L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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La Police enterre ses morts

Après les affrontements avec les militaires 

Les deux policiers morts dorment depuis hier au cimetière de Taab tenga

 

Les deux policiers morts au cours des affrontements armés entre forces de sécurité et militaires dans la nuit du 20 au 21 décembre 2006 ont été inhumés hier dans la soirée au cimetière de Taab tenga. C’est dans la sobriété et la consternation que de nombreux frères d’armes ont rendu un dernier hommage à leurs ex-compagnons « morts les armes à la main ».

 

14h30 à la morgue de l’hôpital Yalgado.

Une foule, constituée en majorité d’hommes en tenue, occupe, silencieuse, les locaux abritant la morgue. Au fond de la cour, des éléments de la compagnie républicaine de sécurité (CRS), kalachnikovs en main, forment une haie. On distingue par ci des gendarmes et des douaniers, par là des policiers (nationaux et municipaux) et des gardes de sécurité pénitentiaire. Sont également là, en civil, tous les treize directeurs régionaux de police, présents dans la capitale au moment de la canonnade.

 

Dans une petite salle, sont disposés en face d’une petite rangée de chaises deux cercueils en bois tous peints en vernis rouge. L’un est frappé d’une croix à la couleur dorée et l’autre, d’une étoile qui semble logée dans un croissant lunaire. S’ y trouvent, l’assistant stagiaire de police Laurent Tiendrébeogo et l’agent de police Sayouba Ouédraogo, tous deux morts à la Direction générale de la police nationale au cours de la fameuse nuit des longs canons.

 

Arrive à 14h45, vêtu d’un costume sombre, le ministre de la Sécurité, Djibril Bassolet, précédé quelques minutes plus tôt du directeur général de la police, Thomas Dakouré, et de ses proches collaborateurs.

 

Après deux brèves prières séparées  aux morts, les deux cercueils sont immédiatement placés dans deux véhicules 4x4.

 

15h00. Vrombissement des moteurs de véhicules et d’engins. Rapidement, notre équipe de reportage s’engouffre, elle aussi, dans sa fourgonnette. A l’opposé du cortège funèbre, nous prenons, dans un premier temps, la direction du cimetière de Gounghin, lieu de l’inhumation comme cela nous a été précédemment annoncé, avant de rallier, par voies détournées, le quartier Taab tenga. Selon une source émanant de la police, l’enterrement, initialement prévu pour avoir lieu au cimetière militaire de Gounghin ne s’ y est finalement pas déroulé à cause de risques palpables de nouveaux affrontements.

 

16h20 au cimetière de Taab tenga.

La longue file de véhicules arrive sur l’aire d’enterrement. Quelques policiers assurent l’ordre. Les deux corbillards de fortune, après moult manœuvres, stationnent l’un à côté de l’autre. Des coups de pioches continuent de retentir du fond des tombes. Les sépultures ne sont toujours pas terminées malgré l’utilisation,  vers midi, d’un excavateur. Commence alors une longue attente d’environ une heure et demie.

 

Soudain, des CRS se mettent au garde- à- vous. Les deux cercueils, portés par d’autres hommes de tenue, sont déposés sur des bancs en face des tombes. Le directeur général de la police, représentant le ministre de la sécurité, avance. A côté de lui, un officier de police tient en main son discours. Silence dans la foule.

 

D’une voix pathétique, le chef du bureau des opérations, Justin Kondé, entame son oraison funèbre : « Une fois de plus, la famille policière vient d’être plongée dans le deuil... ». Sanglots de femmes dans l’assistance. De sa voix monocorde, le policier  poursuit : « En effet, c’est suite, comme nous le savons tous, à une expédition, semble-t-il, punitive contre des fonctionnaires de la police et ses installations, qu’ils sont tombés, les armes à la main ».

 

Après un bref rappel de la très courte carrière des défunts policiers (5mois pour Sayouba Ouédraogo et simple période de stage pour Laurent Tiendrébeogo), le son d’une  trompette retentit. Honneurs aux morts. Place ensuite à la mise en terre. Le cercueil de l’assistant stagiaire descend sans grande difficulté, contrairement à  celui de l’agent, dont les dimensions obligent à un réajustement de la creusure du fond.

 

A la fin de la sépulture, un jeune homme pleure à se fondre les yeux. C’est le frère cadet de Sayouba Ouédraogo. Instituteur dans la province du Boulkiemdé, il était en congé à Ouaga lorsqu’il a été informé par la Direction de la police, le samedi 23 décembre, de la mort de son aîné. « Au lendemain des affrontements, lorsque nous avons commencé à nous inquiéterde ce qu’il n’est pas rentré, on nous a dit qu’il était en mission. C’est trois jours après que l’on nous a annoncé au téléphone que Sayouba a été tué », explique Hassane Ouédraogo, les yeux embués de larmes.

 

Puis d’ajouter, le regard tourné vers la dernière demeure de son frère : « A la morgue, nous avons constaté que son corps a été criblé de balles et portait des traces de tortures ». Cette dernière version sera d’ailleurs confirmée par la source policière évoquée plus haut,  qui nous apprendra aussi que le bilan macabre serait en réalité de cinq morts côté militaire, de deux chez les policiers et d’ au moins trois civils tués.

 

                                                                                               Article rédigé par

                                Alain Saint Robespierre & Adama Ouédraogo Damiss

                                                  in L'Observateur Paalga du 27 décembre 2006

 

 

Curriculum vitae des deux policiers

 

Sayouba Ouédraogo, le 20 décembre 1973 et décédé le 20 décembre 2006, c'est-à-dire le jour de son 33e anniversaire.

1981-1987 : Ecole primaire successivement à Nobili (département de Nobéré) et à Kombissiri où il obtient le Certificat d'études (CEP)

1988-1993 : Collège d'enseignement général de Kombissiri d'où il sort muni de son BEPC

1993-1999 : Poursuite des études secondaires à Kongoussi

Octobre 1999 : Il est admis à l'Ecole nationale de police. Après deux ans de formation, il est intégré à la Fonction publique,  mis à la disposition du ministère de la Sécurité le 23 janvier 2002 et affecté à la Compagnie républicaine de sécurité (CRS).

Il est titularisé agent de police de 1re classe, 1er échelon pour compter du 25 juillet 2003 et passe au 2e échelon de la 1re classe le 25 juillet 2005.

 

 

Laurent Tiendrébéogo, né en 1980 à Tampouy (département de Komsilga)

1984-1994 : Ecole primaire de Tampoussimdy à Komsilga

1994-1998 : Lycée départemental de Saponé où il obtient le BEPC.

Après son second cycle (1999-2001), il est admis à l'ENEP de Gaoua. Il change ensuite de vocation pour devenir élève assistant de police. C'est pendant donc son stage que la mort l'a fauché.

 

 



27/12/2006
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