Mairie de Baskuy : Une ignorance coupable
Mairie de Baskuy
Une ignorance coupable
"Marchera? Marchera pas?". Telle était la question-titre qui barrait la Une mercredi dernier de l'édition 6873 de l'Observateur paalga. Avec, grandeur nature, la photo du ministre de la Justice, Boureima Badini, et celle du secrétaire général du Syndicat burkinabè des magistrats (SBM), René Bagoro, se toisant en chiens de faïence et semblant se lancer des piques du genre:
- Tu ne marcheras pas ici !
- Je vais marcher pian, que vous le vouliez ou non !
Tout commence, on le sait, par un échange épistolaire au ton aigre-doux entre les deux hommes. L'allure d'ensemble est courtoise mais la fermeté est de rigueur de part et d'autre. Au responsable syndical qui l'informait le 23 avril 2007 de la volonté de ses camarades de marcher, le vendredi 27 avril 2007, pour revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail, en direction de son ministère où un mémorandum et un message devaient lui être remis, le Garde des sceaux répondait, référence juridique à l'appui, que la manifestation était illégale. Il cite notamment l'article 36 alinéas 3 et 4 de la loi organique n°036-2001/AN du 13 décembre 2001 portant statut du corps de la Magistrature et qui stipule : "Est également interdite toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions. L'exercice du droit de grève est interdit aux magistrats".
René Bagoro reviendra à la charge (1) estimant que la lecture de la loi faite par son ministère de tutelle est restrictive et avançait trois raisons qui fondent, selon lui, la légalité de leur action.
Difficile pour les profanes de dire qui est dans le vrai dans un domaine où même les spécialistes ne s'entendent pas toujours sur l'interprétation des textes tant chacun voit midi à sa porte.
Une chose est par contre sûre, dans cette affaire, l'Administration a été coupable, à tout le moins, d'un cafouillage et d'une ignorance qui ne l'honorent pas. Car, illégalité pour illégalité, le "SBM hors-la-loi" n'en avait pas moins obtenu de la mairie de l'arrondissement de Baskuy, sur le territoire de laquelle la marche à problèmes devait avoir lieu, une autorisation en bonne et due forme d'occupation de la voie publique, signée le 20 avril 2007 (2) "pour le maire et par délégation" par madame Gansoré/Ouédraogo T. Madeleine, administrateur civil de son état et exerçant la fonction de secrétaire générale de la mairie. Ce n'est donc pas n'importe qui et c'est pour ça que ça pose problème.
Car si la marche était litigieuse, pourquoi l'autorité administrative à qui la requête a été adressée lui a accordé une suite favorable malgré ce sceau d'illégalité? Doit-on y voir un soutien implicite des marcheurs ? Ce qui serait suicidaire dans ce Burkina de la IVe République où tous ceux qui travaillent peu ou prou pour l'Etat sont censés psalmodier en tout temps et en tout lieu l'Evangile selon saint Blaise. Ou faut-il simplement penser que Dame Gansoré, qui a signé l'autorisation, ignore les textes comme la suite des événements le laisse croire ?
Ce serait en tout cas gravissime car au flagrant délit d'ignorance dans lequel elle aurait été prise serait venue se greffer une forme de négligence dans la mesure où elle aurait pu, ou même dû, dans une affaire forcément "sensible" comme celle-là, se renseigner davantage ou recueillir l'avis de sa hiérarchie.
Mais comme il était écrit que les juges ne battraient pas le pavé ouagalais, c'est le maire Marin Casimir Ilboudo en personne qui est descendu dans l'arène pour annuler l'autorisation. Cela, après avoir été "informé" (3) par courrier du ministère de la Justice du caractère illégal de cette marche au regard de la spécificité du corps de la Magistrature. La manifestation est désormais bel et bien interdite. Ouf ! On respire.
Le SBM en prend acte et décide donc de surseoir à sa manifestation parce "qu'il a toujours défendu la légalité", lui qu'on disait pourtant vouloir piétiner la loi.
Sans doute occupé à battre campagne, le maire à qui on avait fait un bébé dans le dos n'a pas voulu assumer la paternité d'un accord même si c'est en son nom qu'elle a été accordée et que l'administration, dit-on, est une continuité. Il a donc préféré désavoué publiquement sa collaboratrice, coupable d'avoir voulu laisser marcher des "subversifs".
A l'avenir, les responsables municipaux qui jouent à l'occasion un rôle d'auxiliaires de justice gagneraient certainement à s'informer davantage avant d'agir au lieu de donner cette image regrettable de responsables qui ignorent les textes.
Il semble que nul n'est censé ignoré la loi, qui plus est quand on est maire.
Adama Ouédraogo Damiss
L’Observateur Paalga du 2 mai 2007
Note
(1) Dans une déclaration parue notamment dans l'Observateur Paalga n°6874 du jeudi 26 avril 2007
(2) C'est-à-dire avant que le SBM n'adresse sa correspondance (le 23), ce qui laisse penser qu'il a pris d'abord le soin d'avoir le quitus de la mairie
(3) Ce qui laisse supposer qu'il n'en savait rien
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