L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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«La situation est catastrophique» à la zone industrielle de Bobo

Zone industrielle de Bobo

«La situation est catastrophique»

 

La fraude. Un mot qui fait grincer les dents au niveau de la zone industrielle de Bobo, plongée depuis quelques mois dans une sorte de léthargie. La situation de mévente consécutive à cette pratique illicite qui y prévaut menace dangereusement l’avenir de nos sociétés avec des risques de fermeture. C’est du moins le constat fait par le président de la Coordination des travailleurs des industries pour la lutte contre la fraude (CTILF). Boubacar Diawara, que nous avons rencontré, dénonce certaines pratiques préjudiciables au développement de nos industries et s’inquiète dans le même temps des conséquences sociales qui en découleront.

 

Dites-nous d’abord comment est née l’idée de la mise en place d’une coordination de lutte contre la fraude au niveau de la zone industrielle de Bobo.

 

• La mise en place de cette coordination fait suite à un constat de mévente dans nos industries. Nous avons alors cherché à  comprendre cette situation parce que nous si nos unités de production n’arrivent pas à écouler leurs produits, cela peut avoir des conséquences désastreuses aussi bien pour l’entreprise que pour les travailleurs. Après une enquête que nous avons menée, on s’est rendu compte que la fraude a véritablement pris de l’ampleur ici au Burkina et met en péril  nos unités industrielles et par conséquent menacent nos emplois. Nous avons alors jugé bon de nous organiser dans le but de sauvegarder nos outils de travail et nos emplois. C’est dans cet esprit que la coordination a été créée, avec pour but de dénoncer les cas de fraudes mais aussi pour interpeller nos autorités sur les risques de catastrophe sociale si toutefois nos unités venaient à disparaître à cause de la fraude et des produits de contrefaçon.

 

Après trois années d’activités, quel bilan faites-vous aujourd’hui ?

 

• Pour nous, il fallait travailler à se faire connaître. Des démarches ont été entreprises dans ce sens avec des rencontres au plus haut niveau. Nous avons eu par exemple des échanges avec le président de l’Assemblée nationale. Nous avons aussi participé à des rencontres Gouvernement/secteur privé, où nous avons toujours attiré l’attention des autorités sur les dangers qui menacent nos unités de production. Nous avons rencontré le ministre du Commerce et nous sommes allés aussi à l’UEMOA pour mieux comprendre les mécanismes de gestion dans l’espace de l’Union. Ces différentes rencontres nous ont permis de situer les uns et les autres sur les objectifs de la coordination mais aussi de voir dans quelle mesure nos interlocuteurs pouvaient nous appuyer dans notre ambition de lutter contre la fraude pour la sauvegarde de nos industries. Cela y va de l’intérêt de tous. Au total nous avons eu 54 rencontres, qui ont été fructueuses, dans la mesure où la création de cette coordination semblait recueillir l’assentiment de tous.

 

Quel est aujourd’hui l’état des lieux de la zone industrielle de Bobo ?

 

• Je suis dans le regret de vous dire que la situation est tout simplement catastrophique. Nos unités industrielles sont en difficulté et n’arrivent plus à écouler leurs productions. Si vous allez à la SAP ou à SOFAPIL Winner, vous le comprendrez mieux. Les magasins y sont remplis de marchandises et les machines ne tournent plus à plein régime.  Il y a également la SN-CITEC et la MABUCIG qui sont en difficulté.

Quant à la CBTM et à METAL-BURKINA, il y est déjà prévu une compression du personnel dans les mois à venir, et toutes les autres sociétés sus-citées pourraient bientôt connaître le même sort si rien n’est fait d’ici là. Vous avez vu ce qui s’est passé ces derniers temps à la SN-SOSUCO : les travailleurs ont marché avec des banderoles sur lesquelles on pouvait lire «Halte à la fraude». Le problème est le même partout et l’inquiétude est bien réelle chez les travailleurs que nous sommes, d’autant plus que la fraude est en train de devenir le sport favori de certaines personnes, qui mènent leur basse besogne en toute impunité. Il faut que l’Etat redouble de vigilance contre et qu’il fasse beaucoup d’effort pour normaliser la situation.

 

Faut-il penser que les événements de la SN-SOSUCO pourraient se produire à Bobo ?

 

• Les mêmes causes produisant les mêmes effets, rien est à exclure. Il faut savoir qu’un réel danger plane sur la SN-SOSUCO parce que selon nos informations, une importante quantité de sucre (environ 14 000 tonnes) a été débarquée au port d’Abidjan, à l'intention du Burkina. La SOSUCO pourtant est en pleine campagne et n’arrive pas à écouler sa production sur le marché national. Et quand une entreprise ne vend pas sa production, elle ne peut pas payer ses employés. C’est au vu de cette situation que les travailleurs sont descendus dans la rue à Banfora pour dire non à la fraude afin de sauvegarder leurs emplois. La SN- SOSUCO étant le deuxième employeur après l’Etat, vous imaginez déjà les conséquences néfastes, au plan social, de l'éventualité où cette société viendrait à mettre la clé sous le paillasson.

 

Il y a ceux qui pensent que nos unités industrielles n’arrivent plus à résister à la concurrence du fait de l’ouverture des marchés dans l’espace de l’Union. La fraude suffit-elle à expliquer cette situation de mévente ?

 

• Si nous sommes allés à l’UEMOA, c’était bien pour comprendre le mécanisme de fonctionnement des échanges dans l’espace. Il y a des règles en vigueur que chaque pays est tenu d’appliquer concernant l’ouverture des marchés. Si ces règles ne sont pas appliquées, comme c’est le cas au Burkina, c’est normal que la fraude prenne des proportions inquiétantes. Lors de la dernière rencontre Gouvernement/secteur privé avec l’ex-Premier ministre Ernest Paramanga Yonli, nous avons dit qu’il ne s’agit pas uniquement de faire des rencontres avec, à la clé, des recommandations qui ne sont jamais suivies d’effets. Je crois qu’il faut maintenant passer à l’acte. Il y a des textes en matière de lutte contre la fraude et les contrefaçons dans notre pays ; si on  les appliquait, le problème serait résolu.

 

Qui sont les fraudeurs selon vous ?

 

• Vous êtes peut-être mieux placé que moi pour savoir qui sont les fraudeurs. Ce qui est sûr, il n’est pas donné à n’importe qui d’introduire frauduleusement d’importantes quantités de marchandises au Burkina sans être inquiété. Il faut être politiquement ou économiquement fort ou avoir des accointances avec les tenants du pouvoir.

 

Et pour conclure

 

• La fraude est devenue une pratique courante dans presque tous les Etats de l’espace UEMOA et il serait difficile de la supprimer. Mais il faut lutter à la ramener à des proportions acceptables pour permettre à nos unités de production de survivre. Parce que si nous continuons à demeurer dans cet état, on finira par transformer le Burkina en un vaste supermarché où on ne fera que consommer sans produire. Cela est très dangereux pour notre économie et même pour notre santé, car on a souvent déversé dans notre pays des produits d’origine douteuse et impropres à la consommation.

 

Propos recueillis par

Jonas Apollinaire Kaboré

L’Observateur Paalga du 31 janvier 2008



30/01/2008
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