les universités et les difficultés pour inciter les jeunes docteurs à postuler aux postes d’enseignants, la démarche actuelle du Pr Koulidiaty est bonne et doit être soutenue.
En effet, le nombre d’enseignants permanents est passé de 272 en 1996 à 383 en 2006, soit un renfort de 111 enseignants en 10 ans. Face à cette situation, son initiative cette année a consisté à transformer par anticipation dix-sept thésards en enseignants à temps plein en attendant de les nommer assistants dès qu’ils auront soutenu leur thèse.
De la même manière, le président de l’UO a proposé aux étudiants titulaires d’un DEA de pouvoir occuper des postes de vacataires, la vacation étant mieux rémunérée que le monitoring. C’est une démarche pragmatique positive qui doit être poursuivie. Mais à côté de ces initiatives, il importe de réfléchir sur le moyen et le long terme pour juguler ou atténuer ce problème.
Pour contribuer à résorber le déficit d’enseignants dans les universités, on pourrait établir des passerelles incitatives entre les différents niveaux d’enseignement au Burkina Faso et en l’occurrence entre le secondaire et le supérieur. Nous savons tous que pour être enseignant de lycée, il faut la licence, plus deux (2) années de formation en sciences de l’éducation. Tous les enseignants du secondaire ont donc un diplôme universitaire.
Or pour enseigner à l’université, on n’a pas besoin de formation après l’obtention d’un doctorat. Dans un contexte où nos universités vont vers la mise en œuvre généralisée du système licence-Master-Doctorat (LMD), l’initiative consistera à ouvrir des concours spéciaux de recrutement d’enseignants du secondaire titulaires d’une licence pour les former aux niveaux Master et Doctorat et à les reverser directement pour l’enseignement supérieur.
Ces enseignants ont l’avantage d’être déjà dans le métier en ayant même reçu des formations dans l’art de transmettre le savoir. Leur formation sera préalablement assortie d’un engagement décennal à enseigner dans une université burkinabè. Pour les filières où il n’y a pas d’enseignement doctoral au Burkina, on pourrait envoyer ces étudiants dans des pays où le Burkina dispose d’une ambassade de manière à les suivre et au besoin à les contraindre à respecter les engagements de départ.
Cette contrainte peut aller jusqu’à des poursuites judiciaires ou à des mandats de dénonciation internationale d’irrégularité de situation ou d’indignité de confiance. Plus tard, des conventions peuvent être signées avec ces pays d’accueil au moment de l’inscription de ces étudiants destinés à l’enseignement universitaire.
Ce système a comme autre avantage qu’il éviterait de parler de bourse doctorale au niveau de ceux formés au pays puisqu’on pourrait conserver leur salaire de fonctionnaire durant toute leur formation. De même, à leur intégration au supérieur, le différentiel de salaire entre leur ancienne rémunération de professeurs de lycée et la nouvelle en tant qu’enseignant du supérieur atténuerait la très forte variation de la masse salariale que l’on observerait en recrutant massivement des enseignants non encore fonctionnaires. Mis à contribution à côté des initiatives actuelles, on pourrait en 3 ou 4 ans commencer à se rapprocher de la solution.
De la même manière, on permettrait à des instituteurs titulaires du DEUG ou de la licence de pouvoir monter au secondaire pour enseigner après une (1) année de formation au lieu de deux (2) à l’ENS. Pour maintenir tout le système éducatif en cohérence le PDDEB sera-mis à contribution pour maintenir les recrutements massifs au niveau de l’enseignement primaire à l’effet d’éviter de déplacer les problèmes d’un ordre à un autre.
Ce système sera une source supplémentaire de motivation pour tous les enseignants avec un plan de carrière offrant plusieurs opportunités pour progresser professionnellement et améliorer leurs conditions de vie. C’est pour cela que nous sommes convaincu que les problèmes de l’université sont à intégrer dans un plus vaste ensemble. Dans tous les cas et de toute évidence, les élèves « génération PDDEB » poseront bientôt de nouveaux défis au secondaire et plus tard dans les universités...
Notre crise universitaire est complexe car, elle découle d’une compilation de choses non faites, de choses faites dont on aurait pu se passer et d’un déficit de prospective. Cet écrit est notre contribution, à notre modeste niveau, convaincu que nous sommes qu’il n’est pas possible que les Burkinabè, si ingénieux en initiatives ne puissent pas trouver des solutions durables à cette crise qui n’a que trop durer. Par moments, nous nous sommes voulu volontiers provocateur. Si cela choque des gens, qu’ils nous en excusent.
Notre objectif, c’est de susciter un vrai débat sur la question au-delà des trop récurrentes condamnations de principe et des critiques faciles formulées à l’endroit des responsables du système éducatif ou des étudiants qui ont, au moins, chacun en ce qui le concerne, le mérite de faire ou de proposer ce qu’ils estiment être judicieux à des moments précis. Ils peuvent cependant se tromper. Aidons-les à se tromper le moins possible.
Kambiré Togo Serge
Géographe ruraliste, professeur de géographie et d’histoire
Lycée Bogodogo de Ouagadougou
L’Observateur Paalga du 30 juillet 2008
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