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Financement occulte des partis : Délit en France, banalité en Afrique

FINANCEMENT OCCULTE DES PARTIS

Délit en France, banalité en Afrique

 

les acteurs politiques, la société civile, l’opinion publique et les magistrats du continent, doivent être attentifs aux propos tenus par l’ancien président français Chirac sur la transparence du financement en politique. Le voir se débattre et chercher à contextualiser le financement occulte des partis et la gestion gabegique de fonds publics, devrait servir de leçon à tous. Ce qui constitue un délit en France, apparaît en effet chose banale en Afrique. Le temps est venu de prendre des mesures et de les mettre en application. Le fait est sans précédent dans l’Hexagone : pendant plus de quatre heures, un ancien chef d’État a été entendu comme témoin assisté sur une partie de sa vie politique. Preuve que cela peut arriver à n’importe quel dirigeant, n’importe où, pour peu qu’on respecte les principes républicains. Chirac, lui, semble vouloir s’assumer. Devant le juge, il a tenu à déplorer l’inexistence, à l’époque, de textes qui auraient permis d’éviter des impairs. Ces pratiques de l’époque, les partis politiques de droite autant que ceux de gauche y recouraient. En les dénonçant aujourd’hui, après avoir passé douze ans à l’Élysée, Chirac conforte son successeur Sarkozy dans son option de la rupture.

Entendu pour avoir été maire de Paris de 1977 à 1995, et président du RPR de 1976 à 1994, il doit répondre de la rémunération frauduleuse de cadres du Rassemblement pour la république (RPR) par la ville de Paris et par des entreprises dans les années 90. Dans ce dossier ouvert en 2002, il peut être mis en cause pour « prise illégale d’intérêt et recel ou abus de biens sociaux », et subir ultérieurement une mise en examen entraînant un procès en correctionnelle. Son ex-adjoint, Alain Juppé, avait déjà été sanctionné pour un an d’inéligibilité.

L’ancien « môgô-puissant » de Paris est aussi sous le coup d’une autre menace : des emplois de complaisance accordés à des personnalités à son cabinet de maire de Paris dans les années 80 et 90. En revanche, Chirac a refusé de répondre à la convocation des magistrats à propos des faux listings de la société Clearstream. Selon lui, l’article 67 de la Constitution française et le principe de séparation des pouvoirs empêchent toute audition sur la période des mandats présidentiels. Dans son cas, cette période s’étend de 1995 à 2007. Selon Chirac, la période qui l’interpelle a été marquée par l’insuffisance des contributions des adhérents des partis, et la nécessité de mobiliser des fonds pour pouvoir se faire entendre et participer au débat démocratique. Du fait de l’explosion des dépenses de communication et de publicité liées au développement des médias, appel a donc été fait à la générosité des particuliers, militants ou non, entreprises, budgets publics, etc. Chirac assure que malgré tout, « les responsables politiques de l’époque avaient agi avec probité et dans le souci de l’intérêt général ». La situation dépeinte par Chirac relève du quotidien dans les pays d’Afrique où de véritables potentats font perpétuer le trouble et le laxisme dans la gestion des fonds. L’inexistence de vérificateurs omnipotents ou l’inadéquation des textes, rendent bien difficiles les tâches de contrôle et d’interpellation de ceux qui violent les principes républicains. Un terme doit être mis au printemps des partis-États. Ceux-ci meurent toujours lorsqu’agonise le régime alors en place. En cas d’alternance, l’opposition, en ce qui la concerne, généralement hostile à cette forme de gestion, assure le relais. Le parti, naguère malingre, prend subitement des proportions incroyables, preuve que le principe des vases communicants a toujours bien fonctionné entre le parti au pouvoir et les deniers publics et privés. Aux dépens de l’intérêt général.

Que n’a-t-on pas vu ? Occupations de bâtiments, domaines publics transformés en sièges de partis politiques, racket d’entreprises au profit exclusif du parti au pouvoir, services publics où des agents de l’État sont inquiétés, traqués et martyrisés pour avoir osé faire obstacle à l’usage abusif des ressources publiques, particuliers harcelés pour n’avoir pas contribué ou pas suffisamment, etc. Le plus souvent, les fonds recueillis sont gérés dans des conditions d’une opacité sans pareil. Jamais, même en cas de perte du pouvoir, nul ne rend compte au contribuable. Malgré la continuité de l’administration républicaine, ni les services d’inspection et de contrôle, ni la justice ne s’activent. C'est à croire que l’impunité arrange tout le monde. Jusqu’au simple militant qui fait fi de son devoir citoyen.

L’Afrique ferait pourtant un grand pas en avant si l’on adoptait et respectait des mesures de lois sur la provenance, la limitation des financements en politique et la transparence dans la gestion des partis. En liant par exemple le bénévolat, les œuvres charitables, les contributions des militants, des particuliers et des entreprises aux exonérations de taxes et d’impôts, et en publiant les contributions et leurs sources de manière à lever toute équivoque.

L’Afrique doit en finir avec les susceptibilités et les manœuvres d’intimidation et de diversion. Chefs de partis politiques, société civile, militants, citoyens, magistrats devraient regarder davantage ce qui se passe en France, au nom de la démocratie, de la transparence et de l’éthique en politique. Mais aussi, et surtout, dans l’intérêt de la république, de ce continent, et pour la postérité.

Le Pays du 203 juillet 2007



23/07/2007
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