Election au Burkina : Instituer un prix du meilleur fraudeur
Election au Burkina
Instituer un prix du meilleur fraudeur
Les élections législatives du 6 mai 2007 font désormais partie du passé. Dans les états-majors des partis, l'heure est aux comptes, et peut-être aux règlements de comptes. Une élection présidentielle, législative, municipale, générale, toute consultation populaire, dans un système républicain, s'inscrit obligatoirement dans le cadre de l'amélioration qualitative du processus démocratique. Les législatives qui viennent d'être organisées au Burkina Faso visaient cet objectif, d'autant que c'est la quatrième fois qu'elles se tiennent. Ont-elles atteint cet objectif ? Ont-elles été l'occasion pour une expression libre et consciente des citoyens ? Les électeurs, pendant ces élections, ont-ils voté sans entraves et sans contraintes ?
Il faut en douter sérieusement. Et tous les démocrates et patriotes burkinabè devraient avoir peur. Ils ont même honte, très honte. En effet, tout le monde a crié à la fraude électorale. Le parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), a accusé ses adversaires de l'opposition d'avoir recouru à la fraude électorale. Les partis d'opposition à leur tour ont pointé un doigt accusateur sur le CDP en disant qu'il s'est livré à la fraude. Qui croire? Qui ne pas croire? Mais surtout pourquoi la fraude est-elle devenue "un sport très prisé" au Pays des hommes intègres ? Dans ces conditions, il convient d'instituer un prix pour le meilleur fraudeur burkinabè.
La fraude électorale est un phénomène qui avilit l'idéal républicain, parce qu'elle le transforme en une vulgaire marchandise que peut s'offrir le plus roublard et le plus aisé. Plus grave, et ceci devrait être préoccupant pour les pouvoirs politiques, ce sont les élections qui engagent le devenir de ce pays qui sont toujours entachées de fraudes. Plus grave, c'est également la banalisation du phénomène. Parce qu'en même temps que tout le monde crie à la fraude, tout le monde nie son existence. La preuve : on parle tout le temps de fraudeurs qui ont été pris ou qui seraient pris la main dans le sac, mais il n'y a jamais de sanction. Rarement on se résout à amener un fraudeur pris en flagrant délit devant les autorités judiciaires. Cela conduit à dire que c'est parce que la fraude arrange tout le monde. Car tout le monde a sa technique de fraude. La fraude sera-t-elle en train de se transformer en un moindre mal pour le Burkina ? Si c'est le cas, c'est dommage!
Car de quelle légitimité peut se prévaloir un homme politique si celui-ci doit sa place uniquement à la fraude ou à autres méthodes tels les achats de consciences, les votes multiples, les falsifications des résultats, etc. ? De quelle légitimité peut jouir un député s'il doit sa présence dans cette auguste Assemblée- du moins c'est ce qu'elle devrait être - à la fraude?
Avons-nous seulement des hommes politiques au Burkina ? Ne s'agit-il pas plutôt d'aventuriers dépourvus de scrupules qui luttent par tous les moyens à leur portée pour sauvegarder leurs seuls intérêts ? La banalisation de la fraude ressemble à la banalisation de la corruption. Quoi de plus normal dans un pays où la morale agonise? Quand des hommes et des femmes sont réduits à croire que sans la fraude et sans la corruption, ils ne sont rien et ne seront rien, ils n'ont rien et n'auront rien, c'est dangereux.
A cause de la fraude, chaque élection au Burkina consacre, depuis plus d'une décennie, un recul de la démocratie. Dans les centres urbains comme dans les villages, les périodes d'élections sont considérées comme des périodes de traite au cours desquelles il faut presser les candidats telle une orange jusqu'à la dernière goutte. Le nombre élevé des partis au Burkina, environ 114, est une autre cause de la banalisation de la chose politique. Existe-t-il réellement 114 programmes de société pour le Burkina ?
La fraude est-elle une fatalité pour le Burkina ? Non ! car à défaut de l'éradiquer, on peut tout au moins en limiter les manifestations et les méfaits. Pour cela, l'Etat doit prendre ses responsabilités en inscrivant dans le Code électoral que pour toutes les élections à venir, la carte d'identité burkinabè et le passeport ou tout autre document portant une photo de l'intéressé seront les seuls documents acceptés pour s'inscrire sur une liste électorale et pour voter. Les partis politiques doivent être mis à contribution dans l'éducation et la sensibilisation de leurs militants. Des mouvements et associations ont organisé, à l'approche de la présidentielle de 2005 et des municipales de 2006, de grandes opérations d'établissement d'actes de naissance ou de jugements supplétifs d'actes de naissance. Dans la mesure où l'Administration est en train de délivrer des cartes d'identité numérisées infalsifiables, ils doivent reprendre ces opérations. On dit que dans les zones rurales, cette nouvelle carte coûtera 500 F CFA. A moins que leur philanthropie passée vise un objectif précis.
Si les Burkinabè ne veulent pas être demain remplacés par une génération de fraudeurs, il leur faut trouver une parade à la fraude. Cela passe par l'élaboration d'un Code électoral clair et adapté à nos réalités.
La communauté internationale a condamné les fraudes massives qui ont caractérisé l'élection présidentielle du 21 avril dernier au Nigeria. Si le Burkina n'y prend garde, il se mesurera au Nigeria en la matière. Il doit sans délai sécuriser judiciairement et moralement les élections. Tout le monde y gagnera.
"Le Fou"
Le Pays du 11 mai 2007
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