La jeunesse dorée de Ouaga se «shoote» à la dépravée !
La jeunesse dorée de Ouaga se «shoote» à la dépravée !
Ce jeudi 26 juin 2007, nous avions décidé, mon confrère et moi, d’aller faire du journalisme de terrain et de détente en nous rendant dans une de ces boîtes de nuit prisées par la jeunesse dorée de la Capitale. On nous avait dit que les « fils à papa » s’y étaient donné rendez-vous pour fêter, à la manière de la « jet set », leur BEPC et qu’ils avaient l’habitude, dans cette boîte, de se livrer à des défis les plus foldingues, les plus osés en terme de défis les plus multiples. Ce jour-là, les rejetons devaient se défier, non pas à qui paierait le plus de whisky et de champagne, mais à qui décrocherait le prix de la belle « caisse »!
Eh bien, c’est dire que ce jeudi, nous nous préparions à en voir des vertes et des pas mûres. Pour ne pas trop détoner dans l’atmosphère, nous nous efforçâmes d’avoir des tenues vestimentaires de circonstance, et nous prîmes gaiement la direction du lieu de rendez-vous, la nuit venue. En chemin, notre attention fut attirée par des policiers municipaux qui étaient en chaude discussion avec des gens qu’ils avaient certainement interpellés. Nous nous sommes dit qu’il y avait peut-être des transactions à immortaliser et nous avons fait jouer de nos « flash ». Mal nous en prît car cela a attiré l’attention des policiers qui confisquèrent, séance tenante, notre appareil photo. Après avoir parlementé, nous reprendrons possession de notre appareil.
Nous voilà maintenant dans un bar- maquis tout prêt de la boîte où nous nous sommes mis à l’affût pour voir arriver, comme au Festival de Cannes, les chérubins. Il nous fallut attendre quelques heures car la fête, dans ce genre de boîtes de nuit, ne commence que vers 1 heure du matin. Petit à petit, après minuit, les jeunes débarquèrent. En passant près de nous, ils nous jetèrent des regards plein de surprise comme si nous étions des extraterrestres ou de véritables zoziaux. C’est vrai que, comparé à eux, notre look que nous pensions branché, faisait penser à des « has been » (NDLR : dépassés). Il aurait fallu, pour être dans le coup, que nous portions de ces habits de rappeurs dans lesquels on flotte tellement ils sont larges. Mais ils se détachèrent de nous pour se laisser aller à leur joie et au plaisir de se livrer à leur petit jeu favori entre petits fils à papa.
L’un d’entre eux, tout de même, nous jeta un regard condescendant, pareil à celui d’un être supérieur imbu de lui-même à un être inférieur, pareil à un insecte. Nous ne pûmes nous empêcher de le taquiner par une question de circonstance. La réponse tomba, nette comme un couperet : «Je ne m’adresse pas aux paparazzi, si tu veux, je vais te dire : mon père fait partie de ceux qui font et défont les ministres au Burkina. Si tu veux, vas écrire. D’ailleurs, tu bois quoi même ? ». Ce sont là des propos d’un rejeton de « Grounters » (NDLR : richards).
Pendant que nous sirotions des décoctions de notre brasserie nationale, plus à notre portée, nous aperçûmes trois jeunes gens, vraisemblablement anglophones, qui passaient à tour de rôle des sachets dont le contenu était proposé aux filles qui exercent ce plus vieux métier du monde. Après quelques renseignements pris, on nous fit savoir qu’il s’agissait de drogue, ce dont pour dire vrai, nous nous en doutions. De toutes les façons, comme on n’est pas de la police, c’est pas nous qui allions faire leur travail en disant que tout ce qui se passe ici n’est pas dans les normes !
Nous continuâmes à regarder tout autour de nous et puis, comme on craignait de nous voir prendre racines en ne consommant plus, nous fûmes priés de quitter les lieux. Le temps était venu pour nous d’aller dans cet antre, cette boîte de nuit qu’on qualifie de « boîte d’enfants » pour voir comment les bambinos s’y comportaient.
Nous payâmes 1 500 fcfa chacun pour y avoir accès. Le terme « boîte d’enfants » nous parut peu approprié dès que nous franchîmes le seuil. Nous aurions préféré « boîte à bébés » ou « boîte à mioches ». Malgré notre jeunesse, puisque nous avons bien moins de 30 ans, nous nous sentions comme des éducateurs à la maternelle ! La boîte était pleine à craquer et 75 % de ceux qui y étaient avaient moins de 16 ans !
Mais avant de vous parler de ce qui s’est passé à l’intérieur, rappelons qu’à l’extérieur de la boîte, « les voitures n’ont pas menti », comme on dit : Lexus, BMW X 5, Mercedes…, affluaient. Certaines étaient conduites par les mineurs eux-mêmes et d’autres par les chauffeurs qui convoyaient ces enfants. Certains n’hésitaient pas à faire des démonstrations de vitesse ou d’acrobatie sur le terre-plein central de l’avenue. Maintenant, à l’intérieur, on peut dire que ces enfants-là ont de l’argent à foutre par terre, nous devrions plutôt dire que c’est leurs parents qui en ont à n’en savoir que faire.
Nous apprendrons que la soirée allait voir rivaliser trois groupes qui s’affrontent régulièrement dans cette boîte : la première est appelée « famille présidentielle », la seconde, la « Cour royale » et la troisième, « Extrême bourgeoisie ». Nous tairons les noms des animateurs et de la plupart des membres pour des raisons bien évidentes.
On nous apprit que le chef de la « famille présidentielle » était manquant à l’appel car, nous dira-t-on, le père ayant été informé par le menu de ses activités nocturnes, a fermé tous les « robinets ». Cette nuit-là, c’était la « Cour royale » qui tenait le haut du pavé. Pour dire vrai, elle était très forte, et nous en avons eu les preuves.
Il y avait parmi les membres, nous a-t-on assuré, le fils d’un richissime homme d’affaires de la place et d’un chef d’Etat dictateur d’un pays arabe. Nous ne sommes pas allé par test ADN pour confirmer cela mais étant donné que tout le monde en parlait dans la boîte, on peut tout de même accorder un satisfecit au doute. Il aura fallu que nous allions dans cette boîte pour savoir que le fils du chef arabe était présent au Faso.
En tout cas, nous avons constaté des dépenses pharaoniques comme si les « pétrodollars » gisaient, croupissaient dans les poches de ces enfants. Sur leur table, 15 bouteilles de whisky de bonne marque et 5 bouteilles de champagne, pour commencer. La suite, c’est une succession d’achats : « 3 teils s’il vous plaît ! » « 5 teils pardon ! ». Tout ça pour prendre la direction de leur table. Sacrée « Cour royale ! ».
De son côté, le groupe « Extrême bourgeoisie » venait de retirer 15 bouteilles de whisky qu’il avait laissé au niveau du bar. On ne saura plus exactement combien le groupe en paiera par la suite. Mais rappelons que chaque bouteille coûte 30 000 fcfa et une bouteille de champagne, 40 000 fcfa. Faites le calcul ! Partout dans la boîte, c’était une java du diable. A un moment, l’hystérie était excessive et on voyait des enfants boire au goulot, le champagne. Eh Allah, comme dirait l’autre.
Nous avons bien ouvert l’œil et on n’a pas manqué de constater que dans les recoins, les enfants passaient le clair du temps à se tripoter au vu et au su de tous. On a reconnu les rejetons de certains de nos illustres députés et ministres.
Les trois groupes s’affronteraient quasiment tous les jours dans cette boîte. La consommation est donc au whisky et au champagne. Personne (en dehors de deux Libanais d’un certain âge) ne consommait de la bière. Tout le monde se payait des « teils » même les fillettes venant de réussir leur examen d’entrée en seconde ! Elles étaient nombreuses, toutes aussi extravagantes que leurs petits hommes. Elles étaient dépravées, laissant à portée de vue, leurs seins pour ne pas citer d’autres parties plus intimes.
C’est le pire milieu producteur d’inconscience et de luxure que nous ayons vu dans ce pays. Ce qui est certain, c’est qu’à tous les niveaux, ces jeunes en cette nuit de jeudi, auront atteint la lie. Nous aussi, nous étions saoulés de cette situation et c’est le cœur rempli de questions que nous avons quitté les lieux au petit matin. Le mal nous apparaissait profondément ancré dans le pays. Nous nous disions en effet que quand la jeunesse, et plus encore celle issue de nos décideurs qui sont censés donner l’exemple, est aussi pourrie jusqu’à la moelle, c’est la morale nationale qui en prend ainsi un coup, et l’on comprend qu’ils soient de plus en plus à dire que « la morale agonise au Faso ». Il faut seulement craindre qu’elle ne soit pas dans la phase terminale du coma !
Thierry N. et Swonty K.
San Finna du 02 au 08 Juillet 2007
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