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Guinée La solution, c'est le départ de Conté

 

Guinée

La solution, c'est le départ de Conté

 

La Guinée était toujours dans l'attente d'un Premier ministre au moment où nous couchions ces lignes hier en début d'après-midi. Mercredi,  Lansana Conté avait pourtant signé un décret instituant, par délégation du président de la République, un poste de chef  de gouvernement aux pouvoirs élargis, qui sera chargé de diriger, de contrôler, de coordonner et d'impulser l'action gouvernementale, notamment dans les domaines économique et social et dans tout autre secteur d'activités civiles,   les forces de défense et de sécurité restant sous la haute main du chef de l'Etat. On n'est jamais trop prudent...

 

C'est donc le futur pensionnaire de la Primature qui sera "responsable de l'assainissement des finances publiques et de la relance de l'économie nationale". Autant dire un travail titanesque dans ce pays en banqueroute, où tous les  clignotants sont au rouge.

 

Cette fonction, qui n'existait plus depuis le limogeage de Cellou Dalein Diallo en avril 2006, a été, on le sait, arrachée au maître de Conakry par l'intersyndicale des travailleurs guinéens après une grève générale de deux semaines et des manifestions de rue marquées par de violentes répressions, qui ont fait 59 morts. Le 26 janvier, un accord conclu entre les autorités, les syndicats et les autres acteurs politiques mettait fin au mouvement.

 

Provisoirement, car les syndicalistes, qui n'ont pas totalement désarmé (à raison), menacent de sortir de nouveau si le pouvoir ne mettait pas en application ses bonnes résolutions.

 

Il faut dire que depuis la signature de son décret,  le grabataire de Wawa semble s'être rendormi sous son manguier, suscitant moult interrogations et inquiétudes. Est-il en train de réfléchir ? Est-il l'otage, comme on l'entend, des luttes d'influence sur fond de pressions familiales et d'affinités rivales dans son entourage ? Prend-il des contacts ou mène-t-il des tractations pour dénicher l'oiseau rare, "un haut cadre civil compétent, intègre et qui n'a été impliqué ni de près ni de loin dans des malversations"?...

 

Les questions, nombreuses, turlupinent les Guinéens, et ce silence n'a rien de rassurant pour des populations lassées d'un chef de village dont les frasques feraient pâlir de jalousie  UBU roi en personne.

 

Alors donc   qu'on avance déjà certains noms comme celui de Lansana Kouyaté (1) pour occuper ce Premier ministère, qui ne devrait plus être une coquille vide, l'impatience gagne les rangs. En  vérité, si tout le monde attend ce Premier ministre comme le messie, on est en droit de se demander s'il disposera de  coudées suffisamment franches pour travailler, s'il ne sera pas, lui aussi, victime, à l'image de ses prédécesseurs et quand bien même les circonstances ne seraient pas les mêmes, du système Conté et de la lutte de clans et de positionnement pour la succession, qui est devenue le sport favori de ses proches.

 

Oui, on se rappelle que quand ils n'ont pas filé à l'anglaise comme François Lonsény Fall, qui avait expédié sa lettre de démission depuis l'Europe, ils ont été brutalement décagnotés après des mois d'impuissance et d'inactivité... Ainsi de Cellou Dalein Diallo et de Sydia Touré. A leur grand soulagement d'ailleurs, puisque de notoriété publique, "On ne peut pas travailler avec Conté".

 

On ne peut effectivement pas travailler avec un chef d'Etat qui se transforme en garde de sécurité pénitentiaire pour aller lui-même libérer un milliardaire de ses amis, emprisonné, et le convoyer à domicile dans sa voiture présidentielle. Si le ridicule tuait... Imaginons d'ailleurs un instant que ce PM que tout le monde attend se pique de vouloir voir clair dans les affaires du sulfureux Mamadou Sylla. Pour sûr, il trouverait son avocat Lansana Conté sur sa route.

 

Les syndicats sont certes contents d'avoir arraché une victoire politique à défaut de la satisfaction des revendications sociales, et la CEDEAO, soulagée de ce que l'entêté de Wawa a consenti à lâcher du lest ; la trêve actuelle permet, il est vrai, à tout le monde de souffler et  de recharger au besoin ses accus, mais chacun sait que le     vrai problème n° 1 de la Guinée, c'est Conté lui-même qui, en 23 ans de règne, a entraîné son pays dans l'abîme.

 

Plus que la nomination d'un vrai chef de gouvernement donc, c'est son départ à lui, quelle qu'en soit la forme, qui est l'urgence et la solution finale. Car, Conté ne peut pas changer et  si après avoir fait entrer Henriette sur scène il a donné l'impression de céder, ce n'est certainement pas parce qu'il s'est subitement converti aux valeurs démocratiques, mais seulement parce qu'aidé par son ami bissau-guinéen Joao Bernado Vieira, il a fait une lecture lucide de l'existant socio-politique et compris, une fois n'est pas coutume, qu'il devait reculer.

 

Ça lui fait gagner du temps et, vous verrez, les mauvaises habitudes, qui ont, c'est bien connu, la vie dure, reprendront quand  le calme sera revenu.

 

La nomination d'un Premier ministre aux pouvoirs élargis, c'est donc bien, mais il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser tant que Conté sera là.

 

La rédaction

 (1) Ancien secrétaire exécutif de la CEDEAO, actuellement représentant de cette organisation dans la crise ivoirienne.

 

Sources, Commentons l'Evénement in L'Observateur du 5/02/2007

 

 



04/02/2007
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