Affaire Norbert Zongo : Premier anniversaire d’un non-lieu
Affaire Norbert Zongo
Premier anniversaire d’un non-lieu
Quoi, un an déjà !
C'est à croire que le temps file à une cadence folle, car hier mercredi 18 juillet 2007, cela faisait exactement un an, jour pour jour, que l’adjudant-chef Marcel Kafando a bénéficié d’un non-lieu dans l’affaire Norbert Zongo. Jusqu’à ce 18 juillet 2006 en effet, il était l’unique inculpé pour «assassinats et destruction de bien mobilier» dans le drame de Sapouy, où le journaliste Norbert Zongo et ses trois compagnons d’infortune ont trouvé la mort le 13 décembre 1998.
Le lendemain de la délivrance, par le juge d’instruction Wenceslas Ilboudo, de cette ordonnance désormais historique, le procureur général, Abdoulaye Barry, et le procureur du Faso, Adama Sagnon, expliquaient aux journalistes, convoqués pour l’occasion, les motivations de cette décision de justice.
A les en croire, l’adjudant-chef avait été inculpé le 2 février 2001 parce que son alibi n’était pas corroboré par son principal témoin, Jean Racine Yaméogo, ce qui avait conduit à une confrontation le 15 mai 2001. A cette occasion, l’inculpé avait maintenu ses déclarations, détaillant son agenda du 13 décembre 1998 : ainsi, il affirmait qu’en ce maudit jour, il était resté au service jusqu’à 11 heures (Ndlr : il était à l’époque un des responsables de la sécurité rapprochée du président Blaise Compaoré) ; puis, qu’il était rentré chez lui pour n'en ressortir que dans l’après-midi pour se rendre à La Source (un maquis-restaurant), où il aurait retrouvé son ami Jean Racine, et que de là, il se serait rendu au Conseil (siège du Régiment de sécurité présidentielle) pour ensuite aller au restaurant La Québécoise, aux alentours de 16 heures en compagnie du maréchal des logis-chef Ernest Ky et que ce n’est que vers 19 heures qu’ils se seraient quittés. Le contredisant, Jean Racine avait soutenu que sa rencontre avec Marcel avait eu lieu le 14 décembre (lendemain du drame) et non le 13 (jour du quadruple assassinat).
Mais voilà que lors d’une seconde confrontation le 31 mai 2006, le principal témoin à charge revenait sur ses déclarations en assurant ne plus très bien se souvenir si la rencontre en question avait eu lieu le 13 ou le 14 décembre, et que, face au doute, il ne voudrait pas charger, peut-être à tort, un compagnon d’armes. Selon le parquet, c’est donc en tirant toutes les conséquences de ce doute que le juge d’instruction a été amené à ordonner le non-lieu. Depuis lors, le dossier est consigné au greffe du tribunal de grande instance de Ouagadougou jusqu’à la survenance de charges nouvelles dans un délai de 10 ans sous peine de forclusion.
Cette décision a soulevé un tollé général dans l’opinion. Et L’Observateur Paalga, dans son éditorial du jeudi 20 juillet 2006, déplorait ce qu’il considerait comme «un enterrement de première classe» de l’affaire Norbert Zongo. De son côté, tout dépité, Me Bénéwindé Sankara, avocat des familles des victimes, affirmait dans nos colonnes le 21 juillet 2007 avec amertume qu'«on a tous été arnaqués par le juge d’instruction», qui a fait croire à tout le monde que le dossier avançait.
Un an après, pas grand-chose véritablement ne s’est produit si ce n’est le show médiatique de Robert Ménard le 20 octobre 2006. Débarqué de Paris frais émoulu, le n°1 de Reporters sans frontière (RSF) affirmait avoir dans sa mallette ce qu’il appelait des charges nouvelles susceptibles de faire rouvrir le dossier Zongo. Il s’agissait notamment de certains passages non publiés en mai 1999 du rapport de la Commission d’enquête indépendante (CEI) chargée à l’époque d’explorer des pistes probables de la barbarie de Sapouy. Charges nouvelles ? Ce n’était évidemment pas l’avis du parquet qui, aux termes de la loi, est le seul habilité à juger de la nouveauté ou non des charges. La stratégie de Ménard n’a donc pas opéré ; pas plus que celle du collectif des avocats des victimes de l’autodafé du 13 décembre 98, qui avaient de leur côté introduit le même argumentaire.
Quelques mois après, c’était au tour de Moïse, cousin de feu David Ouédraogo, de faire la une des journaux en tentant d’établir un lien entre l’assassinat de son parent et celui du directeur de publication de L’Indépendant. Mais la justice ne bougera pas non plus.
En fait, pour beaucoup de gens, tout est mis en œuvre pour que la justice ne soit pas rendue, mais les croisés de l’impunité sont loin de baisser les bras. A défaut d’un procès de l’affaire Zongo, les contempteurs de Blaise Compaoré ne manquent pas une seule occasion de faire le procès de son régime.
Quand saura-t-on donc de façon indubitable et à l’issue d’un jugement équitable qui a fait quoi et qui a dit de faire ? Difficile d’y répondre pour l’instant.
Car une chose est sûre : cette ténébreuse affaire est loin d’avoir livré tous ses secrets. Un an après le non-lieu hautement controversé, il nous en reste encore 9 pour chercher et apporter au parquet les fameuses charges nouvelles dont il a besoin. A écouter toutefois les gens du parquet, à moins d'avoir été témoin oculaire de l’assassinat, on se demande bien si le jour viendra où ils accepteront un élément nouveau pour ressusciter le dossier.
Il s'en faut de beaucoup pour que cette affaire soit rouverte, puisque, jusque-là, le seul qui ait tenté d’apporter courageusement sa contribution, Moïse Ouédraogo pour ne pas le nommer, a été traité de déséquilibré pour ne pas dire plus. Ce qui fait dire à certains que même si demain Marcel Kafando ou même Racine revenaient sur leurs propos, on les traiterait tout aussi de fous. A croire que ce dossier est une affaire de fous. Mais une affaire que tout le monde, à commencer par le régime en place, gagnerait à ce ce qu’elle soit élucidée, puisque, qu’on le veuille ou non, l’affaire Norbert Zongo, à l’intérieur mais surtout à l’extérieur, est de celles qui contribuent le plus à ternir le crédit démocratique de notre pays.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 19 juillet 2007
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