DEBAT : J’en veux vraiment au CDP
Implication des chefs traditionnels dans la politique
J’en veux vraiment au CDP
En ce 21e siècle, nombreux sont les chefs traditionnels au Faso qui ne reçoivent plus les honneurs dus à leur rang, du fait de leur implication dans la politique.
Jonas Hien, qui ouvre le débat, pointe un doigt accusateur sur le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir, qui contribuerait à la destruction de notre société.
Depuis le début des années 1990, le concept de développement a connu une extension. Il est de plus en plus question de "démocratie et développement". A ces vocables, sont venus se greffer deux autres : "la globalisation" et la "mondialisation". On a dit aux Africains que le développement durable n’est plus possible sans la pratique de la démocratie ; et qu’appliquer les règles de démocratie, c'est respecter les droits humains, accepter l'autre. Et on est arrivé à une conclusion rapide que la vie démocratique est la condition sine qua non pour aspirer à un bien-être. D'où la conditionnalité de l'"aide au développement" par l'ouverture de vie démocratique et du respect des droits humains en Afrique, imposée par les puissances financières. Mais voyons quelle était la préoccupation au lendemain des indépendances.
La préoccupation première des "maîtres nouvellement libérés" était de parvenir eux aussi à assurer le développement de l'Afrique et lui restaurer sa dignité du "berceau de l'humanité". Pour y parvenir, des régimes militaires furent instaurés. Très vite, un système de "développement" fut mis en place: celui de la kalachnikov. C'est ainsi que la démocratie aurait été "développée" en sens inverse et le bafouement des principes élémentaires de la vie connut également un développement exponentiel.
Les "guides éclairés" des écoles de la colonisation
Au centre des systèmes de gouvernance, on citait deux mécanismes de vigilance : le contrôle du maintien du système à voie unique mis en place et la sécurité visant à étouffer toute velléité d'idée d'alternance. Les peuples africains étaient donc traumatisés et vivaient une démocratie et un développement tels que conçus par les "guides éclairés" issus des écoles de la colonisation. Alors, on peut comprendre une des raisons pour lesquelles le sommet de la Baule, en France, en 1990, a convaincu. A partir donc de 1990, c’est le "renouveau démocratique". Le langage change. On reconnaît avoir travaillé pour l'Afrique depuis les indépendances sauf en prenant la voie qui conduit à son développement véritable. Alors, il faut corriger les torts et repartir sur de nouvelles bases, le but étant toujours de parvenir au développement qui est à l'ordre du jour depuis des décennies. C'est ainsi que la voie de la démocratie, telle que le voulait le Sommet de la Baule, fut acceptée. Désormais, la démocratie doit conduire l'Afrique à un développement véritable, un continent aux potentialités évidentes.
Par cette "voie de salut", il s'agissait de permettre à chaque citoyen, de vivre désormais dans la quiétude, dans la justice et de pouvoir exprimer ses opinions et faire son choix démocratique selon sa vision des choses, du monde et des faits sans être inquiété ou volé de son choix. L'intérêt du nouveau système de gestion du pouvoir d’Etat (la démocratie) visait également à éviter les remises en cause sans cesse des politiques de développement par les dirigeants qui se succédaient à la tête des Etats par suite des coups de force. Il s'agissait aussi de mettre fin à des pratiques de banalisation de la vie humaine, c'est-à-dire au banditisme politique. Mais quel constat ?
Des démocraties ambiguès et dangereuses
Si l'appel à l'instauration d'une "vie constitutionnelle normale" (démocratique) et au respect des droits humains a été entendu par les dirigeants africains, il est à noter que le message semble ne pas être bien compris. En effet, les démocraties africaines deviennent de plus en plus ambiguès et dangereuses. Les relents de politiques à voie unique demeurent et les violations des droits humains deviennent de plus en plus inquiétantes: assassinats de citoyens pour différence de point de vue, élections dites démocratiques sous fond de fraudes flagrantes.
La situation "obscure claire" semble alors se compliquer de nouveau pour les Africains qui, pour se donner du courage et de l'espoir, continuent la dissertation sur le développement durable qui dure à se développer. Alors que faire ? Il paraît qu'un développement qui passe par une voie démocratique est un long processus. Il faut donc patienter pour voir passer toutes les pratiques antidémocratiques et anti- développement. Et puisque le Burkina Faso fait partie de l’Afrique avec tout ce qui existe comme similitudes dans ces pays, ramenons les choses dans le contexte burkinabè et analysons la vie politique dans notre pays pour s’intéresser à plusieurs aspects: l’existence des partis politiques, le financement des partis politiques, le discours politique, le comportement des hommes politiques, la vie démocratique elle-même.
De l’existence des partis politiques
Plus d’une centaine de partis politiques existent au Burkina Faso. En se référant aux textes qui autorisent la création des partis politiques, mille partis qui se créeraient conformément auxdits textes ne me dérangent point. Chaque Burkinabè a le droit d’ouvrir son télécentre. Qu’il parle beaucoup en ville et n’arrive pas à remplir son télécentre de clients, c’est son problème. Laissons donc tous ceux qui désirent créer un parti politique le faire. Ils veulent développer notre pays par la voie politique. Il faut même les encourager dans ce sens.
Du financement des partis politiques
C’est là que ça me regarde. La complaisance avec laquelle le gouvernement a gaspillé notre argent à tous des années durant sous prétexte que c’est pour permettre à des partis politiques de battre campagne, mérite d’être dénoncé. J’ose croire qu’après les élections législatives du 6 mai 2007, un tel gâchis prendra fin. Ce gaspillage d’argent public doit s’arrêter, le financement des partis politiques repensé; en ce sens qu’il faut des conditions draconiennes dans le financement des partis qui tiennent compte non seulement de la représentativité du parti mais aussi du sérieux de leurs dirigeants. Et encore que l’expression "campagne de proximité" est devenue la mode lors des campagnes électorales, cela favorise toute sorte d’utilisation de ces fonds. On revient de son chantier où l’on vient de faire déverser du sable et du gravillon, on vient de la campagne de proximité ! On disparaît pour échapper aux militants qui attendent aussi de quoi aller battre campagne pour réapparaître et commencer à parler de campagne de proximité! Et que dire de ce président de parti politique qui, après avoir touché son chèque pour ces législatives, s’est mis à remercier le gouvernement à tue-tête. Voici un citoyen qui ne connaît même pas ses droits et qui veut contrôler l’appareil de l’Etat. Le financement des partis politiques est donc à revoir en vue d’arrêter ce gaspillage inutile des fonds publics. Vous verrez encore s’il y aura même 30 partis au Burkina Faso.
Du discours politique
La "valeur" d’un homme politique c’est son discours: la manière dont il s’adresse aux populations, la maîtrise de la ligne politique de son parti, la pertinence de son programme de société, son langage vis-à-vis des partis partenaires ou adversaires, la mesure de la responsabilité vis-à-vis du peuple en tant qu’homme politique. Dans ces domaines, il y a beaucoup à faire. Quand on connaît l’esprit dans lequel certains partis sont créés, on peut leur faire bénéficier des circonstances atténuantes s’ils ne disposent pas de programmes de société. Mais pour un homme politique, le discours politique compte beaucoup. Le discours politique pour un homme politique est ce qu’est la responsabilité sociale pour un journaliste. En politique, il faut parler mais il faut savoir parler. Il y va de la paix sociale surtout en périodes électorales. Sur ce point, je m’en veux vraiment au parti au pouvoir, le CDP, dont les militants ont parfois des attitudes contraires aux principes de la culture de la paix et de la tolérance. Certes, d’autres partis politiques connaissent les mêmes insuffisances. Mais c’est le parti qui gère mon destin politique qui m’intéresse le plus. Suivant les élections depuis les années 1990, ce sont les militants du CDP et des candidats, qui n’hésitent pas à des tentatives d’empêchement d’autres partis de battre librement campagne sur le territoire burkinabè. Pendant le mouvement du collectif de lutte contre l’impunité, des partisans du CDP ont bâtonné d’autres citoyens, les traitant d’étrangers sur leur territoire et les invitant à aller faire grève chez eux. Pendant ces récentes législatives, ce sont encore des candidats du CDP qui ont tenté d’empêcher d’autres partis de battre campagne sur ce qu’ils considèrent comme leur chasse gardée. Depuis ces comportements, on n’a pas enregistré une seule fois de condamnation officielle de la part du CDP. Ce n’est pas responsable pour un parti au pouvoir. Un parti au pouvoir doit montrer que son souci quotidien, c’est la paix sociale pour mettre en œuvre son programme de gouvernement. En politique, il n’existe pas de comportement à négliger.
Irresponsable pour un parti au pouvoir
Qu’adviendrait-il si des militants à la base de tel ou tel parti venaient à commettre l’irréparable. Il serait trop tard. Même s’il advenait que des militants d’un autre parti s’engageaient dans de telles déviations, il appartient au parti au pouvoir de les rappeler à l’ordre. Il est de son plein droit car garant de la paix sociale. Mais que des déviations viennent du parti censé appeler à la paix sans qu’une voie officielle s’élève contre, c’est incompréhensible. Je ne vois pas en vertu de quoi un citoyen burkinabè, responsable ou candidat d’un parti politique, doit avoir une autorisation d’un candidat d’un autre parti pour battre campagne sur le territoire burkinabè ! Des candidats du CDP ont tenté cet empêchement et le parti CDP a laissé faire. C’est inadmissible. Je répète, c’est irresponsable pour un parti au pouvoir.
Autre aspect du discours politique à considérer, c’est la mission constitutionnelle de l’homme politique. Prenons le cas des députés. Les législatives du 6 mai 2007 nous ont permis non seulement d’enrichir notre vocabulaire avec des candidats mais aussi de mesurer le niveau de maîtrise même de la mission constitutionnelle du député par les candidats à ces postes. En dehors de quelques candidats qui ont tenu jusqu’au bout le discours vrai quant à leur possibilité une fois élu, la majorité n’a pas œuvré à l’éveil des consciences de leurs propres parents en saisissant l’occasion pour leur expliquer ce qu’est un député et sa mission. Les hommes politiques candidats aux élections politiques gagneraient à convaincre sur la base de la vérité. "La politique est l’art du mensonge" est un discours dépassé.
Même Blaise sait que le pays va mal
Un autre aspect qui a manqué aux candidats lors de cette campagne législative, c’est la défense de leur programme de société. En dehors de «Blaise Compaoré gère mal le pays», il n’y a pas eu d’autres arguments. Or, on n’apprend rien aux Burkinabè en leur disant que ça ne va pas au pays. Blaise Compaoré lui-même sait que le pays va très mal. Blaise Compaoré gère mal le pays ce n’est pas aujourd’hui. Même les enfants de l’école primaire sont au courant maintenant. Certes, officiellement, on entend dire que le peuple les aime, qu’on les a votés massivement, qu’ils n’ont pas utilisé les moyens de l’Etat pour battre campagne. Et pourtant un phénomène bizarre se répète à chaque élection. Et je l’ai personnellement vécu en direct lors de ces législatives : les garages automobiles ont été pris d’assaut à la recherche des plaques d’immatriculation contre des frais plus ou moins importants. Même les plaques à peine lisibles, on en avait besoin. On a voulu obliger un garagiste, devant moi, à enlever les immatriculations des véhicules de ses clients contre paiement avec assurance à jurer de les restituer à la fin de la campagne. Effectivement, des plaques d’immatriculation reçues ont été retournées aux mécaniciens auto qui en exigeaient le retour après la campagne. Faut-il croire que dans ce Ouagadougou, il existe autant de véhicules sans immatriculations? Nous avions profité ce jour-là pour chercher à comprendre ce phénomène. Et vous connaissez le ‘’Nègre’’. Pour montrer qu’il n’est pas n’importe qui, il vous dit avec qui il mange et pour qui il travaille. Donc, il faut arrêter d’insulter l’intelligence de vos compatriotes quand vous affirmez que vous n’avez pas utilisé les moyens de l’Etat. Je peux vous donner des preuves inattaquables. Cette parenthèse, pour attirer l’attention des partis politiques sur la nécessité de disposer d’un programme de société pertinent à défendre lors des campagnes électorales. Les populations savent déjà qu’elles ne peuvent plus rien attendre de ce régime si tu n’es pas proche de la famille présidentielle.
Le mot changement devrait aussi être élucidé afin de faciliter la compréhension des électeurs lors des campagnes. La majorité des partis, lors de cette campagne législative, a mis l’accent sur son désir du changement une fois élu. L’ambiguïté est venue des partis qui soutiennent le Président Blaise Compaoré (j’imagine, car là aussi, il y a ambiguïté : on soutient le chef et on déteste les membres de la famille du chef). Pendant que le parti au pouvoir parlait de progrès continu, des partis de la mouvance dissertaient eux aussi sur le changement. C’est à se demander ce qu’ils veulent changer quand ceux qu’on soutient ne parlent pas de changement.
Du comportement des hommes politiques
Un homme politique est un homme public. Et quand il aspire à gérer l’appareil d’Etat, ses propos et gestes doivent compter pour les citoyens. Il ne faut pas confier la gestion des affaires publiques à n’importe qui. Si aujourd’hui le Burkina Faso de Blaise Compaoré va mal, c’est parce que le discours politique des dirigeants actuels est en contradiction flagrante avec la pratique. On se souci peu des citoyens et on a horreur des critiques. Citons ce qui pourrait s’apparenter à une anecdote : le 6 avril 2007, le gouvernement a organisé la revue annuelle du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté. A l’occasion, la contribution de la société civile était attendue. Comme apport, elle a présenté, entre autres, une enquête sur les infrastructures routières. Il s’était agi d’un sondage d’opinion auprès des transporteurs routiers et commerçants, dans les régions de l’Est, du Sahel et de la boucle du Mouhoun et des entretiens dans la Région de l’Est, auprès des transporteurs, des commerçants, de la Direction générale des Infrastructures et du Désenclavement, des Bureaux d’ingénieurs- conseils, des entrepreneurs et des projets.
Si Hermann est fatigué, il n'est pas obligé de faire la politique
Lors de la présentation à la revue, des exemples de routes réfectionnées annuellement mais avec des résultats déplorables ont été donnés. De même, il a été montré les inconvénients de l’état défectueux des voies routières. Il n’en fallait pas plus pour susciter le courroux de certains membres du gouvernement avec le ministre des Infrastructures en tête, qui a lâché publiquement qu’il n’aime pas ce genre de personnes qui font ce genre de travail. A peine un mois, et voici ce qui s’est passé sur la route de Dori avec mort d’homme. Certes, le ministre de tutelle n’attribue la responsabilité à personne. Le fait d’attirer parfois l’attention d’un homme politique ou d’un dirigeant peut envoyer la foudre. Et pourtant il faut oser critiquer les hommes politiques qui aspirent à la gestion du pouvoir, de même que ceux qui sont déjà au pouvoir. Ils ne sont pas là-bas pour eux-mêmes. Et tant qu’il s’agit d’une œuvre d’intérêt public, il faut oser dire à tel ou tel ministre ou autres, qu’il y a problème dans sa maison. Cela n’a rien de méchant. Et les ministres qui acceptent des critiques ont toujours fait du bon travail. Il y a aussi des exemples positifs que l’on peut citer dans ce même gouvernement. Critiquons donc les hommes politiques quand il faut. C’est pourquoi il faut avoir le courage de dire à monsieur Hermann Yaméogo que s’il est fatigué il n’est pas obligé de faire la politique. Voici un homme politique, candidat de surcroît, en campagne, qui appelle ses militants à le voter massivement et qui refuse de voter. Hermann Yaméogo a refusé de donner voix à lui-même mais appelle les autres à lui donner leurs voix. Non seulement une telle attitude ne répond à aucune stratégie en politique mais surtout il s’agit d’un manque de respect et de considération vis-à-vis des militants de son parti.
A défaut de participer à la formation politique de ses militants, il faut éviter de tels comportements. Le comportement d’un homme politique doit refléter les aspirations et l’engagement de ses militants.
De la vie démocratique
On a compris maintenant. La démocratie au Burkina Faso est synonyme d’impunité, d’arrogance, d’impolitesse, de misère. Avec la démocratie, on peut tuer votre parent et vous n’avez pas droit à la justice; surtout si les présumés coupables se trouvent du côté de la présidence. Avec la démocratie, vous pouvez être au courant de la gestion gabégique des fonds publics mais vous n’y pouvez rien. C’est au nom de la démocratie qu’on vous flatte en faisant croire qu’on lutte contre la pauvreté. L’attitude des jeunes lors de la campagne législative a été un vrai désaveu des hommes politiques en général et des tenants du pouvoir en particulier. Discuter avec les jeunes. Ils sont au courant des magouilles, de Ouaga 2000, de la "cité de l’impunité" à Somgandé et d’autres choses qu’on ne pourrait imaginer qu’ils sont au courant. Ils ne trouvent pas les bénéfices de cette démocratie hideuse pour les populations du pays réel.
Le plus grave dans tout cela, c’est que la démocratie burkinabè est en train de détruire la seule richesse qui pourrait nous rester: les valeurs culturelles. La prise en otage des chefs traditionnels dans la vie politique est la plus grave bêtise et le plus grand danger de notre démocratie. Cela peut avoir une explication. L’impopularité du Président Blaise Compaoré est due à cette haute trahison de son "ami" Thomas Sankara. L’homme se cherchait donc à tous les niveaux. Et avec la démocratie, il lui était difficile d’avoir l’audience des populations lors des élections. Il lui fallait s’appuyer sur les chefs traditionnels pour glaner quelque chose pour lui. Humainement on comprend. Mais du point de vue de l’avenir du pays, c’est une grave erreur.
Un chef traditionnel n'est pas n'importe qui
Mon avis serait que protocolairement, le Moro Naaba, par exemple, vienne après le Président du Faso (pas parce qu’il s’appelle Blaise Compaoré mais même si c’était moi). Certes, l’école du Blanc veut nous faire croire qu’un Chef d’Etat africain est au-dessus d’un chef traditionnel. C’est du mensonge. Nous avons accepté certaines choses du Blanc à l’école parce que nous voulions des points pour passer en classe supérieure. Maintenant qu’on n’a plus de devoir de passage, revenons à la réalité et reconsidérons nos valeurs traditionnelles. Voyons ce qui ce passe aujourd’hui. Un chef traditionnel n’a pas de respect de la part des jeunes. Ils sont considérés comme politiciens et traités comme tel ; parfois même comme de vulgaires citoyens à qui il ne faut pas prêter attention. Quel danger pour la société ! A supposer qu’une crise sociale aiguè éclate au Burkina Faso. Qui serait le recours ? Qui pourrait mettre fin aux désastres? "Un chef traditionnel est un citoyen comme tout citoyen et a droit à faire la politique", entend-on dire. Sans nier cette vérité, nous pouvons même ajouter qu’il n’est pas un citoyen comme les autres. Il est une référence sociale qui doit façonner les autres citoyens vers un idéal d’impartialité commun. En d’autres termes, un chef traditionnel ce n’est pas n’importe qui. Il est l’avenir de tout un peuple en ce qu’il contribue à réguler la vie et la cohésion sociales. Nous ne devons donc pas jeter ce type de personnes à la maltraitance de n’importe qui. Fort malheureusement, des chefs traditionnels engagés dans la politique ont des propos xénophobes, régionalistes, divisionnistes. Nous gagnerons tous à réfléchir sérieusement sur la chefferie traditionnelle et la vie politique. Je partage en grande partie la vision du professeur Laurent Bado sur le traitement à réserver aux chefs traditionnels par l’Etat. Il faut redonner de la valeur et de la considération aux chefs. Actuellement, on veut se maintenir au pouvoir. Toutes les pratiques sont permises mais nous courons de gros risques si le tir n’est pas vite rectifié. Et pour cela, j’en veux vraiment au CDP.
Le CDP est en train de détruire notre société
Mon avis formel est que le CDP est en train de détruire notre société avec cette implication profonde des chefs traditionnels dans la politique. Je suis Lobi. Et en pays Lobi, chacun est chef dans sa propre cour et ne l’exerce, s’il le veut, que selon les limites de la clôture de sa cour. Personne n’a d’ordre à donner à qui que ce soit. Mais l’ordre règne car chacun connaît sa place et ne peut pas se tromper au risque de recevoir tout de suite les représailles à la hauteur de son erreur ou de sa faute. On se demanderait alors ce qui me regarde puisqu’on n’a pas de chef. C’est l’avenir de mon pays qui me regarde. Le maintien des valeurs culturelles africaines me regarde et j’ai un grand respect pour les sociétés dites organisées ayant donc à leur tête des chefs.
Dans un pays aussi instable comme le Burkina Faso où il suffit d’avoir le pouvoir pour chercher à brimer les autres parce qu’ils ne font pas partie de la famille présidentielle ou considérée comme telle, l’existence des personnes-ressources comme les chefs traditionnels est plus que nécessaire. Je n’invente rien. Le dossier Norbert Zongo ne peut pas avancer et on sait pourquoi. Le Commandant Bernadin Pooda est en prison parce qu’il n’est pas reconnu comme proche de la famille présidentielle. Il n’appartient pas non plus à un club proche de la famille présidentielle. C’est ça la vérité. C’est tout ce qui l’a envoyé en prison. Si ce n’était que des cas de détournements, ils sont légion dans ce régime et on peut publier ces cas dans les journaux chaque jour et si les accusés estent en justice, on ajoute ce qu’on n'avait pas dit jusqu’à ce qu’ils demandent pardon devant le juge. On connaît très bien ce qui se passe dans ce pays. Evitons donc les injustices.
Des lois votées entre deux pause-café
S’agissant de la nouvelle Assemblée qui s’annonce, il faudrait que les choses changent. Le peuple a trop souffert de par la faute des députés. Des lois sont votées entre deux pause-café sans qu’on ne cherche à recueillir d’abord les avis de ceux qu’ils sont censés représenter. On ne vote pas une loi dans la précipitation. La presque-totalité des candidats aux élections législatives ont mis en avant la jeunesse. J’attends le premier député qui soumettra la première proposition de loi en faveur de la jeunesse. Par exemple, demander que les émoluments des députés soient réduits, que le train de vie de l’Etat soit réduit et que l’action du gouvernement en faveur des jeunes soit plus visible ; que des députés se constituent en commission de suivi ou de vérification des actions qui vont effectivement en faveur des jeunes. On attend également que les députés aient le courage de dire officiellement à l’exécutif que l’injustice a trop duré avec ce régime; qu’il y a trop de frustrations. De nombreux jeunes sont dans la détresse parce que si tu n’est pas à côté là-bas, tu n’es pas servi. Qu’on se le dise, cette démocratie commence à nous faire trop souffrir, l’action de contrôle du gouvernement par l’Assemblée nationale n’a jamais été effective. Et surtout quand on ‘’caracole’’ pour être "élu" (car on sait comment ça s’est passé dans certains cas), on doit au moins faire semblant de ressembler à un représentant du peuple.
Le peu de joie que le peuple a dans ce pays, on l’a doit à la presse qui, si elle ne jouait pas son rôle d’information et de dénonciation, on serait tous foutu. C’est pourquoi, pour le moment, nous devons reconnaître en monsieur Luc Adophe Tiao, un esprit de patriotisme. Il ne peut pas me convaincre qu’il ne fait pas partie de la famille présidentielle. Jamais. Mais il sait tellement bien jouer son rôle avec son équipe du Conseil supérieur de la Communication qu’on ne s'en rend plus compte. Cela est à son honneur. C’est dire qu’on peut être député du parti au pouvoir et contrôler effectivement l’action gouvernementale pour l’intérêt du pays tout entier. C’est dire aussi qu’on ne voit pas que du noir dans ce régime. Nous reconnaissons les mérites des personnalités qui sont elles aussi de la famille présidentielle. Malheureusement le noir dépasse le blanc.
Jonas Hien
L’Observateur Paala du 22 mai 2007
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