Intégrité au Faso : Et maintenant que le verdict est tombé !
Intégrité au Faso
Et maintenant que le verdict est tombé !
Douze mois de prison ferme et 500 000 F d’amende pour 15 des 24 prévenus mouillés à des degrés divers, dans l’affaire de la fraude aux concours directs de la fonction publique. C’est le verdict auquel est parvenu hier, au petit matin, le tribunal correctionnel de Ouagadougou.
Rendue publique le 20 août dernier, l’affaire défraye depuis lors la chronique, dans un pays censé être celui des hommes intègres. Après «la marée noire» au BEPC et le «pétrole» déversé sur la capitale du Yatenga, avec cette dernière arnaque au mérite, il semble évident qu’ils sont de plus en plus nombreux au Faso, ceux qui ont fait leur cette assertion selon laquelle «la fin justifie les moyens» et peu importe le prix.
Quinze d’entre eux en auront payé le prix fort, même si pour bien de leurs concitoyens, les peines encourues et celles prononcées en l’espèce sont très loin de refléter la gravité du délit, voire du crime contre l’intégrité.
En effet, vous diront ces défenseurs du travail et du mérite, il devient de plus en plus avéré qu’au Faso, la morale agonise ou, pire, a passé l’arme à gauche ; car si le phénomène de la fraude aux examens et concours n’est pas nouveau, il restait jusque-là plus ou moins marginal. Mais force est de constater qu’il prend une ampleur considérable au fil des ans, au point de nourrir de véritables réseaux.
«O tempora ! O mores !» (1), dans un environnement de plus en plus marqué par la crise de l’emploi, la corruption, le népotisme et la philosophie du moindre effort, comment s’étonner que pour gravir les échelons de la réussite, ils soient de plus en plus nombreux, les adeptes de la courte échelle. Pour eux, si la fin justifie bel et bien les moyens, autant exploiter toutes les failles d’un système dans lequel ils ont perdu toute confiance. Dès lors, la triche et le pétrole deviennent à leurs yeux un tremplin comme un autre vers la réussite, au risque de se retrouver un jour devant les tribunaux pour répondre de leurs actes.
Hier, au petit matin, ils étaient 24 à la barre et un seul est rentré chez lui après avoir obtenu la relaxe. Si rien n’est fait pour endiguer la marée noire, combien seront-ils demain à risquer les peines de prison et d’amende pour choisir, parmi tous les chemins supposés mener au succès, le moins gratifiant et le plus hasardeux ?
Pour l’heure, il semble qu’en haut lieu, vu l’ampleur de l’affaire, on ait envisagé de reprendre les concours des finances et de la santé. En effet, selon notre confrère Kantigui, les épreuves n’ont pas encore été corrigées et l’on attendait le verdict de la justice pour déterminer la marche à tenir.
Et maintenant que la Justice s’est prononcée, reste à savoir quelle sera la suite à y donner. La fonction publique sera-t-elle obligée de procéder à une reprise pure et simple des concours entachés de fraudes, ou alors se contentera-t-elle de sévir contre les fraudeurs qui auront eu le «malheur» de se faire prendre, au risque d’en laisser quelques-uns échapper aux rets de la justice… ?
Ainsi que nous le disions il y a quelques semaines, il faut plus que jamais changer la manière dont notre société traite les cas de fraude afin de dissuader ceux qui voudraient en user. Il faudrait pour cela redoubler de sévérité envers les contrevenants, qui n’ont rien à envier aux autres délinquants.
Les sanctions à leur égard doivent demeurer exemplaires (pas de peines plancher, ni de grâce inopportunes), car, à l’image de la corruption, la multiplication des cas de fraude porte gravement atteinte à la réputation d’un pays. Et n’oublions surtout pas que plus le phénomène prendra de l’ampleur, moins le Burkina Faso pourra se targuer d’être «Le pays des hommes intègres».
H. Marie Ouédraogo
L’Observateur Paalga du 13 septembre 2007
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