Planète champion : On a laissé la pépinière s’étioler
Planète champion
On a laissé la pépinière s’étioler
C'est avec un ton qui ressemble aux trémolos pathétiques d’un violon que les quotidiens de la place ont annoncé la fermeture de Planète champion. Tous l’ont mentionné sur leur Une. Sidwaya titrait «J’arrête !» ; Le Pays : «L’aventure est terminée». Toujours avec la même verve où transparaissent la tristesse et le regret, L’Observateur paalga a annoncé avec nostalgie : «La fin d’une belle aventure». Pourtant, cette aventure avait très bien commencé et la pépinière donnait déjà de jeunes pousses bien vigoureuses que l’on avait commencé à transplanter sur d’autres terreaux plus fertiles et …plus rentables ! Flash-back sur ce qui est convenu d’appeler le pari d'Ezri : situé dans un espace d'une superficie de 2 hectares, à l’est de Ouagadougou, Planète champion international (PCI) est un projet longtemps mûri mais qui n’a vu le jour qu’en février 1977. Son promoteur, le Français Philippe Ezri, PDG de la Société africaine de distribution textile (SAFDT), avait voulu installer la structure au Mali, mais il a jeté finalement son dévolu sur le Burkina Faso. Le centre avait une capacité de 40 places et s’est internationalisé quand des candidats venus du Togo, du Niger ou du Bénin l’ont intégré dans l’espoir de devenir un jour des virtuoses du ballon rond. Le projet avait pourtant très bien démarré. Avec la Coupe d’Afrique des Nations de football en 98, Planète champion avait signé un partenariat avec le club Paris Saint-Germain (PSG) pour un financement de 50 millions par an. Malheureusement, ce contrat est brutalement rompu. Plus tard, c’est le club anglais de Leed (D1 anglaise) qui compatira au sort de la pépinière de football dans le pays des hommes intègres, sans grand résultat.
Avec l’absence de financement extérieur et les joueurs qui partaient sur la pointe des pieds, l’oiseau qui commençait à prendre de l’altitude avait donc de plus en plus du plomb dans l'aile. Une première conférence de presse pour sonner l’alerte sur une possible disparition du centre avait déjà été donnée en 2006. C’est triste parce que celle d’avant-hier mercredi n’avait pas valeur de piqûre de rappel. C’était plutôt une pathétique scène d’adieu entre employés de la maison, journalistes et le promoteur, lequel rejoint sa famille en France. Et pourtant ! Il serait fastidieux d’énumérer les footballeurs qu’a enfantés Planète champion. Pour parler au présent, 13 «planétaires» évoluent actuellement dans des championnats européens. 23 autres de la même écurie pratiquent actuellement le sport roi chez nous. Et la dislocation du groupe issu de ce lieu de formation rend perplexe quand on parcourt la liste des joueurs qui sont sortis de ce centre et qui ont défendu notre pays dans différentes compétitions : 12 joueurs (CAN des cadets Guinée 1999) ; 8 joueurs (CAN des cadets, Seychelles 2001) ; 10 joueurs (Coupe du monde des cadets, Nouvelle-Zélande 1999) ; 7 joueurs (Coupe du monde des cadets, Trinidad and Tobago) ; 3 joueurs (CAN seniors, Mali 2002) ; 8 joueurs (CAN juniors, Burkina 2003) ; 3 joueurs (Coupe du monde juniors, Emirats Arabes Unis). Avec la libéralisation des activités et la disparition progressive de l’Etat providence, il est souvent malaisé de se demander ce qu’a fait l’Etat pour qu’on en arrive là. Mais face au rôle joué par Planète Champion pour la défense des couleurs nationales, on est tout de même tenté de se poser cette question.
Certes, les spécialistes du domaine peuvent avancer que «ce Planète Champion-là» est une entreprise privée et aussi à but lucratif. Ils ont d’ailleurs raison. Mais ne pouvait-on pas (ou ne peut-on pas) voir dans quelle mesure repêcher ce joyau qui est en train de couler comme une barque à la dérive ? Surtout que la qualité de l’encadrement n’enviait en rien à d’autres structures du genre implantées en Afrique. Pour la formation qui durait trois ans, un test était organisé pour retenir les pensionnaires qui avaient entre 13 et 16 ans. Le système études-sport-internat était appliqué. Le centre était équipé d’un terrain à moitié gazonné, d’une salle de musculation, d’un réfectoire, d’un dortoir, d’une salle de loisirs et d’une infirmerie. Qui dit mieux ? Il serait donc temps de «récupérer» Planète Champion pendant qu’il est temps. Appel est lancé aux bonnes volontés. Et pourquoi pas aux entrepreneurs intrépides qui croient au sport roi et à la rentabilité de cette activité qui a fait la réputation de grands footballeurs de par le monde.
Malheureusement de ce côté, les chances de récupération sont très maigres. Nos opérateurs économiques croient beaucoup plus à la «vente en gros, en demi-gros et au détail» qu’à l’entretien de joueurs et à l’arrosage d’une pelouse, qui ne s’avèreront très rentables que dix ans plus tard. C'est triste de voir disparaître ce joyau vu qu'au moins la relève était assurée. Avec ce que vit le football burkinabè aujourd'hui, on aurait pu faire quelque chose. Est-ce le signe que le sport ne décollera jamais au Faso ?
Issa K. Barry
L’Observateur Paalga du 24 août 2007
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