Législatives au Togo : Premier test démocratique pour Faure
Législatives au Togo
Premier test démocratique pour Faure
Bien qu’elles soient indispensables à la reprise de l’aide européenne et vitales pour la réconciliation nationale, les élections législatives tardent à se tenir au Togo. Par deux fois, le 24 juin et le 5 août, elles ont été reportées pour des raisons tantôt financières, tantôt techniques. Ces justifications sont fort plausibles, puisque le pays expérimente un nouveau mode de recensement des électeurs calqué sur celui de la République démocratique du Congo. De plus, en ne fixant pas une nouvelle échéance, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) veut sans doute éviter de tomber à nouveau dans le piège des engagements non tenus et, surtout, avoir la latitude de bien préparer le scrutin. Ces élections sont d’un tel enjeu qu’aucune erreur n’est en effet permise. Après l’accord politique obtenu grâce à la facilitation de Blaise Compaoré, le Togo doit montrer qu’il s’est résolument engagé sur la voie de la démocratie. Certes, le président Faure Gnassingbé a montré quelques signes d’ouverture, à travers la nomination d’un Premier ministre issu de l’opposition. Il a aussi rompu avec les nombreuses atteintes aux libertés publiques, les assassinats politiques et les violations des droits humains dans lesquels son défunt père excellait. Mais ces efforts ne suffisent pas encore pour lui donner la légitimité que les élections contestées d’avril 2005 n’ont pu lui octroyer. Ils ne sont pas non plus suffisants pour décerner au pays un label de bonne gouvernance et de démocratie. Le véritable début d’affirmation du Togo dans le concert des nations cultivant les vertus de l’Etat de droit passe par des élections indiscutables. C’est du reste la condition posée par l’Union européenne, pour dégeler ses relations avec le Togo. Depuis 1993, Bruxelles et Lomé s’observent à distance, en raison des pratiques peu orthodoxes de l’ancien président Eyadéma. L’Accord politique de Ouagadougou signé entre les protagonistes de la scène sociopolitique togolaise, malgré son importance dans la décrispation intervenue dans le pays, est donc jugé insuffisant. Seules des élections législatives libres et transparentes ouvriront la voie à une nouvelle ère de coopération entre Lomé et Bruxelles avec l’apport de ressources en faveur du développement. Pourquoi alors, conscient de ces enjeux, le président Faure Gnassingbé semble prendre tout son temps même si les opérations d’inscriptions sur le fichier électoral viennent de démarrer ? Au-delà des difficultés financières et techniques, il n’est pas exclu que le retard pris dans l’agenda électoral soit lié à des manoeuvres politiciennes. Comme dans la plupart des pays africains, les régimes en place n’organisent pas des élections avec l’idée de pouvoir les perdre. Dès lors, on met tous les atouts de son côté pour arriver à ses fins. Outre la mobilisation de ressources hors du commun, la stratégie de conservation du pouvoir s’étend au débauchage des opposants les plus en vue, aux intimidations et menaces. Mais pour s’assurer une victoire certaine, certains pouvoirs n’hésitent pas à mettre en branle la machine de la fraude. Obsédés par le contrôle de l’électorat, ils usent donc de toutes les techniques allant des inscriptions frauduleuses sur les listes électorales à la distribution massive de cartes d’électeurs. Les moins subtils procèdent à des bourrages d’urnes, s’ils ne les emportent pas purement et simplement.
Sans faire un procès d’intention au pouvoir togolais, il y a tout de même des motifs d’inquiétudes que les opposants n’ont pas manqué de soulever, sur des velléités de fraudes. Les vieilles habitudes sont parfois tenaces. Et l’on sait que sous Eyadéma, toutes les formes de violations ont été expérimentées au cours des consultations électorales. A l’époque, toutes les télévisions du monde avaient montré cette scène burlesque d’un soldat fuyant avec une urne remplie de bulletins. Le véritable test pour le fils, c’est donc de rompre avec les pratiques antidémocratiques du père, qui avaient conduit au chaos que l’on sait. L’opposition peut aussi tourner à son avantage les reports des législatives. Toujours désunie et sans grands moyens, elle peut mettre à profit cette période d’attente pour mieux s’organiser. En tout état de cause, l’esprit patriotique qui conduit à l’apaisement doit toujours animer les acteurs politiques. Ce qui devrait se traduire par le respect, par tous, des règles généralement admises en matière d’élections législatives ; Pour des intérêts bassement égoïstes, ces hommes politiques ne peuvent plus se permettre de replonger le Togo dans la période sombre dont elle sort peu à peu. Le facilitateur, en tant que garant du bon déroulement du processus électoral, a, à ce titre, la lourde tâche de toujours veiller à canaliser les ambitions dévorantes des uns et des autres.
Le Pays du 19 juillet 2007
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