L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Guinée : C’est au pied du mur qu’on reconnaît les technocrates

Gouvernement Lansana Kouyaté

C’est au pied du mur qu’on reconnaît les technocrates

 

Attendu comme le «Messie», le gouvernement de Lansana Kouyaté, après plus d’un mois de gestation, a fini par voir le jour le mercredi 28 mars 2007. Il est fort de 19 membres et ne compte en son sein aucun ancien ministre ou homme politique affiché.

Cette équipe gouvernementale est bien le fruit de la crise sociopolitique qui a violemment secoué la Guinée au début de cette année. On s’en souvient, en effet, le château d’eau de l’Afrique occidentale a vécu en janvier-février 2007 une période chaude de son histoire. Face à la grève illimitée décrétée par les syndicats, Lansana Conté avait brandi l’état d’urgence. Dans ce bras de fer, plus de 113 personnes tomberont sous les balles assassines des forces de défense et de sécurité et le pays sera mis à sac par les manifestants.

Pour accepter de desserrer l’étau, les frondeurs exigent de l’enfant terrible de Wawa qu’il nomme un Premier ministre de consensus à qui il déléguera l’essentiel de ses prérogatives.

Pris à la gorge, Lansana Conté cède, mais de la mauvaise manière en nommant un de ses proches, Eugène Camara, à la primature. Cet acte va envenimer à nouveau la situation. Voyant que cette nomination était loin de contribuer à faire baisser le thermomètre social, le président, suite à la médiation entreprise par ses pairs de la CEDEAO, va enfin nommer un Premier ministre de consensus, le 26 février 2007.

Depuis, Lansana Kouyaté s’est fait un point d’honneur en rencontrant les forces vives de la nation. Le temps passait, mais le gouvernement tardait à prendre corps. Et le scepticisme et le doute commençaient à s’installer dans l’esprit de certains Guinéens. A tous ceux qui manifestaient leur impatience, il rétorquait : «Si ça tarde, c’est parce que je recherche des hommes et des femmes intègres et compétents».

A force de chercher donc, Lansana Kouyaté a fini par trouver les perles rares qu’il lui fallait. Au vu des critères et de la mission de ce gouvernement, on comprend bien que cette équipe soit constituée essentiellement de technocrates peu connus de la plupart des Guinéens. Ce sont ces mousquetaires qui ont donc la lourde charge de sortir le pays du marasme et de l’immobilisme dans lesquels il se trouve depuis que celui qui se comporte comme un véritable chef de village s’accroche, telle une chauve-souris, au gouvernail du bateau battant pavillon Guinée-Conakry.

Les portes de l’exécutif sont donc hermétiquement fermées aux politiciens. Cependant, elles ne le sont pas pour les syndicats qui y ont deux postes (Ousmane Souaré et Amadou Diallo, qui occupent respectivement les portefeuilles de l’Education et de la Recherche scientifique ainsi que celui de l’Emploi et de la Fonction publique). Mais force est de reconnaître qu’ils n’ont pas été bien inspirés d’accepter ces maroquins. Plutôt que de jouer aux arbitres, les organisations de la société civile ont franchi le pas en se muant en joueurs. Elles courent ainsi le risque de se voir désavouer, car rien ne dit que le gouvernement va réussir sa mission.

On peut alors se demander si le Premier ministre n’a pas fait exprès d'associer les syndicats à son action afin qu’ils soient aussi comptables de son succès et surtout de son éventuel échec.

Un gouvernement de technocrates, c’est bien, mais le fait de ne pas être fortement marqués politiquement peut constituer un handicap surtout dans un pays en crise comme la Guinée.

Alors la grande question est de savoir s’ils auront la main libre pour travailler. C’est vrai qu’on a le décret qui balise le terrain et spécifie le champ d’action du Premier ministre. Mais tout ça, ce ne sont que des choses sur papier. Le plus difficile est de pouvoir donner vie à ce décret. On a tous en mémoire le cas ivoirien, où ni Elimane Diarra ni Konan Banny n’ont pu, à vrai dire, faire le travail.

Avec la mise en place de cette nouvelle équipe gouvernementale, il ne faut surtout pas croire que Conté a changé,  qu’il s'est converti à la démocratie. Certainement, en bon militaire, il joue le jeu parce qu’à un moment donné, le rapport de force n’était plus en sa faveur. Peut-être qu’en stratège, il s’est mis en embuscade, le temps que les choses se tassent un peu, afin de pouvoir renouer avec ses vieilles habitudes. Comme on le dit, chassez le naturel, il revient au galop…

Le président, c’est vrai, n’a plus ses pions sûrs au gouvernement mais il ne garde pas moins sa capacité de nuisance intacte. Il va donc falloir que l’équipe de Lansana Kouyaté fasse preuve de doigté dans la gestion du pays de sorte à ce que le président reste poliment éloigné de l’arène et que jamais l’envie de verser du sable dans le couscous gouvernemental ne le prenne.

Aux technocrates de travailler de sorte à réussir là où les politiques ont échoué. Ils sont désormais au pied du mur et les yeux des Guinéens ainsi que de la communauté internationale sont rivés sur eux. La balle est dans leur camp. A eux de la jouer sans complexe pour marquer le but.

 

San Evariste Barro 



30/03/2007
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