Hissène Habré face à la Justice : Me Wade se décide enfin !
Hissène Habré face à la Justice
Me Wade se décide enfin !
Après sept longues années de procédure judiciaire entrecoupée de ravivements comme la pseudo-arrestation du principal accusé, Hissène Habré, en novembre 2005, et de semi-extinction telle la déclaration de non-compétence de la justice sénégalaise, le dossier "Hissène Habré", au regard de ses derniers développements, pourrait connaître un dénouement dans au plus trois ans.
En effet, selon l'actuel ministre de la justice du Sénégal, Cheick Tidiane Sy, en vertu de la loi du 31 janvier 2007, conférant aux juridictions sénégalaises la compétence pour connaître des crimes contre l'humanité, l'ex-dictateur tchadien pourrait se retrouver devant une cour d'assises du pays qui l'a accueilli il y a 17 ans.
Pourtant, que de tergiversations politico-judiciaires pour en arriver à ce stade. Tout commence en janvier 2000 lorsque des victimes tchadiennes portent plainte contre l'ex-dictateur devant la Justice sénégalaise, laquelle se déclare incompétente pour statuer sur cette affaire. Puis vient le mandat d'arrêt international lancé par Bruxelles en septembre 2005, au nom de la fameuse compétence universelle, mandat qui fera flan puisque, in fine, le 15 novembre de la même année, le procureur général s'opposera, dans sa réquisition, à l'extradition de celui qui dirigea le Tchad de 1982 à 1990.
De subterfuge en atermoiement, le pays hôte trouvera la parade en refilant ce dossier encombrant à l'Union africaine (UA), qui devrait superviser le procès s'il a lieu.
Une commission chargée de réfléchir sur l'organisation pratique de ce jugement a livré le fruit de ses travaux : pour entendre les centaines de témoins, composer le tribunal, mener l'instruction, bref, tenir ce procès, il faut près de 66 millions d'euros, une somme colossale dont la collecte sera fastidieuse, d'où sa révision à la baisse prônées par les autorités sénégalaises. D'où aussi, le fait que si procès il doit y avoir, il n'aura pas lieu avant "deux ou trois années", propos martelé par Cheick Tidiane Gadio, le chef de la diplomatie sénégalaise, en plein sommet de l'UA le 30 janvier 2007 à Addis Abeba.
Cependant le fait même qu'en dépit des arguments brandis çà et là pour retarder ce jugement, les choses semblent progresser est en soi-même une victoire contre le règne de l'impunité dont jouissent tranquillement les dictateurs tombés. Certes, on peut déplorer que les Occidentaux soient prompts à vouloir juger des criminels africains hors du continent, alors que l'Occident en regorge également de semblables qui n'ont rien à envier à leurs collègues africains en matière de crimes contre l'humanité et de bafouement des droits de l'homme.
Mais que voulez-vous, la Justice est toujours celle des vainqueurs et des forts du moment, ce que Cicéron résumait dans cette formule "Summum jus, summum injuria" (1).
Hier, d'anciens chefs d'Etats tels le Soudanais Gafar El Numeiri, l'Ethiopien Mengistu Haïlé Mariam, ont été condamnés, même si c'est par contumace. Aujourd'hui, le libérien Charles Taylor est devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Demain, peut-être qu' Hissène Habré sera devant la Cour d'assises de Dakar.
Lentement mais inexorablement, on arrivera à faire de sorte qu'il n'y ait plus de cieux cléments pour dictateurs déchus. Exit même la proposition, du reste originale, d'Alpha Condé, un des leaders de l'opposition guinéenne, qui avait suggéré que contre une amnistie totale, les dictateurs acceptent de quitter volontairement le pouvoir. Mais peut-on vraiment absoudre un chef d'Etat dont le règne foisonne de cadavres ?
En tout cas, ce regain d'intérêt de la Justice pour les dictateurs depuis quelques années est symptomatique qu'il y a bel et bien une mutation dans les rapports justice / hommes du pouvoir; il n'y a plus donc de tabou à demander qu'un ex-président qui a quelque chose à se reprocher vienne à la barre.
Ainsi, à moins que ce ne soit encore une mesure dilatoire de la part d'Abdoulaye Wade, qui est avocat également, on pourrait être tenté de dire que l'étau judiciaire se ressere subrepticement autour de l'ancien maître du Tchad.
Un Hissène Habré qui ne semble pourtant pas inquiet outre mesure. C'est vrai qu'il a cessé ses apparitions les vendredis à la grande mosquée de Dakar, c'est vrai également qu'il se rend tous les deux jours aux domiciles de ses deux épouses, l'un situé à Ouakam, l'autre aux Almadies, des demeures gardées par la gendarmerie nationale. Mais tout en faisant du lobbying efficace, aidé en cela par sa seconde épouse, de nationalité sénégalaise, l'homme reste discret, partageant son temps entre le petit écran et la rédaction de trois ouvrages dont la trame est relative à sa part de vérité sur les accusations portées contre lui. Prépare-t-il ses mémoires en défense ? L'intéressé est peu disert sur le sujet.
La rédaction
L’Observateur Paalga du 16 juillet 2007
Notes : (1) : "La plus grande justice est la plus grande injustice" (Cicéron).
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