Les derniers moments de Salif avec Tertius Zongo
Le mardi 18 mars 2008 à 16h00. Les journalistes désignés par leur rédaction pour couvrir le lancement du Programme national d’Adduction en Eau Potable et Assainissement à l’horizon 2015 (PN-AEA 2015) sont reçus au ministère de l’Agriculture, de l’hydraulique et des Ressources halieutiques à Ouaga 2000. A l’ordre du jour de cette rencontre, le briefing sur le PN-AEA 2015 qui sera lancé dans quelques jours par le Premier ministre. A l’heure indiquée, c’est Salif Diallo qui se retrouve face à la presse. Il est apparu décontracté, en forme et plein d’énergie. Sur la base d’une projection Power point, Salif a fait aux journalistes, une présentation détaillée du PN-AEA 2015 depuis la gestion du programme, le processus d’élaboration, la contribution des partenaires techniques et financiers, les modalités de mise en œuvre et les résultats attendus. Salif a dit ce qu’il attendait de la presse. Pour lui, ce programme d’envergure nationale passe par un changement de comportement de tous les acteurs et la presse pourrait jouer ce rôle. Ce jour, la date du lancement du PN-AEA 2015 qui était prévue pour le 20 mars 2008 a été reportée au 21 mars, la date du 20 mars coïncidant avec la fête du Mouloud. Automatiquement, la cérémonie de lancement des travaux d’adduction d’eau potable dans la ville de Boulsa qui devait avoir lieu le vendredi 21 mars a été programmée pour le samedi 22 mars 2008. Vous avez dit bisbilles entre Salif et Tertius ?
Un des collaborateurs de Salif Diallo attire son attention séance tenante : « monsieur le ministre ! Le 22 c’est le début de la Semaine nationale de la Culture (SNC) ». Salif très étonné répond : « C’est vrai » et après un moment de silence dit : « on verra çà après ». Des journalistes dans la salle n’ont pas manqué de faire ce commentaire : « Si l’on ne voit pas Salif Diallo à la cérémonie d’ouverture de la SNC à Bobo aux côtés du premier ministre, ses détracteurs diront qu’il a boycotté le Premier ministre ou qu’il se dit supérieur au Premier ministre, alors qu’il est sur le terrain entrain de travailler ». Le vendredi 21 mars à Bourzanga, Salif Diallo est arrivé 5 minutes avant le Premier ministre. Il a eu le temps de s’entretenir avec le Gouverneur de la région du Centre-Nord et le maire de Bourzanga avant que le Premier ministre n’arrive. C’est Salif Diallo qui l’a accueilli. Les deux hommes étaient assis côte à côte. Ils se parlaient régulièrement durant la cérémonie dans une atmosphère très détendue. Rien ne laissait augurer une brouille entre les deux, à moins qu’ils se comportent en « grands garçons » qui savent surmonter leur différend en public. En réponse aux doléances du maire de Bourzanga et du Gouverneur de la région du Centre-Nord à propos de l’ensablement du Lac Bam, Salif Diallo a donné une réponse satisfaisante : « sur instruction du président du Faso et du Premier ministre ici présent, les travaux de réhabilitation commenceront en 2009 ». A l’issue de la cérémonie de lancement, Salif Diallo a accompagné le Premier ministre sur un périmètre irrigué exploité par des femmes. Une fois sur place, Salif a demandé au Premier ministre d’attendre que les journalistes (qu’ils avaient devancés) arrivent avant qu’il ne procède à la remise des motopompes aux productrices. Le Premier ministre a attendu un instant avant de procéder à cette remise au cours de laquelle, un des éléments de la sécurité du Premier ministre a violemment bousculé le caméraman de la télévision nationale. Le cameraman s’est retrouvé sur une des motopompes, brisant du coup sa camera. Salif Diallo a rassuré le journaliste et le cameraman qu’il informerait le Premier ministre. En dehors de cet incident, on se rappelle cette phrase de Tertius Zongo quand Salif Diallo voulait lui présenter quelqu’un « Mais Salif, je connaîs tous tes gars ». Effectivement, la plus part des cadres du ministère sont familiers à Tertius. Le Premier ministre s’est empressé de rentrer à Ouagadougou ce jour pour accompagner Clément Sawadogo, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation à l’Assemblée nationale pour répondre à la question d’actualité du Député Yamba Malick Sawadogo. Le lendemain 22 mars, alors que Tertius Zongo se rendait à Bobo-Dioulasso pour la cérémonie d’ouverture de la SNC, Salif Diallo prenait la route pour Boulsa pour le lancement des travaux d’adduction en eau potable. C’est dans la nuit du dimanche de Pâques, le 23 mars que les Burkinabè ont appris l’éviction de Salif Diallo du gouvernement. Pourtant, rien ne laissait présager cette situation 48 heures avant. Que s’est-il passé entre le 21 et le 23 mars pour justifier son éviction ? Salif Diallo savait-il qu’il devait quitter le gouvernement à cette date ? Ce que les personnes présentes aussi bien à Bourzanga qu’à Boulsa ont remarqué, c’est la présence de Laurent Sédogo, ex-ministre de l’Environnement et du Cadre de Vie qui a remplacé Salif. Laurent Sédogo savait-il qu’il remplacerait Salif en l’accompagnant pour prendre le pouls du terrain ? Rien n’est sûr puisqu’il dit : « Boulsa, c’est chez moi. ... A Bourzanga, c’est tout à fait normal. C’est le programme national en eau potable colossal qui implique également le département de l’Environnement. » dans Sidwaya N°6139 du 26 mars 2008. Salif Diallo n’était pas n’importe quel ministre et la manière dont son éviction est intervenue fait l’objet de polémique. Premièrement, il a été le seul concerné par le remaniement ministériel. Le débarquement de Salif Diallo du gouvernement est arrivé au moment où les rumeurs montaient sur les supposées mésententes entre lui et François Compaoré, le frère du président d’une part et entre le premier ministre Tertius Zongo et le président lui-même d’autre part. Dans ce cas, on pourrait parler de sanction ou tout simplement d’humiliation à son encontre. Salif occupait-il trop le terrain en accroissant de jour en jour sa popularité auprès des populations au point de faire des jaloux politiques ? Mais on ne peut que se demander si le débarquement de Salif l’a lui-même surpris. Le président du Faso peut-il se séparer de l’un de ses plus vieux lieutenants de la sorte sans le consentement de ce dernier ? Certains observateurs parlent d’une demande de retrait de la part de Salif Diallo au moment où les rumeurs les plus folles circulaient à son compte. Rien n’est à exclure. Les jours suivants nous donnerons plus d’informations, même si pour le Président du Faso répondant à une question d’un journaliste sur le point de chute de Salif Diallo « le sort de Salif ne vous regarde pas ».
BR
L’Indépendant du 1er avril 2008