L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Elections législatives ou escroquerie politique ?

Scrutin du 6 mai

Elections législatives ou escroquerie politique ?

Les lignes qui suivent expriment la pensée de O. Frank relativement aux législatives du 6 mai dernier. Ce texte qui est parvenu à notre rédaction avant le scrutin ne pouvait être, pour des raisons de ligne éditoriale, publié qu'après le scrutin.

Je persiste et signe (1) : "En régime bourgeois, les élections législatives consistent en quelque sorte, à amener le peuple périodiquement (tous les 5 ans par exemple), à choisir "librement" ceux qui iront piétiner ses intérêts au Parlement".

Il est utile de noter que la citation ci-dessus faisait allusion à des élections bourgeoises autrement plus crédibles dans la forme comme dans la manière, que celles que l’on nous prépare à voir le 6 mai prochain. En effet, au regard de la plupart des acteurs et de leur comportement quotidien sur le terrain, le 6 mai 2007 sera une fois de plus, une vaste escroquerie politique.

Alors, pour ne pas se tromper lui-même, il est important que notre peuple ait constamment cela à l’esprit, particulièrement dans cette période d’agitation consécutive à la campagne législative qui bat actuellement son plein dans nos villes et nos campagnes

Pourquoi ? Eh bien, pour les raisons ou considérations que voici :

Premièrement : Nous assistons ainsi à une nouvelle campagne législative, sans un quelconque bilan de celle qui s’achève, ni de la part des partis politiques toutes tendances confondues, ni de la part de chaque élu pris individuellement en tant que mandataire du peuple. Le seul "bilan" que nous observons avec déception et amertume, est celui des démissions-créations, démissions-retours à la case départ, démissions-disparitions, etc. Dans tous ces cas de figures, demeure une constante : le peuple qui les a pourtant élus est mis devant le fait accompli et n’a droit ni à une opinion propre, ni à un jugement indépendant. Le seul droit qu’il a à faire prévaloir, c’est celui d’aller retirer sa carte d’électeur. Quel mépris ?

Deuxièmement : Durant la mandature qui s’achève, il a été observé que l’initiative de la loi a été quasi entièrement laissée à l’exécutif, la majorité présidentielle se chargeant du reste, à savoir entériner la loi. Certes, quelques opposants se sont satisfaits à s’égosiller par moment autour de telle ou telle loi, en oubliant que ce n’était là qu’un jeu prévu, la forme la plus achevée de légitimer ces lois, aussi scélérates soit-elles. En somme on croit avoir fait du boulot d’opposant, alors que l’on n’a fait que du boulot de tartuffe. Ce n’est pas pour rien que la clique des Mahama s’est fait tout le plaisir de dominer royalement le débat parlementaire, tant à l’hémicycle que dans les médias. Quant à la clique des Bado et autres, pourtant très attendue au départ, elle n’a été franchement visible et audible qu’à travers de sordides scandales financiers, au prétexte fallacieux de vouloir jouer à la "vraie" opposition.

Troisièmement : La pratique politique au cours de ces cinq dernières années de mandature a révélé par ailleurs la chose suivante : il n’y a pas que l’idéal politique qui est absent, la morale politique l’est davantage. Comment comprendre autrement, que des hommes et des femmes élus grâce au sigle d’un parti quittent allègrement ce parti pour celui qu’ils ont souvent combattu et pourfendu et contre lequel ils occupent en principe leur fauteuil? L’on se souvient ici de la déclaration du Ministre d’Etat Salif Diallo à l’émission "ACTU 7" du journaliste Pascal Yemboani Thiombiano, lorsqu’à la question relative à la démission de certains "poids lourds"* du CDP, il répondait à peu près ceci : "Certains vont au Parti, comme on va à Roodwoko**. S’ils ne trouvent pas ce qu’ils cherchent, ils repartent…" . ll ne croyait pas si bien dire car, le phénomène est si généralisé aujourd’hui que l’on est en droit de penser que tous nos partis politiques officiels sont, à des degrés divers, devenus ni plus ni moins que des "Roodwoko". On y entre et on en sort sans rendre compte à qui que ce soit, exactement comme n’importe quel client de n’importe quel yaar*** de n’importe quel secteur de Ouagadougou.

Quatrièmement : Pendant toute la législature qui s’achève, la question politique importante relative aux candidatures indépendantes a défrayé la chronique. Ni la majorité au pouvoir, ni l’opposition minoritaire n’ont accordé l’attention qui sied à ce débat. L’on pourrait même dire sans se tromper, qu’il s’agissait là d’un sujet qui les énervait tous. En somme, dans l’esprit de tous, le peuple tenterait ainsi de vouloir outrepasser ses prérogatives alors que son rôle est sensé avoir été définitivement défini : s’inscrire, retirer sa carte et voter. Au demeurant, cette question des candidatures indépendantes qui fait actuellement l’objet d’une pétition initiée par le MBDHP et soumise à la signature des citoyens, n’a jusque là retenu l’attention d’aucun parti ou candidat depuis le début de la campagne. Pourtant, cette disposition hautement démocratique dont ils ont horreur, semble rattraper aujourd’hui un bon nombre d’entre eux sans qu’ils ne puissent hélas, s’en servir; suivez mon regard vers les Marc Yao, Moussa Boly, Pierre Tapsoba et Alphonse Bonou et compagnie.

Cinquièmement : Durant les cinq années de la législature qui s’achève, l’unité de pensée et de comportement a été parfaite et sans tache entre tous les députés, majorité comme opposition, vis-à-vis des avantages matériels et financiers prévus et non prévus :

- accord parfait sur les indemnités de sessions et leurs augmentations successives (6 000 à la première législature, puis 21000 et 31 000 F CFA pour la législature qui s’achève) ;

- accord parfait sur les 3 millions annuels destinés aux "petits projets des députés" ;

- accord parfait sur le montant des émoluments servis et qui sont sans commune mesure avec le revenu moyen des burkinabè (244 000 à la première législature, environ 700 000 F CFA pour la législature finissante) ;

- accord parfait sur les bons de carburants, les privilèges liés aux diverses fonctions au sein de l’Assemblée, les avantages engrangés au sein des commissions spécialisées, etc.

Avec autant de points d’accord, il devient aisé au commun des députés d’amuser la galerie par des bavardages et des développements plus ou moins savants, mais sans objet ni enjeu quant au fond. J’oublie ici volontairement les députés qui ont dormi à l’hémicycle durant toute la législature et qui ne se réveillaient de temps à autre que pour voter dans le sens du Président du groupe parlementaire. Silence, c’est ainsi qu’on légifère au Burkina Faso de la IV° République. Pour le bonheur des Burkinabè.

Sixièmement : Chasser le naturel, il revient au galop. La démocratie pour tous ces partis reste un vain mot, tant dans son contenu que dans sa forme. Les querelles de clochers et même de bouffons, dites querelles de positionnement que l’on observe dans la quasi-totalité des partis en lice, sont dus essentiellement à cela. En fait de positionnement pour un idéal, il s’agit d’un positionnement pour manger et s’auto promouvoir. C’est pour cette raison que bien que suscité, le choix démocratique de la base est tourné en dérision par le sommet au moment de l’arrêt définitif des listes de candidats. En somme, à ce niveau-là, la démocratie des idées et des opinions ne compte plus. Seuls prévalent ici, les intérêts égoïstes et bassement matériels des chefs de partis, de leurs protégés et autres supports influents à la base.

Septièmement : Enfin, la législative finissante aura enregistré l’un des faits les plus inédits de l’histoire politique de notre pays, voire du monde : le ralliement avec armes et bagages d’un Chef de File de l’opposition à la candidature de son challenger naturel qu’était sensé être le Capitaine Blaise Compaoré, candidat du Parti majoritaire au pouvoir, le CDP. Maître Gilbert Ouédraogo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, s’érige pour ainsi dire et pour l’histoire, en l’inventeur unique du profil du nouveau type de Chef de File de l’opposition en politique, le Chef de File "mouvancier". Tout indique d’ailleurs qu’il persiste et signe dans cette voie car, dans le cadre de la campagne en cours et à la question cardinale de savoir qu’elle est le Programme Politique de l’ADF-RDA, certains de ses ouailles et autres candidats répondent invariablement : "le Progrès continu pour une société d’Espérance".

Au total, ce sont là une somme de faits et de gestes qui montrent de manière concrète que les législatives à venir constitueront sans nul doute une autre escroquerie politique au détriment des populations de notre pays. A ces populations donc d’en tirer toutes les conséquences de droit que leur confère une si triste réalité. A ce propos, il est bon de savoir que si le vote est un devoir citoyen, le boycott du scrutin n’en demeure pas moins un droit citoyen.

 

O. Frank

Le Pays du 15 mai 2007


Notes :

* Allusion au départ de Célestin Koussoubé, ancien Maire CDP de Bobo-Dioulasso

** Nom local donné au grand marché de Ouagadougou


*** Petit marché des quartiers et secteurs de Ouagadougou


(1) J'ai eu déjà à employer cette citation dans un précédent écrit : "A chacun sa campagne".



15/05/2007
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