Démissions dans les partis politiques : Morale où es-tu ?
Démissions dans les partis politiques
Morale où es-tu ?
Quoi de plus normal pour un homme de se désolidariser d'un groupe, un club , un cercle, ou tout simplement de quitter un parti politique auxquels il a appartenu pendant de longues années ? Il n'y a rien de déshonorant pour quelqu'un qui quitte une table bien garnie en mets rares et boissons tout aussi enivrantes quand il estime que son honneur a été bafoué ? Tout au contraire, c'est une preuve de courage que de dire haut et fort "non" quand on estime que l'intérêt du groupe, du club, du cercle et du parti a été sacrifié sur l'autel d'intérêts égoïstes. Mais, il y a démission et démission. Toutes les démissions ne se ressemblent pas. Il y a d'abord la décision de démissionner qui a été précédée d'une longue et mûre réflexion. On pourrait l'appeler une démission consciente, car mûrie. Généralement, les démissionnaires ont essayé en vain de faire changer les choses de l'intérieur et dans l'intérêt du plus grand nombre. Il arrive aussi que des personnes soient poussées à la démission. Elles ont refusé de le faire, déterminées à lutter à l'intérieur pour faire triompher leurs points de vue. Il y a ensuite la démission prise à la suite d'une poussée d'adrénaline parce qu'on vient d'avoir une explication orageuse avec le chef. Au Burkina, il y a les démissions suscitées, encouragées, hélas les plus fréquentes, pour ne pas dire la quasi totalité. Elles sont le fait d'un groupe ou un parti adverse dans le but d'humilier le groupe et le parti d'où l'on vient. Quand on quitte un parti pour un autre, ce ne sont pas les raisons qui manquent. On accable les anciens partenaires de tous les défauts, des travers qu'on ne dénoncera qu'au moment du départ. Au lieu de se taire, les démissionnaires tentent de se justifier par des raisons fallacieuses. Le plus souvent, cela se fait en diffamant les responsables de l'ancien parti. On peut voir dans les comportements des transhumants politiques des intentions manifestes de nuire, de montrer une image dévalorisante du parti qu'ils viennent de quitter. Si de tels comportements ne puent pas la malhonnêteté, voire l'immoralité, ça y ressemble. Parler de morale dans un domaine comme la politique n'est-il pas utopique. Certes, mais tout de même. C'est pourquoi, à la vue de certaines démissions et des raisons invoquées pour les soutenir, on ne peut s'empêcher de s'interroger : "Morale où es-tu?" Quand ces démissions à la pelle interviennent à l'approche d'une échéance électorale d'envergure comme les législatives du 6 mai 2007, il faut se demander à qui profite le crime. Quel sera le nouveau point de chute des partants ? Il est courant de constater que tel maire a démissionné avec tout le conseil municipal, que tel conseiller est parti avec un nombre impressionnant de militants pour adhérer à tel autre parti politique. Si l'on doit appeler les choses par leur nom, il faut dire que le maire comme le conseiller ont vendu des militants qui croyaient plus en eux qu'à une autre formation politique. A l'approche des législatives, les enchères vont monter ; ils seront davantage plus nombreux de tels hommes qui vont essayer de monnayer des militants, souvent à l'insu de ces derniers, contre des espèces sonnantes et trébuchantes et toutes autres faveurs. La bataille des législatives a fait beaucoup de mécontents dans tous les partis politiques. Généralement, les démissionnaires, c'est-à-dire les nouveaux arrivants, ne peuvent pas prétendre à un meilleur positionnement, car ils sont l'objet de toutes sortes de suspicions. Ne dit-on pas que qui a trahi une fois trahira deux fois ? Dans toutes les organisations du monde, on fait rarement confiance d'emblée à quelqu'un qui a démissionné d'un parti pour adhérer à un autre. Car au bout d'un certain moment, si les promesses faites ne se réalisent pas, ils mettent leur baluchon sur la tête et partent pour d'autres cieux.
Le nomadisme politique a des beaux jours devant lui aussi longtemps que des hommes et des femmes continueront de croire que la politique est dans ce Burkina Faso d'aujourd'hui, l'unique voie pour un enrichissement rapide, en toute impunité. Le clientélisme politique est un cancer pour les démocraties. Ce qui est frappant, c'est la publicité que les démissionnaires veulent donner à leurs actes. Ils veulent que la presse qui n'a jamais été tenue au courant de leur appartenance à tel ou tel parti, batte le tambour et sonne le cor quand vient l'heure de quitter un parti pour un autre pour une raison ou pour une autre. Des pressions s'exercent sur des journaux pour leur demander de publier dans leurs colonnes les listes des démissionnaires. Ces pressions ne sont pas seulement le fait des démissionnaires qui souhaitent que tout le Burkina sache que désormais ils n'appartiennent plus à telle formation politique, mais plutôt à telle autre. Elles viennent aussi des partis politiques où les "errants politiques" ont parachuté. Le processus démocratique burkinabè est encore fragile. Les événements du 16 mars dernier montrent que le recours aux lois qu'offre la République est la chose la moins partagée chez nombre de citoyens de ce pays. Les politiciens sans foi ni loi qui veulent amener les médias et l'opinion à cautionner leur traîtrise continueront sans doute de s'adonner à leur sport favori. En tout cas, tant que la pratique du nomadisme politique sera tolérée, voire encouragée.
Le Fou
Le Pays du 30 mars 2007
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