L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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NEPAD : Requiem pour un avorton

NEPAD

Requiem pour un avorton

 

S’il y a un continent qui ne récolte pas grand-chose de la vague déferlante de la mondialisation, c’est bien notre chère Afrique. Tout se passe comme si on lui avait jeté un mauvais sort qui annihile tout effort et tout espoir de développement du berceau de l’humanité.

 

De nombreuses initiatives, plans et programmes y ont été testés mais en vain. Difficile de trouver le déclic qui lui fera amorcer le décollage économique, surtout que ses dirigeants, quand ils ne sont pas de véritables prédateurs aux plans politique et socio-économique, n’ont pas toujours fait preuve d’un enthousiasme et d’imagination débordante pour la sortir de l’ornière.

 

La dernière ordonnance prescrite et qu’on est (on devrait dire était) en train d’essayer, c’est le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD). Il est né de la fusion en 2000 du programme de partenariat du millénaire pour le rétablissement de l’Afrique (MAP) du président sud-africain, Thabo Mbeki, et du plan OMEGA de son homologue sénégalais, Abdoulaye Wade.

 

Il visait à éradiquer la pauvreté, mettre un terme à la marginalisation du continent en plaçant, une fois pour toutes, les pays africains sur la voie de la croissance et du développement durable à travers notamment de grands projets fédérateurs, dans le domaine des infrastructures par exemple.

 

A la différence des initiatives précédentes, le NEPAD a recueilli, au départ, l’adhésion de tous les pays et a même été approuvé par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) qui a adopté en 2001 son Document cadre stratégique.

 

Ce programme fédérateur a suscité espoir et engouement sur le continent. Il n’y avait qu’à voir la flopée de réunions organisées çà et là pour s’en convaincre. Les contours des grands travaux à réaliser étaient si bien définis dans le document de mise en œuvre que, pour une fois, les Africains s’étaient mis à rêver, jusqu’à perdre tout sens critique.

 

Car si les projets étaient bien ficelés, et les lieux de réalisation bien définis, il restait tout de même la plus grande équation à résoudre, celle du nerf de la guerre dans cette Afrique qu’on sait désargentée. L’addition du programme était en effet très salée et les bailleurs de fonds, qui, pourtant, avaient promis d’accompagner le mouvement, lents à délier les cordons de la bourse.

 

Et ce qui devait arriver est en train de se dessiner, la chute de cet ambitieux plan de développement du continent le plus pauvre du monde. On le sait tous, sans argent, tout projet n’est qu’un dossier, aussi bien monté soit-il, juste bon pour moisir dans les tiroirs.

 

C’est ce qu’il est en train d’advenir au NEPAD, car les dirigeants africains n’ont pas pu lever les fonds nécessaires pour son financement. Nous n’avons donc pas eu les moyens de nos ambitions. Les querelles de leadership entre dirigeants aux ego forcément surdimensionnés ont fait le reste, plombant une initiative qui n’avait jamais vraiment décollé.

 

Ces piétinements dans l’exécution du programme montre, une fois de plus, l’incurie de nos gouvernants et de nos élites. Comment ont-ils pu ficeler le NEPAD avec autant de désinvolture quant à son financement ? Sur un continent pauvre où tout est prioritaire, il est parfaitement utopique de croire que l’on pouvait trouver sur place de l’argent frais.

 

Et si, comme toujours, les concepteurs avaient misé sur le probable intérêt des investisseurs étrangers, alors il faut avouer qu’ils se sont proprement fourrés le doigt dans l’œil, et cela, jusqu’au coude. En effet, il est irréaliste de croire que l’Occident allait accepter de creuser sa propre tombe en aidant l’Afrique à se relever, à être forte. Ne l’oublions pas, le NEPAD prônait aussi l’union et l’intégration africaines. Or réaliser cela revient à construire une Afrique forte.

 

La deuxième erreur des géniteurs du programme, c’est le fait d’avoir omis de tenir compte du fait que le continent est terriblement divisé, miné comme il l’est par des guerres fratricides, la corruption, la mal gouvernance ainsi que l’inféodation de la justice aux pouvoirs en place.

 

Dans ces conditions, on ne trouvera jamais un investisseur sérieux, aussi philanthrope soit-il, pour miser des milliards  en Afrique alors qu’il peut tout y perdre du jour au lendemain à cause d’une guerre ou de la corruption où encore de  décisions de justice mal rendues, car commanditées.

 

Voilà pourquoi, entre autres, plus de cinq ans après son adoption, le NEPAD tarde à sortir de terre, à se concrétiser. Pourtant, de nombreuses rencontres, toutes très budgétivores, se sont tenues, mais on ne voit rien venir, et le pognon mis dans l’organisation (la distribution de perdiems) de sommets, de colloques, d’ateliers, de journées de réflexions, d’études… auraient pu déjà financer quelques petits chantiers.

 

Et Abdoulaye Wade n’avait pas tort, lui qui, déjà en juillet 2005, dénonçait les «bureaucrates», ces «mange mille» comme on dirait à Abidjan, qui dirigent le NEPAD, et proposait du coup la fermeture  de son secrétariat, qui «dépense de l’argent pour rien». C’est certainement ce même constat d’échec que fera le sommet des chefs d’Etat réunis à Alger pour chanter le requiem d’un avorton que nous n’aurons pas pu mettre en œuvre.

 

Au moment où nous tracions ces lignes, la rencontre n’était pas terminée, et nous n’en avions donc pas les conclusions. Mais on peut imaginer qu’ils vont se pencher sur la crise que traverse le NEPAD. Des questions importantes comme l’intégration du secrétariat du NEPAD  dans la Commission de l’Union africaine (UA) et sa transformation en une Agence continentale de mise en œuvre des projets de développement africains devaient être examinées. Et selon toute vraisemblance, la présidence du programme devrait revenir à l’Ethiopie en remplacement du Nigeria.

 

L’absence d’un père–fondateur, comme Abdoulaye Wade, mais aussi d’un poids lourd comme Hosni Moubarak est la preuve que le NEPAD n’arrive pas à prendre ses marques, son envol.

 

En attendant, on notera que le programme nous a coûté des milliards, pour rien. Cet épisode caractérise bien l’Afrique ainsi que    nos dirigeants, inconstants, toujours prompts à prendre ou à encourager des initiatives alors même qu’ils n’ont pas les moyens de les concrétiser ou, pire, ne savent même pas où trouver l’argent pour les financer.

 

Et si, finalement, Calixte Beyala avait raison ! Et si finalement, l’Afrique refusait tout simplement le développement !

 

San Evariste Barro



21/03/2007
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