"Député Sawadogo, soyez plus courageux !" dixit Dr Pierre Bidima
LONGEVITE AU POUVOIR
"Député Sawadogo, soyez plus courageux !" dixit Dr Pierre Bidima
Le débat autour de la célébration des 20 ans de pouvoir de Blaise Compaoré fait rage. En témoigne cet écrit du Mouvement de la paix, qui est une réponse à un précédent article du député Mahama Sawadogo sur la question de la longévité au pouvoir.
La déclaration du Mouvement de la paix à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de la paix diffusée par les quotidiens les 19 et 20 septembre 2007 a suscité la réaction du député Mahama Sawadogo du parti présidentiel, réaction écrite et publiée également dans les mêmes quotidiens du lundi 24 septembre 2007. Le député y fait des observations et des essais d'explication qu'il qualifie "d'amorce d'analyse" sur les conséquences d'une longévité au pouvoir, et, par moments, critique les positions du Mouvement de la paix.
Le Mouvement de paix respecte les points de vue de l'honorable député, mais nous sommes au regret de lui faire savoir par ce droit de réponse que nous ne partageons pas certaines de ses affirmations et une bonne partie de son "analyse". Le Mouvement de la paix ne cherche pas à polémiquer mais plutôt à attirer l'attention de tous, à tirer la sonnette d'alarme sur les graves menaces à la paix que constitue une trop longue période non stop au pouvoir de certains présidents africains dont le nôtre. Nous refusons aussi de nous laisser entraîner dans des querelles scolastiques de définition du genre, c'est "un constat et non une analyse" ; ou, ce sont « des observations et des essais d'explication et non une amorce d'analyse" comme pensent certains camarades, etc. Là n'est pas le problème. Le problème de fond est ceci: est-ce que la longévité au pouvoir au profit d'une seule et même personne pendant 20 ans et plus dans les pays subsahariens installe la malgouvernance qui débouche sur les violences, les émeutes, les putschs et/ou la guerre civile, oui ou non?
Le Mouvement de la paix répond par l'affirmative et donne des exemples concrets; le député Sawadogo ne rejette pas totalement non plus notre point de vue puisqu'il écrit ceci : "La malgouvernance consécutive au départ d'un président qui a duré au pouvoir est davantage due aux qualités du successeur qu'à la longévité politique de son prédécesseur". Ainsi donc, l'honorable député reconnaît au moins que la malgouvernance consécutive au départ d'un président qui a duré au pouvoir est une réalité. Nous aussi, sommes certains de cela. Mais, là où le Mouvement de la paix diverge d'avec le député, c'est lorsqu'il tente d'imputer cette malgouvernance au président successeur. En réalité, le successeur du président "moi pas bouger" n'a fait qu'hériter de cette malgouvernance déjà existante sous son règne. La longévité au pouvoir est acquise grâce justement à la mise en oeuvre par le président aux longs mandats et son équipe d'une politique de malgouvernance faite de tripatouillage de la Constitution, de corruption, d'impunité, d'abus de biens sociaux...
Déclarer sans preuve ni exemple concret que cette malgouvernance consécutive au départ d'un président qui a duré au pouvoir est davantage due aux qualités du successeur qu'à la longévité politique de son prédécesseur" est une affirmation gratuite, sans fondement. Si l'on suit la logique du député Sawadogo, après la chute de Moussa Traoré, le Mali aurait connu la guerre touareg à cause essentiellement des qualités du successeur, un certain Amani Toumani Touré (ATT) ! Les faits historiques infirment cette logique, et ni les Maliens, ni les démocrates africains ne seront de votre avis, ni nous non plus. La preuve, après une interruption de pouvoir d'environ 10 ans, les Maliens viennent de faire confiance à nouveau à ATT pour les gouverner. On ne le dira jamais assez, mais la réalité est que, après 20 ans et plus de pouvoir ininterrompu pour une seule et même personne, la sclérose s'installe, la malgouvernance prend du poids, et dès que le président s'en va, la marmite qui bouillonnait depuis fort longtemps saute, les violences, les émeutes, la déstabilisation ou même la guerre s'emparent du pays avec tous ses corollaires.
Dans son "amorce d'analyse", le député, faisant allusion aux exemples cités dans la déclaration du Mouvement de la paix, affirme ceci: "Généralement, il est difficile de succéder à un grand président qui a gouverné longtemps et qui a fait beaucoup de réalisations politiques, économiques et sociales pour son pays." Non ! C'est inexact, M. le député: la difficulté de succession au président ne réside pas dans la "grandeur" ou la "célébrité" de ce dernier, ni sur l'immensité de ses réalisations socio-économiques. Les présidents à vie des 4 pays qui ont connu les violences, les émeutes, les insurrections et la guerre civile cités en exemple dans la déclaration du Mouvement de la paix n'ont pas eu de problèmes de succession à cause de leur "grandeur", leur "célébrité" ou à cause de l'immensité de leurs réalisations.
Deux exemples, Moussa Traoré et Mobutu
Pour ne pas trop rallonger le droit de réponse, prenons seulement 2 exemples parmi tant d'autres :
Moussa Traoré était-il un grand président, honorable député? Bien sûr que non ! Moussa Traoré a volé et spolié son peuple; la procédure pour faire rapatrier les milliards volés est toujours en cours; il a fait assassiner ses concitoyens au nombre desquels des opposants politiques, des élèves, des étudiants ...; il fut aussi impliqué dans la mort de Modibo Keita; il a transformé la république du Mali en une monarchie de fait où il régnait sans partage; En république et de surcroît dans un Etat de droit, ces pratiques sont proscrites.
Quant à ses réalisations socioéconomiques, on retiendra que lui et son régime ont eu le "mérite" et "l'exploit" de précipiter le Mali dans le club des Pays pauvres très endettés (PPTE). A ce jour, le Mali est dans le quarté des pays les plus pauvres du monde. Où est donc sa grandeur?
Mobutu était-il un grand président, M. le député? Non ! Comme Moussa Traoré, Mobutu était un dictateur qui se faisait passer pour un démocrate; il n'aimait pas son peuple, car il l'a volé et pillé ses biens. Le Congo a réussi à rapatrier quelques dizaines de milliards depuis les banques suisse, et la procédure de recouvrement du reste se poursuit; le signe extérieur de l'enrichissement illicite de Mobutu est son palais de Gbadolite. En outre, Mobutu a fait assassiner ses compatriotes au nombre desquels: des hommes d'Eglise, des étudiants, des journalistes, des hommes politiques dont Patrice Lumumba. Sa politique économique et sociale fut désastreuse, et malgré les immenses ressources naturelles dont regorgent le Congo démocratique, le pays est en train (si ce n'est déjà fait) de rejoindre le club des pays pauvres très endettés. La gestion mafieuse, familiale et clanique des richesses du pays par Mobutu n'est pas étrangère à cette situation misérable. Où est donc la grandeur de Mobutu?
Par contre, les présidents Traoré et Mobutu ont-ils gouverné trop longtemps? La réponse est oui. Ont-ils transformé dans les faits leurs république et régime respectifs en une monarchie constitutionnelle? La réponse est oui. Voilà pourquoi il y a eu des difficultés et la guerre pendant et après leur succession. Pour conclure son "analyse", le député Sawadogo dit que "l'inconvénient principal dans la longévité d'un président au pouvoir est le fait d'aiguiser l'impatience des concurrents politiques qui, désirant l'alternance coûte que coûte au pouvoir, pourraient recourir à des raccourcis pour réaliser leurs objectifs. Dans ces conditions, les désordres ultérieurs dans le pays sont très possibles". Le Mouvement de la paix partage ce point de vue mais estime qu'il est incomplet, car il ne suffit pas d'analyser, de faire des observations ou des constats; après avoir fait tout cela, il faut prendre ses responsabilités et proposer, conseiller, tirer la sonnette d'alarme pour conjurer les "désordres ultérieurs très possibles dans le pays". Le député aurait dû, après avoir relevé "l'inconvénient principal" des pouvoirs présidentiels non stop, tirer les enseignements et prodiguer des "conseils" aux présidents aux longs mandats en commençant par notre pays, en disant ceci:
- évitez de rendre "difficile" votre succession ; pour cela, évitez de torpiller la Constitution pour rester longtemps au pouvoir, et respectez la clause limitative des mandats inscrite dans vos Constitutions et lois fondamentales respectives.
- évitez-nous "l'inconvénient principal" que cause votre longévité au pourvoir, et qui s'appelle:
. "aiguisement de l'impatience des concurrents politiques pour l'alternance" ;
. "recours à des raccourcis pour la prise du pouvoir" ;
. "désordres ultérieurs très possibles dans le pays" ;
. "dysfonctionnement de la gouvernance dont l'expression maximale est la guerre civile".
Malheureusement, l'honorable député a "oublié" ou n'a pas eu du courage pour le faire, et pour cause ? ! C'est fort regrettable.
Pour le Mouvement de la paix
Le Président en mission
P/o M. Georges Compaoré
Vice-Président
Le Pays du 26 septembre 2007
A découvrir aussi
- Au MEBA et au Premier ministre : "Les critiques" de Donatien Yaméogo
- Les OGM et nous… : La protection du patrimoine génétique africain
- Maldonne ou publicité mensongère ?
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 1021 autres membres