Mauritanie : Promesse tenue
Transition mauritanienne
Promesse tenue
On avait vu tant d'antécédents peu glorieux de la part de ces militaires qui ont la fâcheuse manie de se prendre pour des messies qu'aussitôt le coup d'Etat du 3 août 2005 consommé, on se demandait dans quel camp ce colonel moustachu aux manières policées se situerait.
Et cela, malgré les premières déclarations rassurantes de la junte et de son chef, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, qui, après avoir déposé Maouiya Sid Ahmed Ould Taya (parti aux obsèques du roi Fadh), promettaient de restaurer la démocratie après une transition aussi courte que possible et de s'en retourner dans leurs casernes. "Des militaires aux bonnes intentions", titrait ainsi L'Observateur paalga dans son édition 6450 du lundi 8 août 2005.
Mais cette chanson, on a souvent entendu ce général, Robert Guéi qu'il s'appelait, qui disait être venu juste pour balayer la maison (joindre le geste à la parole) la seriner ; avant de vouloir s'y coucher alors même que le ménage n'avait pas été bien fait, pour finalement être abattu aux premières heures du 19 septembre 2002 quand éclata la rébellion ivoirienne. Après lui, il y eut François Bozizé en République centrafricaine, qui s'était, il est vrai, bien gardé de faire une quelconque promesse, même si on le voyait venir et, effectivement, il a fini par arriver là où on l'attendait.
Fort heureusement, il y a des contre-exemples, qui redonnent espoir à cette Afrique de misère. Sont de ceux-là un certain ATT, qui fut irruption sur la scène politique malienne à la faveur de la révolution de mars 1991 qui emporta le despote Moussa Traoré. Puis il s'en alla faire les bons offices dans certaines contrées africaines en conflit, lutter contre le vers de Guinée pour, finalement, revenir au Mali conquérir à la régulière ce pouvoir qu'il avait laissé de son propre gré alors qu'en son temps, il l'aurait conservé que personne n'aurait crié au scandale. Aujourd'hui, Amadou Toumani Touré s'apprête à rempiler.
Alors, ATT ou Bozizé ? se demandait-on au sujet d'Ely, qui ne pouvait échapper à cette question toutes les fois qu'il rencontrait des journalistes.
Interrogé sur le sujet début décembre 2005 à Bamako en marge du Sommet Afrique/France par le rédacteur en chef de L'Observateur paalga, il répondait, un tantinet agacé : "Je ne demande même pas qu'on me croie sur parole, mais sur les actes ; et de voir si les promesses faites sont effectivement tenues aux dates promises. A la date d'aujourd'hui (le 3 décembre 2005 NDLR), l'ensemble des promesses que nous avons faites aux Mauritaniens et, par-delà eux, à la communauté internationale ont été respectées point par point.
...Par conséquent, je ne pense pas qu'il y ait encore lieu de douter de quoi que ce soit. Mais peu importe qu'on doute, après tout, chacun a le droit de douter de ce qu'il veut...".
Dans un encadré qui accompagnait l'entretien, l'intervieweur relevait toutefois le parfum de sincérité qui se dégageait de cet officier supérieur aux allures d'intello racé, qui avait mis lui-même les verrous politico-juridiques pour ne pas céder aux chants des sirènes. "Tout porte à croire qu'il tiendra parole", concluait-il (1).
Promesse tenue donc pour celui qui fut deux décennies durant le gardien du Temple Ould Taya avant de s'approprier le domaine pour le remettre sur les rails de la démocratie et de la bonne gouvernance.
Après les législatives et les municipales de novembre et décembre 2006, les Mauritaniens étaient, en effet, convoqués de nouveau aux urnes hier dimanche 11 mars 2007 (puis le 25 en cas de second tour) pour, cette fois-ci, élire le président de la République. Le 1,13 million d'électeurs, répartis dans 2 378 bureaux de vote, avaient, sur le bulletin unique, le choix, rappelons-le, entre 19 candidats (2) et une case vide pour le vote blanc si aucun des prétendants ne faisait leur affaire. Cette case vide aura d'ailleurs constitué le couac le plus important de cette transition, Ely ayant appelé ses compatriotes à ne pas perdre de vue cette possibilité qui leur était offerte par la loi électorale.
Il n'en fallait pas plus pour que la classe politique et les observateurs de la scène mauritanienne y voient une volonté du Comité militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) de jouer les prolongations et même de légitimer son pouvoir par les urnes. Puisque, si les bulletins nuls avaient la majorité, ça voudrait dire que le peuple veut autre chose que les 19 candidats (3) qui lui sont proposés. Et cet autre chose pourrait être... Ely Ould Mohamed Vall.
Les tirs de barrage qui ont suivi sa malheureuse sortie l'ont certes fait reculer et préciser sa pensée, mais le mal était fait et la suspicion s'est installée.
Le colonel Vall a-t-il effectivement nourri, dans les dernières semaines de la transition, l'ambition de transformer légalement son essai du 3 août 2005 ? C'est bien possible et ce serait fort bien humain, mais le plus grave n'est pas d'être soumis à la tentation, mais d'y céder. Et il y aura résisté, jusqu'à présent.
Autre procès intenté contre les militaires de passage, certains membres du CMJD, quand ce ne serait même pas le patron en personne, soutiendraient presque ouvertement des candidats.
Il faut reconnaître que pour être neutres, ces soldats ne sont pas désincarnés au point, par exemple, de souhaiter que ceux qui se réclament de l'héritage Ould Taya arrivent (ou reviennent) aux affaires, car ce serait la preuve cinglante qu'ils ont fait un putsch pour rien.
Dans tous les cas, soutien pour soutien, si, comme on le dit, toutes les conditions de la transparence et de la sincérité sont réunies, si ce sont des tocards qu'ils soutiennent, il y a peu de chances qu'on les voit à l'arrivée.
Alors, pourquoi paniquer ?
Malgré donc les écueils qui ont pu jalonner le parcours, et les imperfections, minimes au demeurant, qui ont pu entacher les différents scrutins, il faut se féliciter de cette transition en douceur qui montre, une fois de plus, que tout le monde n'est pas Guéi ou Bozizé, mais qu'il peut aussi y avoir sur le continent d'autres ATT. Et comme ce dernier, rien ne dit qu'un jour, le futur jeune retraité Ely (il a à peine 55 ans) ne reviendra pas après s'être mis en réserve de la République.
La rédaction
Source, Commentons l'événement in L'OBservateur Paalga du 12/03/07
Notes :
(1) "Un parfum de sincérité" in L'Observateur paalga n°6536 du 9 décembre 2005
(2) Le vingtième candidat a finalement jeté l'éponge
(3) Dont les plus sérieux sont Ahmed Ould Daddah, Sidi Ould Cheikh Abdallah, Zeine Ould Zeidane, Messaoud Ould Boulkheir et Mohamed Khouna Ould Haidallah
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