Tagro va-t-il laisser travailler Sagem ? (Présidentielle en RCI)
Présidentielle en Côte d’Ivoire
Tagro va-t-il laisser travailler Sagem ?
L’Etat de Côte d’Ivoire et Sagem sécurité, filiale du groupe Safran, ont signé le 19 mars courant, pour la révision des listes électorales dans ce pays, un contrat de 66,7 milliards de FCFA, a annoncé jeudi 27 mars Meité Sindou, porte-parole du Premier ministre ivoirien, Guillaume Soro.
Sagem a été désignée fin novembre par les signataires de l’accord de paix de Ouagadougou du 4 mars 2007 opérateur technique chargé de "l’identification générale des populations" ivoiriennes en collaboration avec l’Institut national des statistiques (INS), organisme d’Etat dirigé par un proche du président Laurent Gbabgo et dont, en 2006, des partis politiques ont pertinemment émis des réserves sur l’indépendance.
A ce titre, Sagem doit, entre autres, mettre à jour la liste électorale de la dernière présidentielle, laquelle date de 2000 et comprenait 5,4 millions d’électeurs ; enregistrer les nouveaux électeurs puis, à partir de la liste révisée, confectionner de nouvelles cartes d’électeur et de nouvelles cartes d’identité, des documents qui ne sont plus délivrés en Côte d’Ivoire depuis le coup d’Etat de 1999.
L’identification devrait démarrer dès la signature de la "convention financière" et la publication d’un arrêté présidentiel précisant les modalités de la collaboration entre Sagem et l’INS, qui fait encore l’objet "d’âpres négociations", selon le porte-parole du Premier ministre ivoirien. Ce qui fait que si, à l’annonce de cette signature de contrat, on est tenté de pousser un ouf de soulagement, le nerf de la guerre devant, en principe, permettre à Sagem Sécurité de s’atteler enfin à "l’identification générale des populations" ivoiriennes, on est bien obligé d’être prudent ; car encore faut-il que la nécessaire signature de la "convention financière" devant entériner le montant du contrat ait eu lieu ou ait lieu et que les 20 milliards de FCFA d’avance demandés par Sagem lui soient versés ! Plus difficile sera un partage des prérogatives entre Sagem et l’INS qui fasse l’unanimité au sein des parties prenantes au processus de sortie de crise ou emporte le consensus.
Dans une Afrique où, souvent, on gagne ou perd une élection selon qu’on contrôle les listes électorales ou pas, il est clair qu’aucune des parties ne voudra lâcher du lest sur ce point. Et l’éclat provoqué par un Désiré Tagro à Ouagadougou au sujet justement des rôle et place de l’INS dans la révision de la liste électorale est peut-être un avant-goût des manœuvres du pouvoir en place à Abidjan pour se suborner les instances électorales. On s’en souvient aussi, Désiré Tagro, qui ne voulait pas entendre parler de Sagem, était pour qu’on confie à l’INS exclusivement le processus d’identification générale des populations ivoiriennes.
Alors Désiré Tagro, ministre de l’Intérieur, pour ne pas dire ministre de "tutelle" des élections, va-t-il laisser travailler Sagem ? Cela, d’autant plus que, d’ores et déjà, une pomme de discorde existe quant au nombre d’Ivoiriens (nouveaux électeurs) à inscrire sur la liste électorale : pas plus de 300 000 selon le pouvoir, alors que l’opposition, elle, les estime à un potentiel de 3 millions, du simple au décuple donc ; soit une différence éventuelle de pas moins de 2 700 000 voix, peut-être suffisante pour faire pencher un plateau de la balance électorale ?
Et comme c’est le tandem Sagem/INS qui devrait dire combien d’Ivoiriens sont autorisés à voter, voilà son contrôle devenu un très grand enjeu de cette présidentielle ivoirienne, attendue comme Godo jusque-là et dont la prochaine et énième date doit être proposée par
Ahl-Assane Rouamba
L’Observateur Paalga du 31 mars 2008
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