France : Préparez vos charters, Hortefeux arrive !
1er gouvernement de Sarkozy
Préparez vos charters, Hortefeux arrive !
Tout s'est déroulé selon le calendrier arrêté par Nicolas Sarkozy, après sa victoire au second tour de la présidentielle du 6 mai 2007 : nomination d'un Premier ministre en la personne de François Fillon le 17 mai au lendemain de son installation officielle à l'Elysée, et formation dans la foulée, le 18 mai, de son gouvernement.
"Je fais ce que je dis et je dis ce que je fais", ces propos revenaient comme une antienne tout au long de la campagne du candidat vainqueur. Avec ce gouvernement, première vérification de cette vérité presque irréfragable de Sarkozy: la parité homme-femme a été respectée, avec 8 strapontins dévolus aux hommes et 7 à la gent féminine. Il l'avait promis, il l'a fait !
Autre promesse sarkoziste tenue, l'avènement d'un gouvernement resserré, soit 15 ministres et 4 secrétaires d'Etat et un Haut-commissaire à la Solidarité, donc au total 20 membres dans l'équipe gouvernementale ; ce qui est vraiment rarissime en Europe et surtout en Afrique où les gouvernements sont d'habitude pléthoriques, avec souvent des résultats mitigés pour ne pas dire négatifs. Ainsi, la quarantaine de ministres gabonais ou la soixantaine du Congo-Kinshasa peuvent-ils sortir vraiment leurs pays de l'ornière?
A la décharge de l'Hexagone, il y a véritablement un Etat fort et tout est déjà réalisé, alors qu'en Afrique, tout reste à faire et tout est prioritaire.
Ce premier gouvernement de Sarkozy voit également le retour d'Alain Juppé, "le meilleur d'entre nous" selon le mot de son mentor Jacques Chirac, qui est (le seul ministre d'Etat) en charge de l'environnement, du développement durable, de l'énergie et des transports.
Une petite revanche pour le maire de Bordeaux après ses démêlées judiciaires et sa traversée du désert au Canada. En tout cas voilà un ministère où il aura le loisir d'expérimenter ses convictions en matière d'environnement et de développement, thèmes du reste qu'il a couchés dans un livre (1) l'année dernière de son retour du Québec où il a enseigné la mondialisation à des étudiants.
Autre marque de cette équipe, la présence du French Docteur, Bernard Kouchner. Cette ouverture à gauche, ou, selon certains, cette ouverture vers une personnalité de la gauche, est également un signe que le nouveau chef de l'Etat français a tenu parole. Un clin d'œil au PS que certains de ses caciques apprécient modérément, à commencer par son premier secrétaire, François Hollande, qui a exclu le promu des rangs socialistes, même si ce dernier s'est expliqué sur ce ralliement, dès sa prise de fonction, en invoquant l'intérêt supérieur de la France.
Même colère à l'endroit d'Eric Besson, au sujet duquel Ségolène, au soir de sa défaite, avait appelé Sarkozy pour le prier de ne pas donner de maroquin à ce "traître" de Besson, socialiste bon teint, qui l'avait rejoint dans l'entre-deux tours, car, a-t-elle lâché, "il est hors de question de laisser récompenser la félonie"(2).
La justice, avec qui Sarkozy a souvent eu des prises de bec, notamment avec les magistrats sur la problématique des peines concernant les récidives, reçoit une nouvelle patronne: Rachida Dati. En nommant une bœurette à la place vendôme, le nouveau président affiche encore sa volonté d'harmonie entre discours et action politique. En tout cas celle qui a affirmé qu'elle ne serait pas "l'Arabe de service de Sarkozy" aura du pain sur la planche, de par ses origines, mais surtout du domaine dans lequel elle va devoir agir. Son expérience de magistrate lui suffira-t-elle pour jouer le rôle à elle dévolu ?
Si ce gouvernement recoupe grosso modo les grands thèmes de Sarkozy, donc ceux des Français, en quoi peut-il intéresser les Africains ?
Il y a d'abord Kouchner, le père de "l'ingérence humanitaire", que les cameras du monde ont vu coltinant des sacs de riz en Somalie. Son arrivée à la tête du ministère des Affaires étrangères peut s'avérer une bonne chose pour les Africains, car il connaît l'Afrique au moins pour ses malheurs (cas du Darfour), puisqu'il est cofondateur de Médecins sans Frontières (MSF) et encore, fait non négligeable, a des rapports avec le Rwanda, notamment à travers Paul Kagamé, dont il pourrait adoucir les positions, pour un dégel des relations Paris/Kigali, le pays des mille collines ayant rompu les amarres diplomatiques avec l'Hexagone, suite aux agissements du juge Jean-Louis Brugère (3).
Un centre d'intérêt pour les Africains est évidemment le grand ministère confié à l'ami d'enfance Brice Hortefeux: celui de l'Immigration, de l'Identité et du Codéveloppement. Le vainqueur de la présidentielle française du 6 mai tient là une promesse électorale en ce qui concerne l'immigration choisie, pardon maîtrisée. Thème sarkoziste par excellence, la question de l'immigration est pourtant vieille dans le discours politique français.
Rappelons-nous, le 15 octobre 1983, la marche des 33 "beurs" de Marseille à Paris qu'ils attendront le 3 décembre aux cris de "la France c'est comme une mobylette, pour avancer il lui faut du mélange", époque ou la gueguerre entre "racistes" et antiracistes faisait rage.
Rappelons-nous les données d'organismes tels l'Institut national de la statistique, l'Office national de l'immigration, ou l'Office des migrations internationales, qui estiment le taux de la population étrangère (naturalisés et clandestins) à 10% de la population totale ; des organismes qui estiment d'ailleurs que, théoriquement, l'immigration est stoppée depuis 1974 malgré "la cohorte des Européens de l'Est et de l'Afrique".
N'empêche, Sarkozy, en bombardant Brice Hortefeux (Commissaire en chef de la PAF (Police de l'Air et des Frontières), veut non seulement poursuivre la tâche qu'il faisait à la place Beauvau, mais n'a, à la limite, pas le choix, s'il veut être cohérent avec son discours de candidat. Reste à savoir si ce sera préparez vos charters, Hortefeux arrive, ou bien si on évoluera vers ce que Bernard Stasi professait : l'Immigration, une chance pour la France.
La Rédaction
L’Observateur Paalga du 21 mai 2007
Notes:
(1): Alain Juppé, France mon pays Lettre d'un voyageur, Laffont 2006.
(2): In Le canard enchaîné du 9 mai 2007
(3): Le juge Jean-Louis Brugère a lancé un mandat d'arrêt international contre des proches de Paul Kagamé.
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