L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Menaces de mort contre Sams'K le Jah ! : Les vieux démons refont surface

Menaces de mort contre Sams'K le Jah !

Les vieux démons refont surface

 

Invite à tous les Burkinabè, aux Africains épris de justice, d'honneur, de dignité à manifester leur soutien à Sams'K le Jah ; tel est le message que véhicule l'écrit ci-après consécutif à la menace de mort qui plane sur l'artiste musicien, animateur à Ouaga FM.

 

L’animateur vedette de Ouaga FM, Sams'K le Jah, a reçu un e-mail (courriel) le mercredi 18 avril de «firefaso@yahoo.fr». L’objet du courrier :  "Tu seras abattu".

A peine le FILEP a-t-il fermé ses portes que les vieux démons du «si tu fais, on te fait, et il n’y aura rien» refont surface. Visiblement, «firefaso», qui signifie «mets le feu au Faso» ou «allumer le Faso» ou encore «tirer sur le Faso», en veut au Jah pour son discours sur les ondes de la radio privée Ouaga FM. Seulement, il/elle oublie que les libertés d’expression et d’opinion sont reconnues dans toutes les constitutions du monde. Mieux, dans l’Afrique des empereurs et des rois, il y avait les griots, les contes et les chansons populaires pour décrire les travers du roi ou de l’empereur afin que ce dernier se ressaisisse.  Ce que Sams'K le Jah fait dans son émission radio évolue dans la même logique. L’émission en question est une émission de musique reggae et de rastafaris. On dénote au moins trois tendances chez les rastas : les religieux, les culturels, les politiques (très engagés et contre toute forme d’oppression) ; Sams'K s’inscrit dans cette tendance rasta. Il arrive qu’un rasta soit engagé dans  les trois tendances, une ou deux. Le dénominateur commun des rastas est qu’ils sont tous contre l’injustice et l’oppression, d’où qu’elles viennent et peu importe l’identité de l’oppresseur ou sa fonction.

 

La leçon de l'histoire

 

Mais l’auteur de ce e-mail nous en apprend plus, il, nous préférons le «il»,  bien que l’auteur mentionne "nous" quand il écrit que : "Nous avons tué Thomas Sankara, il n’y a rien eu, nous avons abatu Norbert Zongo, il n’y a rien eu". Si pour Norbert Zongo, le sujet fâche au plus haut lieu, pour Sankara, on sait qu’il n’y avait pas de femme dans l’équipe assassine qui a fauché l’espoir de tout un continent. Donc concernant l'identité de l’auteur de cet écrit, s’il est de notoriété que ce sont des militaires du conseil qui ont abattu Sankara, le reste se laisse aisément deviner. Le plus intéressant, l’auteur affirme que ce sont les mêmes personnes qui ont tué Sankara qui ont également tué Norbert Zongo.

Aujourd’hui, c’est au tour des musiciens engagés tel Sams'K le Jah d’être dans la ligne de mire : «Toi aussi, ton tour n’est pas assez loin...».

L’auteur du e-mail, appelons-le M. X ou le «brûleur du Faso», le «tireur du Faso» estime que le Président Compaoré «est une bénédiction divine» avec des «initiatives de développement». Alors, pourquoi vouloir abattre Sams'K le Jah ? La liquidation d’un animateur de radio, dont la portée ne va pas au-delà des 100 km à la ronde de Ouagadougou, fait-elle partie des éléments clés des «initiatives de développement» ?

Autrement dit, si son émission est dérangeante, c’est qu’il y a du vrai dans ce qu’il dit et donc, au contraire, ce sont les propos élogieux, ne reposant sur aucun élément crédible, qui seraient faux. Mais comme le disait La Fontaine : «Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute

 

Pourquoi tuer les idées ?

 

L’émission de Sams'K participe à la critique constructive, et à un appel citoyen à une prise de conscience affirmée. En ce sens, tout comme Norbert Zongo, son propos devient dérangeant. Et la plume de Norbert ayant été brisée,  pour les prédateurs de la liberté d’expression, le micro de Sams'K devrait tout aussi l’être.

Seulement voilà, la donne n’est pas la même, le contexte encore moins. Une seule balle pourrait sans doute en finir avec Sams'K, mais il en faudrait des milliers pour ceux qui suivent

son émission et qui partagent les mêmes idées et les mêmes points de vue. Comme il en a été de Norbert Zongo et de Thomas Sankara, qui, sans argent, ont pu semer de la bonne graine dans la conscience des Burkinabè et qui resteront éternellement des exemples à suivre. La «Bénédiction divine» n’a que des «mange-mille» autour de lui, les événements de décembre 2006 ont montré l’engagement des uns et des autres à ses côtés. Il s’en est fallu de peu pour qu’on en retrouve certains hors de nos frontières.

Une évidence s’impose, on ne tue pas les idées, on ne les emprisonne pas. On combat des idées par les idées et non par des balles. Combien de personnes faudrait-il continuer à tuer dans ce pays,  pour quelle raison et au nom de quoi ? L’inamovibilité du trône et les cercles oligarchiques? Ces menaces donnent raison à tous ceux qui n’ont jamais été en accord avec la Journée nationale de pardon. On pardonne à des personnes qui reconnaissent leurs fautes et s’engagent à ne pas récidiver.

 

Le peuple veille au grain

 

En vérité, il faut croire que ce qui est dérangeant pour bien des princes et leurs sicaires, c’est le fait que Sams'K a fait de la mémoire de Thomas Sankara son cheval de bataille. Un devoir de mémoire pour l’histoire afin que les jeunes qui n’ont jamais connu le «PF», le capitaine Thomas Sankara, puissent savoir qui il a été et ce qu’il a fait pour ce pays, ce continent et toute l’humanité. Naturellement, cela ne peut plaire à ceux qui, hier, accusaient Thomas Sankara de déviation droitière, d'être un renégat, de -honte à eux- misogynie.

Vingt ans après, on sait qui a dévié,  qui est le «renégat» et qui défendait réellement l’honneur, la dignité du Burkinabè et de l’Africain en général.

Il serait peut-être insultant d’évoquer à  l’endroit de monsieur «firefaso» la question de l’éthique ou le sens de l’honneur, lui qui se cache derrière l’anonymat de la toile. Cette lâcheté s’était déjà manifestée aussi bien dans le cas de Thomas Sankara avec des tracts et celui de Norbert Zongo avec des menaces anonymes. Seulement, désormais, le peuple est déterminé à veiller sur tous les chanteurs engagés comme Smockey et tous les autres défenseurs des droits et des libertés des Burkinabè. Sachant qu’il ne peut compter ni sur les forces de sécurité ni sur la justice, le peuple veille au grain. Si on n’y prend pas garde, la réaction de ce peuple pourrait venir d’où on l’attend le moins dès qu’une seule personne, un seul citoyen sera brutalisé ou mis  en danger à travers une atteinte à son intégrité physique, une atteinte à sa vie en raison de son opinion.

Norbert avait parlé de sa mort dans son dernier Indépendant, Sankara savait qu’il allait être assassiné ; tous les deux ils savaient qui étaient les commanditaires de leur assassinat. Désormais, Sams'K le Jah, la voix des sans-voix, sait qui il dérange et où il doit porter son regard. Il sait désormais qu’il doit se méfier de ces «intellectuels de service», de ces prélats, de ces imams et autres chefs traditionnels, qui aiment à parler de la légendaire notion de stabilité et de paix de notre cher pays. Une paix asymétrique, avec d’un côté ceux qui ont le droit de vie ou de mort sur tout ce qui bouge au Faso. Ceux-là qui, à travers leur richesse insultante et ostentatoire, violentent les esprits des pauvres qui  cherchent difficilement à manger, à dormir, à se soigner et à éduquer leurs enfants. 

Notre propos se veut une invite à tous les Burkinabè, aux Africains épris de justice, d’honneur, de dignité à manifester leur soutien à ce jeune artiste à qui on promet une mort certaine et douloureuse, au motif que son engagement citoyen, n’allant pas dans le sens de la «Bénédiction divine»,  est gênant.

Drôle de bénédiction divine, car selon le classement du PNUD, on est trop loin des pays où il fait bon vivre, on  est régulièrement 174e, 175e et que savons-nous encore. Où sont donc toutes les «initiatives de développement» et leurs résultats pour lesquels monsieur «firefaso» veut abattre Sams'K le Jah ?

 

Issaka Herman Traoré

L’Observateur Paalga du 25 avril 2007



25/04/2007
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