Fraude électorale au Yatenga
Fraude électorale au Yatenga
“L’ADF/RDA avait la technique, le CDP, la technique et les moyens”
Même si les élections législatives du 6 mai se sont bien passées dans l’ensemble, il reste indéniable que dans certaines provinces, elles ont été émaillées de fraudes. C’est la conviction du Mouvement burkinabè pour l’émergence de la justice sociale (MBEJUS) qui préconise d’une part la reprise du scrutin au Boulkiemdé, au Houet, au Kadiogo et au Yatenga et, d’autre part, fait des recommandations pour le bon déroulement des prochaines consultations électorales au Burkina. C’était le 17 mai 2007 lors d’un échange avec la presse à Ouagadougou.
C’est des responsables du MBEJUS, tous désabusés quant à l’intégrité supposée du Burkinabè, qui ont rencontré les journalistes pour donner leur lecture du dernier scrutin législatif. A l’évidence, ils sont écœurés par le triste constat fait sur le terrain par les 150 observateurs nationaux indépendants que le MBEJUS a déployés, à ses propres frais, sur tout le territoire, pour suivre l’opération de distribution des cartes, la campagne électorale, le déroulement même du scrutin.
A propos de l’agenda électoral, André Demba Hilou, SG du MBEJUS, a noté qu’il a été respecté et que tout s’est passé assez bien de façon générale. Il a par contre souligné avec regret les vives contestations qui ont entouré le renouvellement de la CENI et de ses démembrements. Il y a aussi la formation insuffisante qu’ont eue les agents distributeurs des cartes. Cela a favorisé un cafouillage et toutes sortes de magouilles pendant l’opération de retrait des cartes d’électeurs. Ainsi, des politiciens ont dépossédé certains agents de leurs cartes pour faire le travail à leur place, comme ce fut le cas à Bamako dans la Bougouriba. La conséquence est que beaucoup d’électeurs, pourtant régulièrement inscrits, n’ont pas pu retrouver leurs cartes.
Le MBEJUS a remarqué que durant la campagne, les candidats ont fait beaucoup de promesses surtout en matière de construction d’infrastructures. Il a dans le même temps noté le désintérêt des populations par rapport aux activités politiques.
Le jour des élections, le MBEJUS a pu inspecter 750 bureaux de vote. Il n’y a pas eu d’incident majeur. Mais il faut déplorer les moyens inadaptés utilisés pour l’acheminement des urnes dans certains villages, le non-affichage des listes d’électeurs, la distribution d’argent à la sortie des bureaux de vote (à Ouaga et à Ouahigouya), la vente de cartes d’électeurs à raison de 500 à 1 000 F la carte et 10 000 F le lot de 100 cartes.
Pour le MBEJUS, si ces irrégularités et imperfections ne sont pas bonnes pour le renforcement de notre processus démocratique, elles ne sont pas de nature à remettre en cause les résultats des élections.
Face à tout cela, le MBEJUS a fait des recommandations comme la restructuration de la CENI en deux structures : une spécialisée dans la gestion du fichier électoral et l’autre dans l’organisation même des votes. Constatant que des candidats ont été élus avec seulement 7% des voix, les animateurs de la conférence de presse préconisent l’introduction dans notre loi électorale du quorum exigible et du vote blanc.
Selon le Pr Augustin Loada, le vote blanc offre la possibilité à l’électeur, lorsqu’aucun candidat ne trouve grâce à ses yeux, de déposer ses empreintes dans une case prévue à cet effet sur le bulletin unique.
Quant au quorum exigible, il commande que soit fixé un seuil de participation en deçà duquel le scrutin n’est pas valide. En 1991, par exemple, le président Blaise Compaoré a été élu malgré le chiffre officiel de 75% d’abstention. Ces propositions du MBEJUS sont, selon Loada, “des initiatives, des idées qui font que la démocratie est vivante et tient réellement compte des opinions exprimées”.
Alexandre Ouédraogo, le président du MBEJUS, a proposé la reprise du scrutin à Bobo, Koudougou, Ouaga et Ouahigouya, car “dire qu’il y a eu fraude, c’est un éphémisme. En réalité, on a assisté à un brigandage électoral”. Il est surtout écœuré par le cas de Ouahigouya : “Si l’ADF/RDA a les techniques de fraude, le CDP a non seulement les techniques mais surtout les moyens de la fraude. C’est le plus nanti qui a donc gagné”. Il avance que l’administration même a été complice des fraudes comme ce préfet qui, parlant d’un parti dans le Yatenga, a dit : “Ce parti s’y est pris tard. Sinon on n’allait pas souffrir tant pour faire des actes de naissance jusqu’à tard”. Et Alexandre de se demander “pourquoi est-ce que nos autorités recommandent à des pays de faire des cartes d’électeurs avec photos et sur la base d’une seule pièce d’état civil alors que chez nous, on a une infinité de pièces pour se faire enregistrer. C’est dire qu’elles tirent avantage de ce flou”.
Quant à la faible participation des jeunes au scrutin, le MBEJUS estime que “la jeunesse est découragée de la politique et des hommes politiques. Et les jeunes qui se lancent à fond dans la politique sont souvent plus dangereux que leurs aînés”.
Comment est-ce que dans ces conditions, les observateurs internationaux ont déclaré que tout s’est bien passé ? “C’est parce que l’observation est devenue aujourd’hui un gagne-pain pour beaucoup. Au MBEJUS, on n’a pas été financé pour faire notre travail”.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 21 mai 2007
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