De "French doctor" à "French warrior" (1)
Bernard Kouchner
De "French doctor" à "French warrior" (1)
"Il faut se préparer au pire", c'est-à-dire "la guerre". Ainsi s'exprimait Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères le 16 septembre dernier à propos de la crise nucléaire iranienne. Visiblement, le locataire du Quai d'Orsay se découvre des qualités de Rambo troquant le blouson et la seringue de "french doctor" contre le treillis de camouflage et la Kalach du "french warrior". Quelle mouche a donc pu bien piquer le "monsieur humanitaire" français, lui qui, mieux que quiconque connaît les conséquences affreuses des guerres ? Malgré toute sa bonne volonté et son savoir-faire, a-t-il pu réellement déjà panser avec succès les plaies causées par des conflits en Irak, au Darfour ou ailleurs dans le monde ? Sans aucun doute, à moins qu'elle n'ait été faite que dans un but de chantage pour mettre un peu plus de pression sur Téhéran, la déclaration du sherpa de Nicolas Sarkozy est plus qu'inopportune. Du reste, elle a créé une grande onde de choc chez tous les observateurs de la scène politique internationale. Même Mohamed El Baradeï, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), en est resté baba. "Nous devons rester calmes. Nous ne devons pas dramatiser cette question", a souligné l'homme. S'il faut reconnaître que Kouchner n'est que le porte-voix de son maître, en l'occurrence Nicolas Sarkozy, il ne faut pas être devin pour affirmer que quelqu'un est en train de faire jouer un mauvais rôle au socialiste Kouchner dans ce gouvernement de droite, avec peut-être pour objectif de lui faire aligner les bourdes. Ainsi, sa démission ne surprendrait personne. Kouchner, c'est tout de même une forte personnalité. Et ça, Sarkozy le savait bien, lorsqu'il l'écartait des négociations et du dénouement de l'affaire des infirmières bulgares en Libye. Sarko a préféré tresser ces lauriers pour Cécilia son épouse et lui-même. Kouchner qui n'entend pas être mis aux oubliettes veut prouver qu'il existe. Pour ce faire, une sortie fracassante, le dossier pouvant être aussi brûlant que le nucléaire iranien, faisait bien l'affaire. Pour faire mouche, Kouchner a tapé dans le mille quand on voit la grosse polémique suscitée par cette déclaration. Au point de provoquer une reculade du chef de la diplomatie française qui a reconsidéré ses propos. Même François Fillon, le Premier ministre français, a dû passer une couche de "corrector" sur les déclarations de son ministre des Affaires étrangères.
Une chose est certaine, la déclaration de Bernard Kouchner traduit, si besoin en est encore, le durcissement de ton de la France à l'endroit de Téhéran ces derniers jours. George Bush qui doit bientôt affronter le Sénat américain dans sa bataille pour obtenir un financement pour alimenter "sa" guerre contre l'Irak, boit son petit lait. Avec la France de Sarkozy, il vient de colmater le trou laissé par son indéfectible allié, Tony Blair. Gordon Brown, l'actuel Premier ministre britannique a fini de prouver qu'il n'est pas du tout sur la même longueur d'ondes que la Maison blanche en ce qui concerne l'invasion et l'occupation de l'Irak par les troupes de la coalition. Ce durcissement de ton de Paris à l'égard de Téhéran risque sans doute de radicaliser la position des Chiites vivant en Irak.
Jusqu'où peut aller l'engagement de la France si guerre il y a contre l'Iran ? Les Etats-unis d'Amérique qui ont fort à faire pour se dépêtrer du bourbier irakien réfléchiront par deux fois avant d'ouvrir un autre front qui risque d'être encore plus suicidaire que Bagdad. La France a-t-elle les moyens humains et logistiques pour affronter l'Iran ? Rien n'est moins sûr et c'est fort de cela que Mahmond Ahmadinejad qui en a vu d'autres, dit ne pas prendre "au sérieux " les déclarations de Kouchner.
La lutte contre la prolifération nucléaire est juste et noble pour l'avenir de la paix dans le monde. Toutefois, rien ne sert de mettre le feu aux poudres par des déclarations à l'emporte-pièces. Il faut privilégier l'approche diplomatique et économique, comme l'a signifié tout dernièrement l'administration Bush par la voix de Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense. La France doit donc éviter d'être plus royaliste que le roi, même si de plus en plus, l'Elysée devient la réplique fidèle de la Maison Blanche en matière de politique internationale .
Le Pays du 19 septembre 2007
Notes : (1) warrior : guerrier
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