Différend foncier à Kaya : Que veut le maire ?
Différend foncier à Kaya
Que veut le maire ?
Dans le présent écrit, Ousséni Ouédraogo, universitaire de son état, se prononce sur le différend foncier dans la région du Centre-Nord et en appelle à un retour de la paix sociale.
Je n’aurai jamais pris la peine de réagir aux écrits parus sdans le journal Sidwaya dans sa rubrique "société et culture" et traitant d’un différend foncier entre deux chefs de canton du Royaume de Boussouma (dans le département de Kaya), si je n’eusse considéré que la paix et la cordiale entente des populations des cantons de Diguila et de Kirgtenga pouvaient être remises en cause par des prises de positions aussi absurdes que provocatrices.
Aussi, en tant que ressortissant de la localité et soucieux de la préservation de la paix sociale, je me fais le devoir de réagir par rapport à toutes ses prises de position espérant que la raison prévaudra. Qu’on ne m’en veuille pas d’égratigner au passage certaines idées, car elles seules, m’intéressent, le reste... Qu’en est-il exactement ?
1. Rappel des faits
Au début de cette saison pluvieuse, un différend foncier opposa deux paysans (l’un du village de Arouèm relevant du canton de Diguila, et l’autre de Sii-bila village du canton de Kirgtenga). Comme les champs de ces deux paysans sont aux limites des deux cantons, le problème devint donc une affaire de limites territoriales des deux cantons.
Chaque paysan s’en remit alors à son chef. Il faut rappeler que ce même endroit avait, il y a quelques années, suscité des remous qu’on croyait alors résolus (passons sur les détails des démarches de conciliation à l’époque). Informé, le chef de canton de Kirgtenga contacta son homologue de Diguila et lui fit la proposition de se référer au « Dima de Boussouma » pour les aider à solutionner un différend, qui à son sens, était devenu lassant du fait de sa récurrence. Proposition acceptée.
Sur les sages recommandations du souverain du « Royaume de Boussouma », l’organisation de rites coutumiers (dont les Tengsoabendamba*, seuls ont le secret) fut décidée pour départager les protagonistes. Le 26 juin 2008 était la date retenue pour la cérémonie à laquelle devait participer une commission tripartite de tengsoaba : Diguila, Kirgtenga et Boussouma. La délégation de Boussouma assistant en tant que médiateur.
2. De l’interdiction du rite coutumier
Dans une correspondance adressée aux deux chefs de cantons, datée du 24/06/2008, le maire de Kaya interdit ladite cérémonie en ces termes : « Par la présente, j’interdis formellement le déroulement de ce rituel qui sera source d’insécurité d’une part, et ne pouvant se substituer aux juridictions de notre pays, d’autre part ». Cette correspondance suscite les observations et questions suivantes :
2.1. Les observations d’abords !
Jusque-là, les démarches entreprises par les deux parties sous l’égide du Dima de Boussouma ont été consensuelles (du moins aucune partie n’a fait officiellement objection contre la procédure) et se veulent de conciliation, d’entente à l’amiable (je rappelle que les deux chefs de canton sont historiquement deux frères).
Dans un différend (surtout lié à la terre en pays moaga), la conciliation à l’amiable est toujours privilégiée (ne dit-on pas qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ?) C’est seulement lorsqu’il n’y a pas de conciliation que les protagonistes peuvent porter l’affaire ailleurs.
Choisir la voie de la conciliation ne me paraît pas antinomique à la voie judiciaire et la conciliation entreprise par les coutumiers dans le cas présent ne me paraît pas prétendre « se substituer aux juridictions de notre pays ».
Le rituel préconisé est juste un moyen utilisé chez les Mossé pour parvenir à la conciliation donc à l’harmonie sociale contrairement à la conviction du maire qui le qualifie de « rite anachronique et destructeur de cohésion sociale ».
Le maire affirme que ce rituel sera source d’insécurité. Heureusement, le rituel a eu lieu le 26/06/08 dans la sérénité opposant ainsi un cinglant démenti aux allégations du maire. Du reste, en pays moaga, une telle démarche n’a jamais été porteuse d’insécurité et je mets au défi le maire d’en donner des exemples contraires (Puisqu’il est moaga lui aussi je crois !).
Aussi, parler d’anachronisme dans ces rites revient à ôter aux coutumiers burkinabè (pas seulement mossé) l’essence même de leur existence ; quel rôle reste-t-il aux coutumiers s’ils n’ont plus le droit de pratiquer leurs coutumes ? Et en ce sens, l’élément naturel le plus coutumier chez les Mossé reste et demeure la terre ; il est alors anachronique de dire au Burkina Faso que sacrifier un poulet aux ancêtres est anachronique.
2.2. Ensuite les questions !
Au regard de ce qui précède, on peut se poser légitimement la question suivante : Que veut le maire de Kaya ? L’entente des populations ou la mésentente ?
Si réellement le maire souhaite une entente entre les protagonistes, il devrait saluer les efforts entrepris par les deux parties sous la médiation du Dima de Boussouma. Les moyens utilisés importent peu. Surtout qu’il y a consensus des différentes parties (A moins qu’on nous dise le contraire !)
L’attitude du maire sur le sujet est vraiment absurde. Tenez, deux personnes qui ont un différend, se mettent d’accord pour trancher le différend, choisissent ensemble la procédure à suivre sans aucune contestation d’une des parties, arrive une tierce personne (en l’occurrence le maire) qui s’interpose et veut empêcher la procédure arrêtée de commun accord par les deux parties sous prétexte que cette procédure « sera source d’insécurité d’une part, et ne pouvant se substituer aux juridictions de notre pays, d’autre part. » et de plus cette procédure est « anachronique et destructeur de cohésion sociale ».
Vous comprenez quelque chose à cela vous ? Moi pas. L’absurde se poursuit par cette correspondance du 07/07/08 que le maire adresse encore aux deux chefs de canton après l’organisation pacifique du rite le 26/06/07 pour les signifier que « le verdict de cette pratique surannée qui ne saurait être opposable à aucun des protagonistes est nul et de nul effet ». Alors le maire serait-il contre la conciliation à l’amiable entre les protagonistes ou contre les pratiques coutumières ?
A moins que celui-ci ne dispose d’éléments indiquant qu’une des parties est en désaccord, cette irruption ne se justifie point. Elle se justifie d’autant moins que les parties en présence ont adopté la démarche en connaissance de cause. Aucune des parties n’a été contrainte.
En quoi la confusion d’une des parties (qui sera obligée de reconnaître son tord) met-elle en péril la cohésion sociale ? Encore une fois, que veut le maire de Kaya ?
Entre temps, la position du maire a été servi par l’AIB/Kaya à la presse à travers Sidwaya dans sa rubrique « Société et culture » dans les Brèves : « Guéguerre foncière entre deux chefs de canton »de Sidwaya n°6212 du 8/07/08 ; « Le feuilleton risque de se retrouver au parquet » dans sa livraison du 22/07/08.
Ce scribe ne semble pas se formaliser outre mesure en matière de déontologie. Heureux d’avoir un sujet à se mettre sous la dent, il semble montrer de l’enthousiasme à colmater des ragots dans des cabarets mal famés, ignorant royalement les règles déontologiques en la matière en se complaisant dans une position de commérage sans se donner la peine d’aller aux sources.
« Les mots n’ont ni maître ni dieu, chacun peut se les aligner », seulement devant un sujet aussi sensible que celui de la terre, les tenants du quatrième pouvoir se doivent de peser leurs mots et de ne point attiser les braises. Dans ces deux articles paru à Sidwaya, pardon !
je voudrais dire écrits, dans ces deux écrits donc, on apprend que la situation risque d’évoluer au parquet, ce qui semble procurer une jouissance au scribe qui s’en délecte déjà. « C’est dire que les chefs de canton de Djiguila et de Kirtenga se présenteront devant le parquet si les événements suivent leur cours normal. La salle d’audiences refusera du monde ; c’est sûr et certain... ».
Alors le maire veut saisir le procureur ? Très bien ! Je suis curieux de connaître le chef d’accusation qui sera adressé aux chefs de canton et au Dima de Boussouma qui à parrainé la démarche en tant que garant des coutumes dans le Royaume. Se pourrait- il qu’il soit intitulé comme suit ? « ...pour l’entente cordiale que vous avez scellée à l’amiable sans vous référer aux juridictions de notre pays » ou encore « ...pour pratique surannée anachronique et destructeur de cohésion sociale ».
En ce dernier cas, il y a fort à faire ! Il ne faut pas opposer traditions et modernité. Notre démocratie ne sera mieux consolidée parce qu’on aura mis à bas ! toutes les pratiques ancestrales.
Y’aurait- il une loi au Faso qui réglemente les procédures en matière de conciliation à l’amiable et qui serrait violée par la commission tripartite des tengsobendamba ? Ou si vous voulez, y’a-t-il une loi qui interdit le règlement à l’amiable des conflits sur laquelle se serait appuyé le maire de Kaya pour sortir ses « oukases » ?
Avec tout le respect que je dois à l’honorable élu, que faites-vous de notre Constitution ?
Si vous y aviez jeté un coup d’œil, vous auriez trouvé en son article 7 que : « La liberté de croyance, de non croyance, de conscience, d’opinion religieuse, philosophique, d’exercice de culte, la liberté de réunion, la pratique libre de la coutume ainsi que la liberté de cortège et de manifestation sont garanties par la présente constitution, sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public, des bonnes mœurs et de la personne humaine ».
Un tel procès serra un cas d’école, vivement qu’il vienne ! Le maire serait bien inspiré de présenter ses excuses au souverain du royaume de Boussouma et aux deux chefs de canton. Ce n’est pas une question d’orgueil. « Errare humanum est, perseverare diabolicum est ! ».
3. En guise de conclusion
Je suis bien triste de dire que la position du maire dans cette affaire est plus qu’absurde ! Rien dans la démarche des coutumiers du royaume de Boussouma ne remet en cause la cohésion sociale, fusse-t-elle « rétrograde », « surannée »...
Quand on a la chance d’être un élu, il ne faut pas gâcher cette chance dans des combats d’arrière-gardes. Il faut retrousser ses manches et se mettre devant ses troupes alors seulement, la « cohésion sociale » permettra de relever les défis immenses qui se dressent contre nous.
La ville de Kaya est célèbre pour son insalubrité. La faim, la soif, l’ignorance et la maladie sont le lot quotidien de ses habitants. L’incidence de la pauvreté dans la région du Centre-Nord était de 61,2% en 1998 avec une contribution pour la pauvreté nationale de 30,6% soit la première région en terme de pauvreté (INSD, 1999).
De grands chantiers de combat ! Ce sera dommage que l’on disperse nos énergies dans des pugilats. Encore une fois, seules les idées m’intéressent ; pour le reste, je n’ai même pas le temps.
OUEDRAOGO Ousséni,
Enseignant Université de Ouagadougou
Ressortissant.
Tel. : 70292349
E mail ousseno@yahoo.fr
L’Observateur Paalga du 30 juillet 2008
* = Dépositaire de la terre chez les mossé.
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