L’Observateur Paalga : Du normographe à Internet
L’Observateur
Du normographe à Internet
Votre quotidien, L’Observateur Paalga, souffle, aujourd’hui 28 mai 2007, ses 34 bougies. En effet, il y a exactement 34 ans jour pour jour, que le tout premier numéro du canard a été imprimé, dans des conditions très rustiques et donc très éprouvantes pour les travailleurs. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et le journal, au fil des ans, a amélioré et modernisé une bonne partie de ses outils de production en passant du normographe (1) et de la machine à écrire, à l’ordinateur. C’est l’heureux constat que nous dressent ici deux des “rescapés” de cette odyssée médiatique : Tito Christophe Désiré Ouédraogo, chef du laboratoire et Maurice Bali Bamouni, secrétaire de rédaction.
Le lundi 28 mai 1973, les populations de Ouagadougou ont trouvé à leur réveil un journal de quatre pages qui se vendait dans les kiosques et aux abords de certaines rues à la modique somme de 25F. Tito Christophe Désiré Ouédraogo se souvient encore comme hier que l’accouchement de ce premier bébé n’a pas été une partie de plaisir : “On a travaillé jusque tard dans la nuit, et c’est vers 2 heures du matin que le premier journal a été imprimé. Ce jour-là, on tiré 1 000 exemplaires”. Une vraie prouesse comparée à aujourd’hui et surtout au regard des moyens rudimentaires utilisés dans la chaîne de production à l’époque. Avec la ferme volonté des uns et l’abnégation des autres, L’Observateur a ainsi entamé sa longue marche dans le paysage médiatique voltaïque d’alors.
C’est la concrétisation d’un rêve qui mijotait depuis dans la tête des initiateurs du journal. Et qui dit journal dit journaliste. Sur ce plan, Maurice Bali Bamouni se rappelle avoir pris part en mars 73 à un concours de recrutement de journalistes. “Martial Ouédraogo, le créateur du journal, était passé par l’Office national de l’emploi et de la main-d’œuvre pour lancer ce concours ouvert à tout bachelier ou à toute personne ayant le niveau Baccalauréat”. C’est ainsi que trois journalistes ont été recrutés : Hector Désiré Bationo, Léopold Sawadogo et Maurice Bali Bamouni. Ces trois lauréats ajoutés au directeur, Edouard Ouédraogo, puis à Edmond Nana qui a rejoint le groupe, ont porté à cinq le nombre des rédacteurs. N’ayant jamais pratiqué le journalisme, c’est donc sur le tas que les uns et les autres vont se former. Cette équipe était épaulée par un maquettiste, Jean Lazare Bambara, et un dactylographe, Tanga Boua, qui sera remplacé par Salam Zampaligré.
Naturellement, les moyens de reportage étaient d’époque. il fallait y aller soit à pied soit à mobylette CT. C’était le moyen de locomotion dont disposaient tous les journalistes. “Au journal, chacun est venu avec sa moto CT”, nous a confié Maurice Bali Bamouni qui nous a aussi appris que pour les interviews et autres enregistrements, c’étaient des magnétophones qui étaient utilisés. “Il s’agissait de radio-cassettes à six piles qu’on transportait sur l’épaule pour aller aux meetings, aux conférences de presse ou pour faire des entretiens”. C’est dire que si vous croisiez à l’époque quelqu’un tenant un calepin dans une main et ayant un poste radio-cassettes sur une épaule, il s’agissait bien d’un journaliste allant ou revenant d’un reportage.
Sur ce plan, c’est en 80 que les journalistes ont touché au premier dictaphone de la maison. Il a été offert au journal par Ernest Botzun des “Dernières nouvelles d’Alsace”. M. Bali se rappelle que “ce joyau faisait l’objet de curiosité chez les journalistes. Naturellement un tel objet précieux était gardé dans un tiroir dans le bureau du directeur, et on ne le sortait que pour certains reportages à la présidence de la république ou les solennités”.
Le travail à la chaîne est de règle
Avec une équipe aussi réduite, difficile de faire les reportages en équipe. Le reporter était lui-même le photographe quand il fallait des photos pour illustrer l’article. C’est pour cela que les journalistes ont reçu une formation au studio AGFA-Photo. Ainsi, après le reportage, le journaliste retournait à la rédaction pour rédiger à la main son article, puis le remettait au dactylographe qui le tapait à la machine. Pendant ce temps, notre reporter s’engouffrait dans le laboratoire photo du journal pour développer et tirer ses photos.
C’est seulement en 75-76 que L’Observateur va commencer à engager des photographes attitrés, déchargeant du même coup les journalistes de cette «corvée». Ben Idriss Zoungrana dit “Kolo kolo”, photographe très connu aujourd’hui au Burkina, est d’ailleurs arrivé au journal à cette époque comme rédacteur. Par la suite, il s’est vite intéressé à la photographie.
Si le travail n’était pas facile pour les journalistes, il ne l’était pas moins pour le dactylographe. Il se servait d’une machine mécanique à bande pour taper les textes des rédacteurs. Au clavier de cette machine inappropriée, Tanga Boua et, par la suite, Salam Zampaligré ont fait danser sur le papier les touches à lettres ou à chiffres pour composer les articles. Avec le temps, la machine mécanique sera remplacée par une machine électrique à boule. La section dactylo venait de connaître ainsi une petite évolution.
Quant au maquettiste, c’est un véritable travail manuel qu’il faisait. Il se servait d’un normographe pour écrire les titres et composer la une du journal.
Dans un média, le travail à la chaîne est la règle. Les journalistes, le dactylographe et le maquettiste auraient beau fait d’exécuter correctement leurs tâches respectives que le journal ne tombera pas le lendemain dans les kiosques si les gens du laboratoire ne prennent pas le relais, jouant aussi leur partition.
Bien entendu, avant de commencer à paraître, L’Observateur s’était doté d’un laboratoire. Pour trouver le personnel de cette section, un test de recrutement a été organisé. Tito Christophe Désiré Ouédraogo faisait partie de cette première cuvée. “J’avais appris qu’un journal allait s’ouvrir. J’ai déposé une demande d’embauche. Mais il y a eu test de recrutement. Finalement, deux personnes ont été retenues dont moi. Je me suis retrouvé donc au laboratoire avec Emile Nana”. C’est auprès de ce dernier que Tito a appris le travail de laborantin. Il explique que dans un journal, le boulot du laboratoire consiste à “faire le montage, à filmer les textes, à tramer les photos et à mettre tout cela sur une plaque. C’est cette plaque qui est envoyé à l’imprimerie pour le tirage du journal”.
Au laboratoire, le travail commence par le montage. Il se fait sur une table de montage. Lors de cette phase, les laborantins assemblent les pages du journal deux par deux dans un ordre. Dans le jargon, on parle de cahier. Un cahier, faut-il le préciser, fait deux pages. Ainsi, pour un journal de quatre pages, il faut forcément deux cahiers.
L’informatique a révolutionné le travail
Une fois que les cahiers sont constitués, les laborantins passent à une autre étape. Là ils se servent d’un banc de reproduction ou d’une caméra pour filmer chaque cahier. Par ce processus, on obtient des films. A partir de ce moment, tout se passe comme en photo. Chaque film est plongé successivement dans les trois bains pour donner un négatif : révélateur, fixateur et eau.
C’est le film négatif qui est utilisé dans une machine à insoler. Dans cette machine, le film est reproduit sur une plaque en aluminium. A son tour, cette plaque passe dans le révélateur, le fixateur et l’eau. Une fois séchée, elle prend la direction de l’imprimerie. Comme l’assure Tito, “le travail du laboratoire doit être bien exécuté sinon on n’obtient pas un bon journal”.
L’Observateur a fonctionné ainsi avec très très peu de moyens jusqu’à l’incendie le 10 juin 1984. Cet incendie criminel est venu porté un dur coup de frein à l’odyssée du journal. Ainsi, de 1984 à 1989, cet espace d’expression démocratique restera fermé. Il faut dire que depuis son lancement, le journal a toujours ouvert ses colonnes aux syndicats, aux opposants et autres intellectuels qui n’avait pas accès aux médias d’Etat. En 1989, L’Observateur, décidé à renaître de ses cendres, va produire un journal le 27 janvier. Mais la production de ce jour sera saisie par les forces de l’ordre et les locaux du journal mis sous scellés trois jours plus tard. C’est finalement en 91, le 15 février, que le journal reprend ses parutions.
Cette longue traversée du désert a porté un lourd préjudice au journal tout comme à son personnel. Sans travail, pas d’argent et donc pas d’investissements. Aussi, en 91 la reprise s’est-elle faite avec les moyens rudimentaires d’avant incendie.
Petit à petit, le journal va commencer à se structurer. Avant, Edouard Ouédraogo était le directeur de publication et faisait office de rédacteur en chef. Mais la rédaction sera réorganisée. La direction de la rédaction échoit à Edmond Nana, et la rédaction en chef à Ousséni Ilboudo. Avec l’arrivée du premier ordinateur peu de temps après la reprise, le service de la Publication assistée par ordinateur (PAO) sera érigé. Dirigé par un secrétaire de rédaction, il coiffe les opérateurs de saisie, les monteurs et les maquettistes.
Incontestablement, l’outil informatique est venu révolutionner merveilleusement le travail dans le secteur de la presse. A L’Observateur, cet apport appréciable s’est d’abord fait ressentir dans la section PAO que dirige depuis 1996 Maurice Bali Bamouni. Aujourd’hui, le parc informatique de ce service est fort de six ordinateurs. Même si le chef de la section trouve que c’est encore insuffisant, il ne tarit pas d’éloges quant à leur apport dans le travail. “Aujourd’hui il nous arrive de faire des journaux de plus de 40 pages. Si on était toujours resté à l’ère de la dactylographie, on ne pourrait pas le faire ou alors on travaillerait toute une semaine pour sortir un journal de cette taille”.
Une bouffée d’oxygène pour les photographes
C’est donc forte de ce succès que la direction du journal a œuvré à équiper les journalistes d’un certain nombre d’ordinateurs. Ainsi, depuis 2003, L’Observateur est devenu le premier journal au Burkina ayant entièrement informatisé sa rédaction. Une dizaine d’ordinateurs sont dans ce sens réservés aux journalistes pour la saisie de leurs articles. Cela allège du coup le travail des opérateurs de saisie de la PAO.
Le service du laboratoire bénéficie aussi très largement de la révolution numérique. En effet, en amont, la PAO exécute une grande partie du travail autrefois dévolu au laboratoire. La plus importante étant le volet photographique. Avec l’ordinateur, les photos sont directement insérées dans le texte avant d’arriver au labo. Il est en de même des titres des articles. Et mieux, depuis que les pages du journal qui sortent de la PAO sont imprimées sur des calques, le travail du laboratoire s’est simplifié. Les laborantins se contentent de faire le montage des pages et de les filmer directement sur les plaques à l’aide de la machine à insoler.
Le chef de ce service, le reconnaît sans détours : «avec cette évolution, le travail qu’on faisait en 4 ou 5 heures, on l’accomplit maintenant en moins de 2 heures. L’essentiel du travail, que ce soit la composition de la page, le tramage des photos et diverses corrections, est fait à la PAO».
Un autre service que l’informatique a contribué à révolutionner, c’est la section photos. Le couplage du scanner à l’ordinateur a permis de numériser les photos analogiques. Mais lorsqu’en 2002 la maison a acheté des appareils photos numériques, c’a été la bouffée d’oxygène. Depuis, pour les photographes, c’en est fini du travail dans le noir et la manipulation des produits chimiques, notamment le révélateur et le fixateur.
Garder le cap de l’informatisation des services
Ne tarissant pas d’éloges face à cette révolution, Emmanuel Ilboudo, le chef de la section photo déclare : «Avec le numérique, on peut prendre autant de photos que l’on veut lors d’un reportage. De plus, quand on fait une photo, sur place, on peut la visionner pour s’assurer de sa qualité et reprendre une autre si nécessaire. Toute chose que l’analogique ne permettait pas. Et quand on transfert les photos dans un ordinateur, à l’aide de logiciels comme Photoshop et Illustrator, on peut les traiter pour produire les effets spéciaux voulus».
Pour avoir les informations au plan international, il y avait dans le temps la radio à écouter. Mais le journal avait aussi contracté un abonnement payant auprès de l’Agence France Presse (AFP). Les dépêches tombaient sur un télescripteurs placé dans le bureau du directeur. Pour les photos qui accompagnaient ces informations, un colis postal arrivait chaque semaine à la poste au nom du journal.
Un mode de réception à présent dépassé. En effet, depuis 1998, L’Observateur dispose d’une connexion internet même si c’était en mode analogique. En 2002, la connexion analogique a été remplacée par l’internet haut débit avec l’ADSL. Cela a permis de raccorder au net une quinzaine d’ordinateurs soit près de la moitié du parc informatique du journal. Avec les possibilités qu’offre le réseau des réseaux, le journal a résilié son contrat avec l’AFP pour se tourner vers cette nouvelle mine où on trouve pratiquement au niveau mondial toute l’information dont on a besoin.
Comme tout le monde, Tito loue les bienfaits du numérique. Mais il trouve que quelque part, cette révolution a enlevé une certaine valeur à leur travail. «Aujourd’hui, tout notre travail est déjà mâché à la PAO avant de nous parvenir au labo. C’est moins intéressant car on ne se creuse plus la tête. Avant, on développait notre génie pour tracer, composer les titres, tramer les photos, etc. Le travail est devenu si facile que ça rend paresseux».
Qu’à cela ne tienne, pour sa part le secrétaire de rédaction exhorte la direction de L’Observateur à poursuivre la modernisation et l’informatisation du journal. «Il nous faut aujourd’hui plus d’appareils au journal et si en plus tous les journalistes pouvaient avoir un ordinateur portable, franchement ça allait faciliter davantage le travail au niveau des services de la rédaction et de la PAO».
En soufflant sur sa 34 bougie, votre quotidien, L’Observateur Paalga est engagé à aller de l’avant dans cette révolution numérique. Et le journal dispose d’une large marge de progression vu que les technologies de l’information et de la communication sont en fait, un vaste champ que le journal est loin d’avoir fini d’explorer. Bêcher de ce côté est devenu aujourd’hui plus qu’un droit, c’est un devoir. L’évolution du monde et les innovations technologiques le commandent. Un passage obligé donc pour tout journal qui veut se faire une place dans le vaste paysage médiatique mondial. Comme la termitière qui a besoin d’ajouter de la terre à la terre pour vivre, les journaux eux n’ont plus vraiment le choix, il leur faut s’allier les technologies de l’information et de la communication et les utiliser pour en tirer un meilleur profit.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 28 mai 2007
Notes : (1) plaquette transparente en plastique, traversée par des fentes ayant la forme de lettres, de chiffres etc. et qui servent à en effectuer le tracé.
Encadré
Les grandes dates de L’Observateur
28 mai 1973 : date de lancement du journal.
10 juin 1984 : incendie criminel de l’imprimerie
27 janvier 1989 : reprise manquée du journal. Ce jour-là l’édition sera saisie
30 janvier 1989 : les locaux du siège du journal son mis sous scellés
15 février 1991 : le journal reprend sa parution
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