Les forces et les faiblesses du style Zongo
Politique et communication
Les forces et les faiblesses du style Zongo
Point de presse, rencontres avec les syndicats, les ONG de développement, les anciens présidents et le milieu des affaires sans oublier les différents clergés... On peut dire que depuis sa nomination à la tête du gouvernement en juin 2007, le Premier ministre Tertius Zongo n'a pas chômé. Mieux, lentement mais (apparemment) sûrement, il est en train de forger un style de gouvernement bien à lui. Cependant, ce style est-il sans risque, sans danger et sans faiblesses ?
De nos jours, le savoir-faire doit s'accompagner du faire savoir. Autrement dit, quelles que soient vos compétences, quelle que soit votre volonté de changer le monde dans un sens positif et quels que soient les moyens dont vous disposez pour aboutir à vos fins, l'entreprise ne peut être menée à bien si vous ne communiquez pas.
Ce que s'emploie à faire Tertius Zongo est donc a priori une bonne chose : informer ses interlocuteurs à propos de comment il perçoit la mise en œuvre et l'exécution des missions que le président du Faso lui a confiées, les tenir au courant de la contribution qu'il souhaite obtenir d'eux et recueillir leurs avis, observations et critiques afin d'améliorer la forme et le fond de son action.
C'est donc une très bonne chose sur un continent où bien de gouvernants sont si distants des peuples qu'on se demande s'ils en sont vraiment l'émanation.
Tirant, en dernière instance, sa légitimité de cette masse informe qu'est le peuple, il est bien à propos que le Premier ministre aille à lui, car c'est le taureau égaré qui, par son beuglement, va à la recherche du troupeau et pas l'inverse. Certes, recueillir les avis des différentes couches de la population ne signifie pas être compris, accepté et adulé par tous, mais cela a l'avantage de permettre de prendre l'opinion à témoin de ses intentions louables.
En outre, la démarche du chef du gouvernement a ceci de pertinent que tout gouvernement a, d'emblée, du mal à communiquer. Ce mal n'est pas, pour la plupart du temps, dû à une quelconque incompétence ou mal gouvernance, mais à la difficulté de concilier les intérêts des individus ou des groupes d'individus d'une part, et d'autre part au fait que les retombées positives des actions des gouvernants s'inscrivent souvent dans le moyen ou le long terme. Or, dans une situation où les gens veulent manger, boire et résoudre tous les autres problèmes ici et maintenant, les discours des pouvoirs publics tombent dans des oreilles de sourd.
Cela mis de côté, il aura quand même eu le mérite de créer un espace direct où s'échangent les discours différents et parfois contradictoires des trois acteurs qui ont la "légitimité" de s'exprimer publiquement sur la politique et qui sont : les politiques, les journalistes et l'opinion publique.
Communiquer tout en gouvernant et gouverner tout en communiquant
Les prédécesseurs de T. Zongo pratiquaient une autre sorte de communication : la discrétion et parfois carrément le silence alors qu'ils étaient à la limite harcelés pour donner leur point de vue sur les affaires de la cité. On ne peut cependant pas dire qu'ils ont échoué.
L'actuel locataire de la rue Agostino Neto est arrivé avec un autre style, innovant dans le domaine de la communication. Bravo ! devons-nous nous écrier. Toutefois, il importe qu'il soit conscient des écueils qui le guettent, qui peuvent constituer des faiblesses et, pire, les causes d'un éventuel échec :
- comme tout le monde peut s'en douter, l'applaudimètre n'est pas toujours l'outil de mesure fiable de ce que pensent les gens. En d'autres termes, si nombre de personnes estiment aujourd'hui que son style en matière de communication est bon, cela ne signifie pas que tous soient d'accord avec lui quant au fond de son action ou de sa personnalité ; pire, il s'en trouve qui, bien qu'étant de son camp ou parce qu'étant de son camp, n'hésiteraient pas à lui planter un poignard dans le dos. A ce propos, il faut avoir du respect pour l'opposition, dont les positions ont le mérite d'être claires tout comme le sont les identités des personnes qui les prennent ;
- Tertius Zongo devrait faire attention à ne pas faire que de la communication. Certes, il faut un gouvernement dans la communication, mais pas un gouvernement de la communication.
En plus clair, la communication étant simplement un contenant, il lui faut un contenu provenant du gouvernement. Celui-ci est donc comme un contenu qui se trouve dans la communication. C'est pourquoi on parle d'un gouvernement dans la communication.
Par contre, le gouvernement de la communication ne fait que de la communication sans vraiment se préoccuper du fond. Cela s'appelle de la démagogie.
Pour l'instant, le chef de gouvernement gouverne dans la communication, car il y met comme contenu la prise de contact avec ceux pour lesquels il a été nommé et ceux pour lesquels il va travailler en premier lieu. Mais il lui faut savoir, après cette étape, ce qu'il faut faire pour en parler dans quelques mois aux mêmes personnes qu'il vient de rencontrer.
- Tertius Zongo n'a pas de mandat électif d'une part, et d'autre part il est connu de tous que sa nomination et la composition de son équipe ont provoqué des grincements de dents au sein du parti majoritaire, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Un tel style de communication qui, quelque part, fait ombrage aux Eléphants du CDP pourrait contribuer à remuer le couteau dans la plaie ou à empirer la situation.
Bien que cela ne soit qu'une hypothèse, il a intérêt à en être conscient ; surtout qu'il n'a ni base sociale au sein du parti ni "contingent électoral" derrière lui.
- Enfin, c'est sympathique et respectueux des autres que de se présenter à eux et de dire : "Je viens à vous en tant que nouveau Premier ministre pour discuter de manière informelle autour de vos préoccupations", mais ce serait tout aussi, sinon davantage sympathique, s'il trouvait déjà la façon la meilleure de dire au revoir aux mêmes personnes le jour où il sera appelé à d'autres fonctions.
Gouverner sans communiquer, c'est antidémocratique, car les gouvernants ont le devoir de rendre compte au peuple, mais communiquer sans gouverner dans l'intérêt des populations est démagogique. Tertius Zongo devra trouver les moyens, avec l'aide de Blaise Compaoré, d'éviter ces deux écueils.
Zoodnooma Kanfando
L’Observateur Paalga du 27 juin 2007
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