Rébellion touareg au Niger : Tandja fait la politique de l'autruche
Rébellion touareg au Niger
Tandja fait la politique de l'autruche
Nous sommes à Agadez, capitale des Touaregs nigériens, située à 900 km de Niamey. Assis à l'ombre d'un hangar, cinq jeunes gens devisent autour d'un thé fumant. On parle de la récente démission du P.M. Hama Amadou, de la saison pluvieuse qui tarde à s'installer et surtout de la rébellion touareg. Parmi ces jeunes, Awal, 25 ans, diplômé en finances-comptabilité et usé par le chômage, a les yeux rivés vers l'horizon et la tête dans les étoiles. Depuis plusieurs mois, il se pose la lancinante question de savoir s'il doit rejoindre les rangs de la rébellion touareg.
Dans cette partie du pays, ils sont plusieurs centaines comme Awal à avoir déjà franchi le Rubicond ; contribuant à installer ainsi une nouvelle rébellion au pays de Seyni Kountché.
Ainsi, plus de doute. Car c'est de notoriété publique: l'hydre de la rébellion armée refait surface au Niger.
Et plus que jamais, ce pays, qui avait rompu depuis plus d'une décennie avec le cycle de la violence, qui avait retrouvé le sentier du développement et renoué avec un authentique modèle démocratique salué à travers le monde, semble se réinstaller progressivement dans l'œil du cyclone.
En effet, depuis février dernier, il ne se passe pratiquement pas une seule semaine sans que le gouvernement nigérien ne monte au créneau pour dénoncer avec la dernière énergie l'action des "trafiquants d'armes, de stupéfiants et d'autres individus armés qui sévissent dans le Nord du pays". Pour le Président Mamadou Tandja, cette situation, loin d'être la résurgence de la rébellion touareg, comme on le susurre dans tous les hameaux nigériens et même ailleurs, est la résultante d'actes de banditisme destinés à couvrir des activités illégales menées par un groupe de trafiquants d'armes et de stupéfiants.
Et pourtant, les rebelles touaregs étaient déjà sortis du bois et avaient même semé mort et désolation dans les rangs de l'armée nigérienne. C'est donc dire que la politique de l'autruche semble être une tactique du pouvoir à Niamey.
On se souvient encore bien qu'en mi-juin dernier, Hama Amadou, alors chef du gouvernement, avait démenti avec véhémence l'existence de toute rébellion au Niger. "Je dis et je le réaffirme, dit-il au cours d'une conférence de presse, qu'il n'y a pas de nouvelle rébellion au Niger. Celui qui le dit fait de la politique politicienne et fait le vœu que notre pays retombe dans les conditions de feu et de sang".
Deux semaines après les déclarations fantaisistes de ces plus hautes autorités au pouvoir à Niamey, la presse de ce pays s'était fait l'écho de désertions massives de l'armée dans le Nord du pays. Il s'agissait d'ex-combattants touaregs qui regagnaient ainsi le maquis, dans le massif central, pour reconstituer le Front de libération de l'Aïr et de l'Azawak (FLAA), une des ailes de la rébellion dans cette région au début des années 90.
Démenti par ces dures réalités du terrain, le ministre nigérien de l'Intérieur s'était résolu à reconnaître du bout des lèvres que ces désertions concernent essentiellement cinq ex-combattants rebelles, tous proches de l'ex-ministre du Tourisme, Rhissa Ag Boula, incarcéré depuis février dernier à la prison de Say (50 Km au Sud de Niamey) pour complicité de meurtre.
Mais si le ministre de l'Intérieur a annoncé cinq déserteurs, cela est bien en deçà des réalités, car des sources dignes de foi à Niamey estiment que plusieurs dizaines de militaires ont fait le grand saut pour rejoindre le maquis.
Nébuleuse organisation aux contours des plus flous au départ, le Mouvement nigérien pour la justice (MNJ), le bras armé de la rébellion touareg, se positionne désormais comme un interlocuteur incontournable du pouvoir.
Et, entre autres revendications, le MNJ conditionne le retour à la paix dans le Nord à une meilleure insertion des Touaregs dans l'armée et dans les corps para-militaires.
Qui pis est, les révoltés pensent que leur région est la plus déshéritée et la mal-aimée des autorités nigériennes et qu'il faudrait inverser la tendance pour peu qu'on tienne au retour de la paix.
Après donc les heures chaudes de 1990, voici le Niger de nouveau dans le cycle de la violence. On se souvient en effet que la région d'Agadez, située au Nord du pays, avait été le théâtre d'une révolte armée au début des années 90.
Ce conflit nigéro-nigérien a pris cinq longues années pour connaître un dénouement heureux, non sans avoir généré d'immenses pertes pour ce peuple aussi bien aux plans économique, social qu'au strict plan humain. Ainsi, hormis les nombreux morts laissés sur le champ de bataille, le Niger, qui tire de substantielles ressources du tourisme, avait dû, pendant les cinq ans de crise, se contenter de manger de la vache enragée. Ce qui avait sérieusement désarticulé l'économie et porté un grand coup à cette démocratie naissante issue du discours de la Baule.
Et c'est pourquoi la signature, le 24 avril 1995, de l'accord de paix entre gouvernement et rebelles, sous l'égide de la communauté internationale, avait été accueillie avec un grand soulagement au Niger, voire au-delà.
Est-ce cela qui justifie le fait que les autorités nigériennes se complaisent à traîner les pieds en usant et abusant du dilatoire pour ne pas reconnaître la résurgence de la rébellion dans leur pays ?
En tout cas, en dépit des combats entre l'armée nigérienne et les rebelles touaregs, qui ont occasionné à ce jour des dizaines de morts de toutes parts, des destructions de biens publics et la capture de nombreux soldats de l'armée loyaliste, le Président Tandja nie toujours l'évidence et s'arc-boute sur sa notion de "bandits armés".
Mais, à présent, il semble être seul à nier toute existence d'une nouvelle rébellion touareg, car même son parti, le MNSD-Nassara, dirigé par son ancien Premier ministre, Hama Amadou, s'est joint à une dizaine d'autres formations politiques pour lancer un appel au cessez-le-feu et inviter le gouvernement à prendre langue avec la rébellion en vue d'une négociation pour un retour de la paix.
Après cet appel solennel, Tandja a désormais le dos au mur et ne semble plus avoir d'échappatoire pour ignorer la réalité du terrain.
Inutile de dire qu'avec cette nouvelle situation, le Niger court le risque d'être désarticulé pour longtemps encore. Et la négociation, surtout le strict respect des accords signés, semblent en être le seul antidote.
On se souvient que la première rébellion, qui avait débouché en 1995 sur des accords de paix, prévoyait une "large autonomie" de gestion des zones touaregs, la reconversion socio-économique des rebelles et surtout un partage "juste" des énormes ressources générées par la zone.
Toutes choses, au dire des rebelles, qui n'ont aucunement été respectées.
Or c'est connu, signer des accords pour mettre fin au cycle de violence c'est bien, mais les respecter, c'est encore mieux !
Et les autorités nigériennes doivent se le tenir pour dit.
La rédaction
L’Observateur Paalga du 9 juillet 2007
A découvrir aussi
- Côte d'Ivoire : Une roquette sur l’accord de Ouagadougou
- La machine antifraude, c’est d’abord l’homme
- Football africain : Briser le mythe du sorcier blanc
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 1021 autres membres