L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Fraudes aux examens de la fonction publique : Peine maximale pour 15 prévenus

Fraudes aux examens de la fonction publique

Peine maximale pour 15 prévenus

 

Les 24 prévenus pour fraudes lors des concours directs de la fonction publique session 2007 ont comparu le 11 septembre 2007 devant la Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Ouagadougou comme nous l'écrivions dans notre édition d'hier. Après 17 heures d'audience, le verdict suivant est tombé au petit matin : 15 condamnés à une peine d'emprisonnement ferme de 12 mois avec une amende de 500 000 FCFA chacun ; 5 s'en sortent avec une peine de 12 mois avec sursis ; 3 autres sont condamnés à une amende de 500 000 FCFA tandis qu'un est relaxé. Quant aux 2 550 000 FCFA générés par la vente des sujets, ils ont été purement et simplement confisqués au profit du Trésor public. Enfin, les prévenus sont condamnés aux dépens. Retour sur ce procès digne d'intérêt.

 

Le 11 septembre 2007 a été pour le moins un jour éprouvant pour les 24 prévenus qui ont comparu pour fraudes lors des concours directs de la fonction publique session 2007, les parents, les amis, les collègues de service, la défense, les journalistes et les membres de la Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Ouagadougou.

En effet, c'est après plus de 16 heures d'audiences que celle-ci a rendu son verdict à 1 heure du matin. Avant d'en arriver là, le public, que la salle d'audiences n'a pu contenir, a eu droit à des débats palpitants. Comme nous le relevions dans notre édition d'hier, c'est Issiaka Zouré, gestionnaire des ressources humaines au ministère de l'Action sociale et de la Solidarité nationale, qui a été le premier à reconnaître à la barre avoir soutiré les épreuves de l'ENAREF cycles A, B, etc.; de la douane, des AIS, et des filles et garçons de salle à l'imprimerie des éditions Sidwaya : "J'ai pu déjouer la vigilance de la sécurité. Celle-ci était assurée par une dizaine d'agents des forces de l'ordre. Quand les autres sont sortis, j'ai profité du fait qu'un élément de la sécurité s'était assoupi". A la faveur des confrontation, cette thèse a été écartée au profit d'une autre, à savoir celle selon laquelle Zouré Issiaka est allé seul à la gendarmerie avec Alain Ouali, muni de la clé de la cantine contenant toutes les clés, pour reconditionner les épreuves avant l'arrivée du gendarme qui devait les assister. C'est donc pendant le reconditionnement que la soustraction des épreuves a pu avoir lieu.

Si Zouré Issiaka a reconnu les faits, tel n'est pas le cas de son compère Alain Ouali du ministère de l'Economie et des Finances.

A la barre, Ouali a reconnu avoir été contacté par Abdoulaye Zampaligré, l'a prié de trouver des sujets pour de jeunes filles. Il a assuré avoir refusé d'entrer dans ce deal. Selon lui, il a dû même menacer les filles, qui le harcelaient par des appels et messages téléphoniques l'incitant à la fraude.

 

Avant le procès de l'Obs celui de Ouali

 

Au sujet d'Alain Ouali, il convient d'ouvrir une parenthèse pour préciser qu'il a eu un comportement injustifiable à l'égard de notre équipe de reportage le 8 août 2007 dans le sous-centre de Kamsaoghin (Ouaga),  refusant de répondre aux questions que nous lui avons gentiment posées. "Allez-y, écrivez que je suis venu en retard",  nous avait-il rétorqué avant de nous menacer, en présence du gendarme de service, à qui il a dit : "Je vous prends à témoin que si on passe ma photo dans le journal, je les attaque en justice".

A ce sujet, nous avions écrit dans notre article paru le 9 août 2007 ceci : "Absurde ! Qu'est-ce qui peut bien amener un responsable à se braquer gratuitement contre de simples journalistes comme si c'est eux qui étaient responsables des désagréments ? notre péché, c'est de vouloir informer l'opinion...".

Après le recul et au vu de ce que nous avons entendu à son procès, il se reprochait à la date du 8 août quelque chose. En tout état de cause par leur (Ouali Alain et Zouré Issiaka) inconduite, les sujets et les corrigés  ont été vendus à bien de candidats avant les dates de composition. Ainsi l'infirmier d'Etat Valentin Ouédraogo dit avoir vendu les sujets de l'ENAREF cycle B et des préposés de douanes respectivement à 400 000 F et 500 000 FCFA à Baglega Edouard, doyen des prévenus et chauffeur à l'ASECNA.

A la barre, le doyen reconnaît les avoir achetés pour ses deux filles, Blandine en année de licence à l'UFR/Sciences juridiques et politiques et  Nicole en classe de 4e. Il dit avoir contracté un prêt immobilier à son service pour "aider" ses enfants. "Les valeurs de notre société s'effondrent", s'exclame le président du Tribunal, Seydou Millogo. "Si vous êtes rentré honnêtement à l'ASECNA avec votre CEP, vos filles qui sont plus diplômées que vous, peuvent aussi réussir honnêtement. Ce que votre  père ne vous a pas appris, ne l'apprenez pas à vos enfants", a-t-il poursuivi. Les deux filles reconnaîtront devant les juges avoir reçu de leur père les épreuves et les corrigés pour "tenter notre chance".

 

Les 500 000 F du caporal

 

Caporal de génie civil, Issa Ouédraogo a contracté selon lui un prêt de 800 000 FCFA pour s'acheter une parcelle. Mais il dépensera 500 000 FCFA pour avoir les sujets des préposés des douanes qu'il a  par la suite faxés avec la complicité de Porgo Mahamadi, un gérant du secrétariat public de son frère. Malheureusement à la réception des sujets, ce dernier et son grand frère, Ouédraogo Ibrahim, ont été arrêtés par un gendarme qui se trouvait dans le secrétariat de réception du fax. Porgo Mahamadi a nié avoir pris connaissance du contenu des documents pendant qu'il les faxait. Le ministère public fera remarquer que le fraudeur et le faxeur sont tous de Titao et d'anciens camarades de classe. Ce qui veut dire que le caporal a cherché un lieu sûr où il ne sera pas dénoncé. L'intervention du sieur Porgo a été applaudie par l'assistance qui était acquis à sa cause, mais le président du Tribunal a vite fait de rappeler des "supporters" à l'ordre car, dit-il, "nous ne sommes pas au stade mais devant un tribunal qui cherche la manifestation de la vérité".

Yaro Ilyassou est un élève infirmier d'Etat bénéficiaire d'une bourse de 23 000 FCFA, pécule qu'il juge insuffisant pour entretenir sa famille ; c'est pourquoi il a succombé au commerce des sujets qu'il a vendus à Kaboré Moctar, à  Napon Moctar et à Kaboré Moussa. "Dans un an, vous serez fonctionnaire de l'Etat. Vous avez une bourse de 23 000 F ; êtes-vous le plus malheureux de ce pays, pour vous compromettre de la sorte ?" lui demande le juge Millogo avant de l'interroger sur une triste éventualité : "Et si vous perdez votre emploi à l'issue de ce procès ?". Pour cause de maladie, Ouattara Digoutigui a, quant à lui, démissionné de son service et voulait  coûte que coûte être recruté dans la Fonction publique.

C'est ainsi qu'il est allé à 2 heures du matin acheter les corrigés des  sujets des "AIS" avec Napon Moctar à 110 000 F. Le tribunal fera remarquer qu'il y a des gens qui souffrent de maladies incurables et gardent leur dignité, encore que lui, sa maladie soit guérissable, une hernie.

 

Le gros poisson a refusé la nasse

 

Parmi les prévenus, le plus haut fonctionnaire est sans doute le directeur du recrutement, Edmond Nianda. On lui reproche d'avoir fait preuve d'imprudence et de négligence en laissant la clé des cantines aux Zouré Issiaka.

Devant les juges, Edmond Nianda soulignera que la Direction du recrutement est une caisse de résonance et n'a aucun pouvoir devant le comité de pilotage composé de 15 membres et dirigé par le secrétaire général du ministère de la Fonction publique, Yssouf Ouattara.

Il ne reconnaît pas avoir remis la clé à Zouré Issiaka qui est venu dans son bureau la prendre à son insu.

Malgré l'insistance du tribunal, il a été impossible d'établir sa culpabilité. Tous les avocats avant de commencer leurs plaidoiries, ont reconnu la gravité des faits reprochés  à leurs clients. Toutefois, ils ont relevé que beaucoup ont agi par instinct de survie sans aucune intention de crime. En sus, ce sont des délinquants primaires dont une condamnation lourde pourrait les transformer en délinquants redoutables. Ils en ont appelé à l'humanisme du Tribunal surtout que beaucoup,  encore en début de carrière, risquent de perdre leur fonction s'ils sont condamnés au-delà de 3 mois de peine d'emprisonnement ferme. Le ministère public a pour sa part établi l'existence d'un réseau constitué de maîtres d'œuvre, de soustracteurs et de recruteurs de clients. Ces pratiques font que, selon le procureur, notre société est en train de se construire sur du  sable mouvant, lesquelles pratiques portent atteinte à l'image de notre pays et à la crédibilité de ses services publics tout en créant une crise de confiance entre l'administration et les administrés. C'est au vu de ces préjugés que subit notre société qu'ils ont requis 12 mois de prison assortis d'un sursis contre Ouédraogo Ibrahim, Ouédraogo Assami, Baglega Blandine, Baglega Nicole et Nianda Edmond ; et les autres à 12 mois de prison ferme et une amende de 500 000 FCFA chacun.

Face à la gravité des actes, le président du Tribunal, Seydou Millogo, a relevé qu'à défaut de criminaliser ces pratiques, il faut revoir le code pénal, pour augmenter les peines qui y sont prévues en la matière. En effet, selon l'article 308 du code pénal, est puni d'un emprisonnement de 6 mois à 1 an et une amende de 500 000  à 1 000 000 de francs, quiconque par tout moyen et sous quelque forme que ce soit commet une fraude dans ou à l'occasion d'un examen ou d'un concours public ayant pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'obtention d'un diplôme officiel.

Après la plaidoirie de la défense, tous les prévenus ont demandé pardon au peuple burkinabè et la clémence du tribunal.

C'est exactement à 1h 10 du matin que le verdict est tombé : Nianda Edmond est relaxé pour infraction non constituée.

Mme Ouédraogo Elisabeth, Ouattara Dougoutigui,  Baglega Edouard sont condamnés à une amende de 600 000 F chacun.

Les condamnés à 12 mois de prison avec sursis ont pour nom Ouédraogo Assami, Ouédraogo Ibrahim, Baglega Blandine, Baglega Nicole et Bambara Abdoulaye.

La peine maximale de 12 mois d'emprisonnement ferme et une amende de 500 000 FCFA chacun a été prononcée  contre : Yaro Ilyassou, Zouré Issiaka, Ouali Alain, Yabré Issiaka, Nana Désiré, Simporé Corneille Delwendé, Léon Gothier, Ouédraogo Issa, Porgo Mahamadi, Yaro Mahamadi, Ouédraogo Valentin, Kaboré Moussa, Zampaligré Abdoulaye, Kaboré Moussa et Zongo Martial.

Une peine qui paraît insignifiante au regard des actes mais qui complique, à coup sûr, la situation professionnelle de nombre d'entre eux relevant de la fonction publique.

Les condamnés interjetteront -ils appel de ce jugement ? attendons de voir.

 

 

Abdou Karim Sawadogo

L’Observateur Paalga du 13 septembre 2007



12/09/2007
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