A quoi sert un député ?
Nation
A quoi sert un député ?
Le nouveau parlement burkinabè est en place. Contrairement à la précédente, il comporte une majorité présidentielle fort confortable. L’opposition a pratiquement été laminée. D’où l’intérêt de se demander qu’en sera-t-il réellement du contrôle de l’Exécutif? Les lois à voter seront-elles partisanes ou réellement en faveur des intérêts du peuple burkinabè?Qu’en-est-il de celles qui existent déjà?
Nos honorables députés prennent possession de l’hémicycle aux lendemains du vote de la motion de censure qui a permis à l’opposition nigérienne de congédier le gouvernement Hama Amadou du pouvoir. Ce fait constitue pour tous les députés africains une invite à plus de responsabilité face aux défis et enjeux, mais aussi et surtout face aux intérêts du peuple électeur. Plus rien ne devrait donc être comme avant dans nos parlements.
Par leur geste que nous avons déjà salué, les députés nigériens montrent qu’accéder au parlement ne signifie pas venir voter mécaniquement des lois. Celles-ci doivent correspondre aux aspirations des citoyens. Les lois ne doivent pas servir les intérêts exclusifs de la classe au pouvoir, encore moins ceux de groupuscules en connexion douteuse avec l’étranger. Les lois que les députés prennent en toute conscience, doivent avant tout servir les intérêts des communautés de base. Ce sont elles qui les ont envoyés au parlement dans le but de leur rendre justice et de les extraire de la misère. Ces lois doivent être bien mûries, rédigées sans équivoque et surtout respectées de tous, sans exception.
Au-delà du parti auquel il appartient, le député doit faire son examen de conscience chaque fois qu’il franchit les marches de l’hémicyle, et arbore fièrement les insignes et les couleurs nationales. Cela est aussi valable à l’intérieur comme à l’Extérieur du pays.
Certes, l’exécutif gouverne avec le soutien de sa majorité parlementaire. Certes, les partis au pouvoir en Afrique rassemblent un grand nombre de militants honnêtes et courageux qui savent s’élever au-dessus des intérêts partisans. Certains sont même toujours prompts à faire leur autocritique. Preuve que le parti, fût-il majoritaire et puissant, ne doit pas s’emmurer dans une cloison étanche pour défendre des intérêts parfois aux antipodes de ceux du peuple. De telles contributions doivent être reconnues et saluées.
Parce que le parlement doit contrôler l’Exécutif, il appartient alors à l’ensemble des députés, particulièrement ceux de la majorité présidentielle, d’éviter de jouer aux inconditionnels du parti. Ils doivent savoir naviguer au-dessus des intérêts partisans, surtout lorsque l’intérêt général est en jeu. Pour qu’avance la démocratie, au profit justement de la majorité de nos concitoyens constituée des personnes les plus pauvres et les plus vulnérables dont de nombreuses femmes, des enfants et des personnes âgées. Ce sont bien ceux-là qui les ont élus. Pour défendre leurs intérêts.
Lors de la dernière campagne législative, des éléments de la mouvance présidentielle ont tellement pris leur rôle au sérieux, qu’ils ont fini par étaler au grand jour leurs divergences avec le parti majoritaire. Pour ceux d’entre eux qui entrent à l’hémicycle, ce travail de critique et d’autocritique devra nécessairement se poursuivre. Cela ne pourra qu’encourager les autres députés de la majorité présidentielle à franchir le pas.
De l’autre côté, l’opposition doit mieux s’organiser. Point n’est besoin de s’attarder ici sur les clivages idéologiques ou ethnocentristes qui ont de tout temps contribué à la fragiliser. La cupidité et la mégalomanie de certains dirigeants, le sectarisme, le subjectivisme étroit qui prévaut dans les prises de décisions, ont bien souvent servi de lit au nomadisme politique qui l’a progressivement affaiblie.
En nombre considérablement réduit durant cette législature, les députés de l’opposition devront savoir composer avec les forces en présence. Plutôt que de se morfondre continuellement, ils devront déceler au sein de l’hémicycle leurs alliés objectifs. Sans vouloir chercher à s’opposer de manière systématique aux décisions et aux activités de l’Exécutif et de sa majorité parlementaire, l’opposition devra travailler à mieux défendre l’intérêt général. Dans cette optique, il lui faudra corriger ses insuffisances en communication, notamment en exigeant davantage de place dans les médias publics. Les campagnes électorales l’ont suffisamment prouvé : l’opposition souffre d’un manque cruel de visibilité. Cela dessert la démocratie.
Mais il ne s’agit pas seulement de voter des lois, il faut s’assurer qu’elles sont bien adaptées et qu’elles sont réellement mises en application. Aussi, parmi les dossiers à suggérer à nos élus : la lutte contre la fraude et la corruption. Où en-est-on et qu’en-est-il de l’application des lois en la matière? De nombreuses structures, des commissions existent il est vrai, qui font certainement du bon travail. Mais la plupart des rapports dorment dans les tiroirs. Aux cadres qui y travaillent, de s’assumer et de revendiquer haut et fort leur indépendance de mouvement, de travailler avec la société civile et la presse en particulier. Ceci afin que soient dénoncés, jugés, condamnés et extirpés de l’appareil d’Etat tous ces délinquants à col blanc qui dilapident l’argent public.
Le Pays du 8 juin 2007
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