L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Les deux épouses inconciliables de Blaise Compaoré ?

CDP-FEDAP/BC

Deux épouses inconciliables de Blaise ?

Depuis sa naissance jusqu’à l’inauguration de son siège le 19 avril dernier à Ouagadougou, la Fédération associative pour la paix et le progrès (FEDAP/BC) n’a cessé d’alimenter les murmures, les rumeurs et la chronique à propos des intentions réelles de celui qui est supposé être son créateur ou (au moins) son instigateur, à savoir Blaise Compaoré. Selon une opinion bien répandue, la FEDAP/BC ne serait au mieux qu’un outil pour concurrencer le CDP et au pire une arme contre le parti majoritaire. Et dans tout ça, c’est le locataire de Kossyam qui se joue du parti sis sur l’avenue Kwamé N’Krumah, auquel il n’aurait plus confiance.

Au-delà de toute considération partisane ou de toute susceptibilité, il faut rendre grâce à cette opinion qui fait preuve de perspicacité, qui, en mettant en relation certains faits de la vie politique du Burkina, arrive à déceler les intentions cachées ou inconscientes du parti au pouvoir en particulier.

Il faut aussi décerner une mention spéciale aux médias (qui, pour la plupart d’entre eux, appartiennent à la société civile), dont les émissions et les articles d’information ou de commentaire participent à la construction d’une opinion publique forte à même de timorer les velléités antidémocratiques tapies en tout humain et surtout dans l’esprit de plus d’un gouvernant.

Certes, ce que véhicule l’opinion publique peut être erroné, ce n’est pas pour autant que c’est sans intérêt ; il est admis et reconnu comme vrai que ce n’est pas tant la véracité du jugement de l’opinion publique que les conséquences pratiques de ce jugement qui importent. Tout observateur de la scène politique et (surtout) tout politique devraient se le tenir pour dit.

Le triste sort réservé à la chaîne des maquis Kundé l’année passée est là pour rappeler aux incrédules que ce n’est pas une vue de l’esprit. Par ailleurs, ce qui défraie la chronique au sein de l’opinion est l’expression, peut-être diffuse, d’une humeur de ce contre-pouvoir, dont la forme organisée est la société civile à travers ses associations.

Une appréciation qui ne manque pas de pertinence

La FEDAP/BC contre le CDP ? Oh ! Que oui, répondent sans sourciller nombre de citoyens provenant d’horizons divers et multiples aux intérêts différents ou divergeants. Mais ont-ils vraiment raison d’adopter une telle position ?

En dépit du fait qu’un tel jugement n’est pas désintéressé chez la plupart de ceux qui le véhiculent, il faut faire nôtre la sagesse burkinabè qui veut "que l’on donne raison à celle ou à celui qui le méritent tout en aimant encore plus fort celle ou celui que l’on aimait déjà".

Pour les critiques de la FEDAP/BC, ce réseau n’est pas et ne peut pas se réclamer de la société civile au regard de la définition qui est donnée à cette expression et compte tenu des objectifs du réseau.

Même les auteurs de notoriété en la matière leur donnent raison. Ainsi pour Larry Diamond, politologue américain et fondateur du Journal de la démocratie et codirecteur du Forum international pour les études démocratiques, la société civile est "le domaine de la vie sociale civile organisée qui est volontaire, largement autosuffisant et autonome de l’Etat". René Otayek, politologue français et chercheur au Centre national de recherches scientifiques (CNRS) en France, est plus précis.

Pour lui, c’est "un espace intermédiaire devant exister entre la sphère de l’Etat et la sphère privée (notamment la famille). Elle est constituée d’une variété d’institutions (groupements associatifs traditionnels et modernes, syndicats, mouvements religieux, etc.) qui se donnent des objectifs d’intérêt collectif [et] fonctionnent eux-mêmes sur un mode démocratique...".

Au regard de ce qui vient d’être dit, s’il est vrai que la FEDAP/BC n’est pas un parti politique et n’est donc pas une rivale du CDP, il est tout aussi vrai que, bien qu’ayant un récépissé de reconnaissance en tant qu’association (ou étant sur le point de l’avoir), ce n’est pas une organisation de la société civile.

Quand bien même il faut convenir qu’aucun concept, qu’aucune définition, qu’aucune réalité sociale ou naturelle n’est figée et que ce qui n’était pas société civile hier peut l’être aujourd’hui ou le devenir demain, il sied de faire observer que, pour l’instant, c’est, à notre connaissance, en ces termes que le phénomène est appréhendé.

De la scolastique à la pratique

Si nous abandonnons le terrain de la scolastique pour celui de la pratique, il est juste de dire et de reconnaître que la FEDAP/BC, qui soutient l’actuel président du Faso, ne peut pas être catégorisée comme une OSC (Organisation de la société civile), car elle soutient un homme politique et ses actions de manière officielle. Si cette position est louable par sa franchise et sa clarté, l’inconvénient de cet avantage est qu’on trouve difficilement la place de la FEDAP au sein des OSC.

Du reste, il semble que la délivrance du récépissé des ABC, en son temps, avait posé quelques problèmes aux techniciens du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Les techniciens "pur-sang", les cadres proches du CDP ou de l’opposition auraient été tous d’avis pour dire que les ABC ne sont pas une OSC.

Au stade actuel de la réflexion, une mise au point s’impose : il ne s’agit pas de renier aux membres de la FEDAP/BC le droit de soutenir le président du Faso, qui, à bien des égards, mérite d’être soutenu. Il ne s’agit non plus de leur récuser le droit de s’organiser ; le souci est juste de noter qu’à l’étape actuelle de la pensée et de la pratique en matière de société civile, la FEDAP/BC trouve difficilement sa place.

A écouter ses dirigeants, elle fédère des énergies éparses (ABC, tanties, tontons, etc.), qui engendraient une utilisation saupoudrée des moyens. En outre, il est dit qu’elle pourrait organiser des actions de mobilisation populaire dans la rue, que le CDP, par scrupule, peut ne pas se risquer à entreprendre. En somme, les deux seraient complémentaires : le CDP serait le bras opérationnel politique de B. Compaoré et la FEDAP son bras opérationnel civil.

Une vision peut-être juste mais insuffisamment expliquée

Cette vision n’est pas forcément erronée et mensongère. Si on jette un coup d’œil furtif sur les dirigeants de la FEDAP/BC, on se rend compte que malgré leur dextérité dans les affaires ou les vertus traditionnelles qu’ils incarnent, à la perfection, la plupart d’entre eux ont peu d’aptitudes pour mener des assauts contre le CDP et a fortiori diriger le pays. Il serait surprenant (même si la probabilité n’est pas nulle) que Blaise Compaoré, qui a su jusque-là théoriser et pratiquer la stratégie militaire appliquée à la politique, se fourvoie à ce point.

Cependant, une chose est certaine : en n’ayant pas communiqué suffisamment sur le sujet avec les leaders du CDP, en organisant leurs grand-messes sans, en apparence, inviter ces derniers et en laissant les rumeurs les plus folles courir sur les objectifs de la FEDAP/BC sans rien démentir de façon sérieuse, Blaise Compaoré conforte dans leur position ceux qui voient dans cette FEDAP/BC la nouvelle épouse préférée et croient dur comme fer que la vieille cocotte qu’est le CDP sera répudiée.

Et quand on voit François Compaoré au milieu de ces amis, tanties et tontons, la conclusion est tirée selon laquelle c’est l’arme fatale contre le parti majoritaire, qui pécherait par trop d’inertie ou par trop d’indépendance vis-à-vis du président du Faso.

Au demeurant, une OSC est une OSC (même si, dans le cas de la FEDAP/BC, le débat court toujours) et un parti politique reste un parti politique. Il peut arriver qu’une formation politique soit à la base de la création d’une OSC afin qu’elle soit sa vitrine légale ou sa pouponnière, mais cette OSC ne peut avoir des prétentions avant-gardistes consistant à se substituer au parti.

Comme il ne faut jamais dire jamais, peut-être que dans le cas du CDP et de la FEDAP/BC, la règle ne sera pas de mise ; mais ce ne serait qu’une exception, qui ne remettrait point en cause la norme, généralement admise.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur Paalga du 7 mai 2008



07/05/2008
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