Laurent Gbagbo à la tribune de l’ONU : Le discours de la méthode
Laurent Gbagbo à la tribune de l’ONU
Le discours de la méthode
Les habitués des Assemblées générales de l’ONU le savent bien : excepté les dirigeants des grands pays, les orateurs de cette tribune trouvent généralement une salle clairsemée pour les écouter. Cette 62e AG n’a pas dérogé à cette règle. Ainsi, les propos d’un George W. Bush ont trouvé des oreilles attentives, idem pour le président iranien, Mahmoud Ahmadinedjad, qui est la vedette de cette session de l’ONU, et dans une moindre mesure Nicolas Sarkozy, dont c’est la première participation en tant que président de la France. C'est dire que souvent pour tout le reste des dirigeants de ce monde il n'y a guère que leur délégation pour les écouter.
Pourtant, à cette présente réunion et dans ce désintérêt général, il y a une voix africaine qui a porté : celle du chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, pour des raisons évidentes. En effet, le 26 septembre dernier, le président ivoirien s’est adressé pour la première fois depuis son accession au pouvoir en 2000 à l’aréopage de la maison en verre et au monde entier. Conjoncture politique dans son pays oblige, il ne pouvait que parler de la crise qui a secoué la Côte d'Ivoire et surtout de l’avenir de celle-ci après les accords de Ouagadougou intervenus le 4 mars 2007.
Dans de ce speech, on a retrouvé le Gbagbo presque habituel, c’est-à-dire celui qui a harangué les foules aux premières années du Front populaire ivoirien (FPI), un homme qui dit tout haut ce qu’il pense. On retrouve la gouaille et le bagout habituel du fondateur de la formation frontiste ivoirienne. Du reste, depuis qu’il a accédé à la magistrature suprême, l’intéressé n’a jamais excellé dans la langue de bois.
Ainsi, nul besoin d’herméneutique, c’est-à-dire la science des interprétations, pour décortiquer ses propos. D’emblée donc, il est allé à ce qui lui tient à cœur : «Je voudrais donc plaider ici la levée partielle de l’embargo sur les armes afin de permettre à l’Etat ivoirien de remplir sa mission de protection des personnes et des biens». Cet embargo sur les armes à destination de la Côte d’Ivoire a été décidé en novembre 2004 par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1572. Un embargo dont l’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et la force Licorne sont les gardiens.
Le président ivoirien voudrait donc acheter des armes pour sécuriser davantage son pays et ses habitants, ce qui est de bonne guerre s’il n'y avait pas eu le 19 septembre 2002, car les langues fendues au mauvais endroit ne manqueront pas de dire que si Gbagbo prêche la levée de cet embargo, c’est qu’il n’a pas renoncé à l’option militaire. Pour eux, il aurait voulu dire de le laisser s’armer davantage pour casser du Soro Guillaume et compagnie ou pour prévenir le syndrome du 19 septembre qu’il ne s'y serait pas pris autrement ; et on ne saurait lui donner tort, car qui d’autre à sa place ne voudrait pas se prémunir contre un tel désagrément, et quel désagrément ! Encore que ce soit connu que qui veut la paix prépare la guerre.
Par ailleurs, Laurent Gbagbo a souhaité que les sanctions individuelles infligées à certains de ses compatriotes soient aussi levées, une doléance également compréhensible, car depuis un certain temps, le «général» Blé Goudé, Eugène Djué et d'autres comme Kouakou Fofié sont rentrés dans les rangs, même si le «général» donne souvent de la voix contre la France.
Enfin, le premier magistrat ivoirien a fait une piqûre de rappel en ce qui concerne les élections, en affirmant que les Ivoiriens devaient aller dare-dare aux urnes pour désigner leur président : «Ces élections sont une exigence et doivent être organisées rapidement», a-t-il dit sans donner de date même si l’on sait que son «rapidement» renvoie à fin décembre, comme il l’avait fait savoir il y a quelques semaines de cela. Et ce scrutin, comme il l’a laissé entendre en substance, devrait permettre d’avoir la photographie des forces politiques et de savoir qui est qui et qui a quel poids politique. De toute façon, prenant l’exemple sur les USA où il y a eu des décomptes manuels à la présidentielle de 2000, Gbagbo a fait savoir qu’il n'y a pas de scrutin idéal. Comme pour dire que tout ne peut pas être parfait dans la réunification du pays, le cantonnement, le recensement, l’identification des populations et l'établissement du fichier électoral avant la présidentielle.
Dans tous les cas, on ne peut que souhaiter que tout se déroule normalement afin que ce pays redevienne ce qu’il avait toujours été, c'est-à-dire un havre de paix, pour le bonheur des Ivoiriens et de la sous-région.
Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga du 28 septembre 2007
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