RCD : Bemba joue la carte de l'apaisement
Présidentielle en RDC
Pourvu que Bemba tienne parole
On peut pousser un véritable ouf ! de soulagement à Kinshasa : Jean-Pierre Bemba a reconnu sa défaite face au président sortant, Joseph Kabila, au deuxième tour de l'élection présidentielle du 29 octobre 2006 en République démocratique du Congo (RDC).
Dans une déclaration télévisée, l'ex-chef rebelle a exprimé sa «grande déception et sa frustration par rapport à la manière dont la Cour suprême de justice (CSJ) a traité le contentieux électoral». Cependant, poursuit-il, «Dans un souci de préserver la paix et d'épargner au pays de sombrer dans le chaos et la violence, je prends aujourd'hui l'engagement et la responsabilité de conduire désormais ce combat pour le changement dans le cadre d'une opposition républicaine».
Alors que la ville de Kinshasa avait connu quelques violences graves suite à l'annonce des résultats provisoires de ce scrutin, tout le monde craignait le pire si la CSJ venait à les valider. Mais, avec les propos citoyens dont le candidat malheureux vient de nous gratifier, on voudrait croire que, plus que jamais, le clash et l'apocalypse annoncés ne se produiront pas.
C'est en cela qu'il faut saluer à sa juste valeur cet acte de bonne volonté posé par Jean-Pierre Bemba quand on sait que son parti, le MLC, à la lumière des élections, a le contrôle de la capitale. Par ailleurs, l'ex-rebelle garde encore intacte une bonne partie de sa capacité de déstabilisation si bien qu'il ne lui suffisait que de prendre une fatwa pour pourrir le mandat de Joseph Kabila et ramener le pays à la case départ. N'a-t-il pas quelque cinq milliers d'hommes en armes entièrement acquis à sa cause et prêts à faire le coup de feu ?
C'est sans doute pour cela que le clan Kabila lui demande d'être «sincère» et d'«aller jusqu'au bout de la logique démocratique» en faisant «une déclaration supplémentaire pour que les militaires qui se reconnaissent en lui renoncent à cette allégeance et se soumettent aux autorités militaires établies».
Bemba n'est donc pas d'accord avec les résultats proclamés, mais n'en accepte pas moins de même de s'y conformer au nom des intérêts supérieurs du peuple congolais. En procédant ainsi, il prouve qu'il a une lecture assez lucide de la situation politique de son pays.
La communauté internationale et le parti au pouvoir à Kinshasa doivent, de ce fait, le féliciter pour la sagesse dont ce fils à papa a su faire montre, et l'exhorter à tenir parole en lui donnant toutes les garanties non seulement de sécurité, mais aussi des gages pour jouer sa partition en tant qu'opposant.
Bemba, de son côté, a intérêt à jouer le jeu, car s'il sait bien manœuvrer et négocier, par le jeu, des alliances, il peut contrôler, démocratiquement cette fois-ci, trois ou quatre régions, sans oublier la brochette considérable de députés dont il disposera dans la nouvelle Assemblée nationale. En clair, il a l'avenir devant lui.
Le fils de Solanna ayant ainsi décidé de mettre balle à terre (encore faut-il que les fruits tiennent la promesse des fleurs), on voudrait que, de son côté, cet autre héritier, autrement dit le fils de Laurent Désiré Kabila, qui prêtera serment le 6 décembre 2006, montre qu'il est véritablement un homme d'Etat soucieux de la cohésion sociale, de la paix et du développement de son pays.
Dans cette perspective, il doit tendre la main non seulement à Jean-Pierre Bemba, mais également aux autres candidats malheureux pour ne pas leur offrir des raisons d'entrer en dissidence à l'instar du général déchu, Laurent Nkunda, qui s'est retiré avec ses hommes dans le Nord-Kivu non loin de la ville de Goma. Kabila fils devrait mettre à profit son premier mandat présidentiel pour trouver un terrain d'entente avec le général Nkunda.
L'option militaire, à notre avis, n'apportera pas une solution définitive. Au contraire, elle ne ferait que maintenir le pays dans l'insécurité et une instabilité chroniques. Le temps de la victoire militaire n'est qu'une phase de latence qui permettra aux vaincus de se réarmer, de se réorganiser pour reprendre les hostilités.
En annonçant ainsi qu'il inscrirait désormais son combat politique dans un cadre strictement démocratique, Jean-Pierre Bemba a surpris plus d'un observateur de la scène politique congolaise en déjouant les conjectures pessimistes que les analystes politiques avaient échafaudées pour l'après élection.
Pourvu, bien sûr, que Bemba soit vraiment sincère dans ses déclarations. Car, ça se pourrait qu'il ne le soit pas. Nous sommes en politique, domaine par excellence de la ruse et de la duplicité. Et dans cette hypothèse, il est évident qu'en fin tacticien, Jean-Pierre Bemba n'allait pas commettre la fatale erreur de rester à Kinshasa tout en rejetant les résultats du scrutin.
S'il le faisait, c'est sûr qu'on n'aurait pas vendu cher sa peau. Esperons donc qu'il n'attend pas de retourner dans son fief de l'Equateur pour se mettre à contester bruyamment la décision ultime de la Cour suprême de justice. Les jours et mois à venir nous situeront en tout cas sur cette volonté annoncée de l'ex-chef rebelle d'enfiler des habits d'opposant démocratique.
En attendant, une chose est sûre : ces élections sont une opportunité offerte à la nation congolaise d'entrer dans une nouvelle ère de sa construction. En accordant leurs violons, les filles et fils de ce géant pays aux immenses atouts naturels pourront le sortir du marasme dans lequel il végète depuis des décennies.
San Evariste Barro
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