L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Législatives : Présents sur les listes, absents sur le terrain

Législatives au Boulkiemdé

Présents sur les listes, absents sur le terrain

 

_Le contenu de la marmite électorale tarde à bouillir à Koudougou pour ne pas dire dans tout le Boulkiemdé. En effet, depuis l’ouverture de la campagne le samedi 14 avril dernier et près d’une semaine après, on en est toujours à se demander si la course à l’Assemblée nationale est lancée ; du moins pour tous les partis, car, hormis le CDP et un ou deux autres partis aux quelques apparitions sporadiques, le gros du bataillon se fait toujours attendre.

 _Pour celui qui  a vécu la campagne municipale de 2000 puis celle des législatives de 2002, on s’étonne que dans une ville comme Koudougou, fortement politisée, on en soit réduit à se tourner les pouces après une semaine de campagne. C’est vrai qu’en 2000 et 2002, l’ADF/RDA, conduite par un Hermann Yaméogo revigoré par la crise  consécutive au drame de Sapouy, brillait de mille feux et donnait la réplique à un CDP conduit certes par des ‘’costauds’’, mais fortement éprouvé et cherchant ses marques. A côté de ces deux mastodontes, il y avait le PDP/PS, qui ne voulait pas s'en laisser conter, et le PAREN de Laurent Bado dont la personnalité et les idées ne laissent personne indifférent. Hélas ces temps appartiennent à l’histoire et ces partis, qui soutenaient la comparaison avec le parti au pouvoir ont perdu de leur superbe. Les lieutenants ont décidé de jouer aux capitaines, quitte à régner sur un parti dont les militants peuvent tenir dans une cabine téléphonique. C’est connu, ici au Faso, on préfère être la tête d’un rat, d’une souris plutôt que la queue d’un lion. 

On reste donc nostalgique de ces temps où l’on vivait la campagne de façon intense, comme ce vieux qui apprécie la campagne à l'urne de son gosier et qui avoue qu’il n’a bu aucune gorgée de dolo d’un politicien depuis le 14 mars. Ce groupe de jeunes baîllant aux corneilles sous leur arbre ne disent pas mieux. «Voyez-vous, nous sommes au 3e, ce qui est inadmissible en période de campagne ». La raison ? «Parce que nous n’avons plus de thé et aucun parti n’est venu nous voir ; ce qui est rare en cette période, surtout que notre grain est connu». Avez-vous au moins vos cartes d'électeurs ? demandons-nous. "De ce côté, pas de problème", répondirent quelques-uns en chœur, exhibant au passage la fameuse et nouvelle carte orange.

 

Un véritable chemin de croix

 

Cette situation est plutôt étonnante, car la majeure partie des responsables politiques et candidats que nous avons approchés ont  dit privilégier les stratégies du porte-à-porte et des assemblées générales, donc une campagne de proximité. Mais dans la pratique et jusqu’au moment où nous tracions ces lignes, la plupart des 15 partis et formations politiques en lice au Boulkiemdé restaient invisibles. Les tee-shirts, casquettes, fanions et autres gadgets auxquels on avait habitué les militants et les "cocos" sont rares pour ne pas dire inexistants.

Comme nous l’avons indiqué  plus haut, seul le CDP occupe le devant de la scène, avec ses 4x4 sillonnant la ville et les villages, bardés des couleurs du parti et des photos des candidats. La seule réplique, pour le moment, vient de l'UNDD qui, pendant que le parti majoritaire, conduit par Jean Hubert Yaméogo, Commissaire régional et Directeur provincial de la campagne, ouvrait ses joutes à  Nanoro, est parti recueillir le soutien, ô combien important, du chef de Ramongho, qui, élu conseiller CDP  aux  dernières municipales, a rejoint maintenant le parti d'Hermann Yaméogo. 

Pour prendre le pouls de la campagne au niveau de chaque parti, nous avons entrepris d’aller vers les responsables, mais ce fut un véritable chemin de croix ; le comble, plus de deux semaines après Pâques. L’endroit le plus sûr pour ce genre de rencontres étant les sièges des formations, nous avons enfourché notre engin pour un tour des plus infructueux. D’abord beaucoup de partis en lice n’ont pas de siège à Koudougou, et pour ceux qui en disposent, aucune permanence n’est assurée, ce qui fait que deux jours durant nous nous sommes heurté à des portes closes. Quand, par bonheur, nous tombions sur quelqu’un, celui-ci n’était pas à même de nous aider avec quelque information, dans notre tâche. Ce mercredi à 20h 57, nous en étions toujours à appeler certains au téléphone afin d’avoir un entretien dans l’optique d’équilibrer l’information et d’assurer une visibilité à tous. Si notre interlocuteur ne se dérobait pas, il nous renvoyait  à d’autres personnes, tout aussi indisponibles, voire même injoignables.

On comprend donc la frustration de certains militants, qui avouent être gênés de nommer leurs partis, car n’ayant reçu aucun de leurs candidats ou ne disposant du moindre gadget, tee-shirt ou autre afin de faire leur "faro". Dans une telle situation, n'allez surtout pas demander un programme de campagne ou un quelconque planning, car, pour beaucoup, c’est le pilotage à vue.

Fort heureusement, à force de persévérance, nous avons pu assister à une rencontre de l’UNDD au palais de feu Maurice Yaméogo le mardi 18 avril au soir. Comme d’habitude, les intervenants (jeunes, femmes, vieux) ont réaffirmé leur adhésion au parti et proclamé leur détermination à œuvrer à la victoire finale. Les responsables du parti du lion ont saisi l’occasion pour expliquer la position (à la 15e place) d'Hermann Yaméogo sur la liste nationale et l’absence de certaines personnalités comme Marcellin Yaméogo, l'ancien maire de Koudougou. Même si certains pensent que ces deux situations sont préjudiciables au parti, les discoureurs du mardi soir ont soutenu le contraire et réaffirmé qu’il n’y a pas de mésentente à l’UNDD. L’un des candidats, en l’occurrence Salif Kiemdé, en bon instituteur, s’est attelé à expliquer aux militants comment localiser le logo du parti sur le bulletin unique et comment voter. A cette rencontre, Alain Yaméogo du PDP/PS a livré un message du vieux Henri Guissou appelant les militants de Koudougou à voter l'UNDD.

 

Forcés de se contenter d’une campagne de proximité

 

Ce même jour mais un peu plus tôt, nous avions rendez-vous avec Augustin Kabré, candidat  tête de liste de l'UPS (Union des partis sankaristes), composée, rappelons-le, de la CPS, de la Convergence de l’Espoir, du FFS et du PUND. La stratégie de l’UPS, pour la campagne au Boulkiemdé, consiste en des assemblées générales, du porte-à-porte ainsi que des projections vidéo suivies de débats. Pour ce faire, ils ont installé des responsables de zones afin de quadriller tous les départements. Des rencontres sont prévues un peu partout avec les élèves, les femmes… Augustin Kabré reconnaît que les moyens font défaut à leur niveau, ce qui fait qu'ici les meetings ne sont pas à l’ordre du jour à l’UPS. Mais la jeunesse de leurs candidats et leur dynamisme font qu’il est plein d’espoir concernant l’issue de cette élection. «Nous aurons ne serait-ce qu'un député», a-t-il affirmé sans sourciller ; un optimisme remarquable face à l’armada déployée par l’ogre CDP qui ne cache pas son ambition de ravir tous les quatre sièges ; et pour qui, tout résultat autre que les 4 sur 4 serait considéré comme une défaite. Il faut dire que l’équipe de Jean Hubert Yaméogo ne lésine pas sur les moyens humains, matériels et, naturellement, financiers pour atteindre cet objectif. Le député sortant Jean-Baptiste Yaméogo, troisième suppléant sur la liste CDP et directeur de campagne du secteur n°10, est catégorique : «Nous sommes confiants et nous avons l’assurance et rafler les 04 sièges. C’est certes une compétition, mais nous ne craignons personne». Fanfaronnade ? Propos normaux d'avant-match ? Réalité de l'existant politique au Boulkiemdé ? On ne le sait trop. En tout cas Zéda Pascal, suppléant du candidat tête de liste UPR, regroupant  le RDF, le RDM, l’UPD et l’UPR, est d'un avis contraire, puisqu'il n’exclut pas qu’il y ait des surprises au soir du 06 mai si le scrutin se déroule dans la transparence, même s’il se garde de tout pronostic. «Car, dira-t-il, l’expérience des municipales passées, d'où personnes n’envisageait un RDF sortant bredouille à Koudougou, est toujours vivace dans les esprits».

Hier matin aux environs de 9h 15 mn, nous sommes tombé par hasard, dans  un… cabaret, sur Sylvain Kaboré, candidat tête de liste de l’UNIR/MS au Boulkiemdé. Visiblement, il voulait s’offrir une courte rasade avant d’entamer sa journée. Il nous a dit qu’à leur niveau, ils ont divisé la province en cinq axes et ont responsabilisé les quatre titulaires et les quatre suppléants dans la supervision de ces axes, le bureau de campagne, situé à Koudougou, devant travailler avec ceux basés dans les villages et départements. Le maître-mot chez Sylvain Kaboré et ses ouailles est l’alternance, qui, selon eux, doit partir de la base. «Nous partons du principe que notre idéal est le changement ; ce qui implique un travail de conscientisation pour un réel éveil des consciences», a confié notre interlocuteur devant sa calebassée de dolo. C’est sûrement pour cela que le gros des militants du parti à l’œuf comme emblème sont jeunes. En matière d'objectif, Sylvain Kaboré est quelque peu modeste ou réaliste, c’est selon, quand il avoue que : «Notre objectif, c’est d’avoir au minimum un député pour défendre la cause de la province».

Ce qui est réconfortant, c’est que nos différents interlocuteurs nous ont confié que le principal message livré lors des rencontres concerne le retrait des cartes d'électeurs. Cela est primordial, car, en cette période d’élections, le vrai militant, c’est d’abord celui qui possède son sésame pour voter. Mais là aussi, il faut que les partis occupent réellement le terrain et aillent à la rencontre de l’électorat ; ce qui n’est pas vraiment le cas pour tous les quinze partis concourant à Koudougou, à moins qu’ils ne soient en brousse, et réservent peut-être la ville pour l’assaut final. Ou bien faut-il croire que beaucoup considèrent que le vrai travail de conviction concerne plus les habitants des campagnes ? Car reconnaissons que dans les villes, avec le nombre élevé d'instruits, chacun a déjà une idée du parti à voter, et ce n’est pas quelques meetings ou discours soporifiques à forte teneur de promesses tout aussi démagogiques qu’irréalistes et irréalisables qui leur feront changer d’avis. Alors qu’au village, avec un bidon de dolo, un billet de 1000 F ou du riz gras rouge, on peut s’assurer les voix de toute une tribu. Ce jeune étudiant à qui nous avons tendu notre micro a résumé la situation : «Celui qui vient vers nous, nous prenons son argent, son thé ou ses gadgets et on attend le suivant. Surtout que les tee-shirts peuvent servir pour le sport». Son camarade à côté est encore plus cynique quand il marmonne que : «Moi, je n’ai rien à perdre, mais tout à gagner, car je n’ai même pas de carte d'électeur». Un troisième enfonce le clou en lâchant que de toute façon on ne réclame pas la carte d'électeur avant de faire le geste.

Sans vouloir gâcher le deal de qui que ce soit, nous disons tout de même aux politiciens qu’ils sont prévenus. Et vu sous cet angle on ne peut pas les blâmer de préférer les campagnes. En attendant, on s’ennuie ferme ici à Koudougou. Ce qui est tout de même surprenant en cette période et dans la ville du premier président de la République.

 

Cyrille Zoma

L’Observateur Paalga du 20 avril 2007



20/04/2007
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