L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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"Nous n'allons pas servir de faire-valoir"

Omar Djiguemdé, président du PAREN

"Nous n'allons pas servir de faire-valoir"

 

Le samedi 1er mars 2008 à l'Espace Gambidi, le Parti de la renaissance nationale (PAREN) avait donné une conférence de presse au cours de laquelle ce parti menaçait de suspendre ses activités politiques, et comme cela arrive en pareilles circonstances, Omar Djiguemdé, président du parti, a, au préalable, lu une déclaration liminaire avant de se prêter aux questions des journalistes.

Compte tenu de l'importance des sujets qui ont été évoqués, nous proposons cette déclaration liminaire à titre de document à nos lecteurs.

 

Mesdames et messieurs les représentants des partis, Mesdames et messieurs les journalistes, je tiens avant tout à vous adresser mes sincères remerciements pour l’honneur que vous nous faites en venant assister à la première conférence de presse de l’année 2008 du Parti de la Renaissance Nationale (PAREN), conférence qui se tient dans un contexte social très agité sur le thème la nécessaire remise en cause du modèle économique du Burkina Faso.

 

Mesdames et messieurs les journalistes, chers frères et amis,

Depuis le début de l’année, la vie est devenue presque impossible pour la grande majorité de nos concitoyens dont le pouvoir d’achat s’est considérablement érodé avec la flambé des prix des produits de première nécessité. Du slogan,  «ici au Faso la vie est dure», nos concitoyens doivent être à un nouveau slogan «ici au Faso, la vie est impossible». En effet, de façon soudaine, les prix des principaux produits auxquels recourent les Burkinabé ont augmenté sans justification au dire du gouvernement lui-même. Sont concernés par cette forte hausse des prix, les produits suivants : le pain, l’huile, le sel, le savon, le lait, l’essence, le riz, le maïs, le mil…Cependant de façon paradoxale, les traitements et salaires des agents publics et privés stagnent, les paysans ont du mal à recouvrer l’argent du coton dont le prix est en chute libre.

Les conditions objectives d’une explosion sociale sont réunies sans qu’on s’en rende compte, puisque pour le gouvernement le Burkina va bien ! C’est vrai, le Burkina d’en haut constitué de l’élite politico bureaucratique va bien ! Mais le peuple réel pour emprunter un concept tombé de mode, lui va mal ! Il va même très mal ! Le peuple réel ne comprend pas sa situation, puisque autour de lui, il assiste à l’enrichissement qui frise par moment la provocation de certains Burkinabé : villas par-ci, voitures rutilantes par-là, affairisme généralisé dans les hautes sphères de l’Etat sans que les auteurs ou ceux qui sont présumés tels ne fassent l’objet de sanctions. Quelques données statistiques recueillies sur le site du ministère des finances donnent une idée du niveau de pauvreté absolue des Burkinabé : 81% de la population vivent avec moins de 2 dollars par jour, soit moins de 1000 f CFA ; 15% de la population détiennent plus la moitié des richesses nationales.

Comme dirait l’autre, ces chiffres se passent de commentaires.

 

"On nous emprunte de nombreuses idées sans se l'avouer"

 

Dans un contexte de précarité aussi généralisée, toute augmentation des prix ne peut que révolter légitimement nos concitoyens qui bravent toutes sortes de difficultés pour s’assurer le pain quotidien, rien que cela ! Il se trouve malheureusement que notre gouvernement tout comme ceux de nombreux autres pays africains est pris dans son propre piège : le choix du modèle économique libéral, le libéralisme économique. Cette théorie économique admise aujourd’hui comme un dogme est la cause de toutes les souffrances que vivent les populations africaines. En effet, d’éminents économistes ont mis suffisamment en garde les Etats africains sur le choix d’un tel modèle économique. Nous nous contenterons de citer un seul ici, l’éminent prix Nobel d’économie 2001 Joseph Stiglitz (auteur de célèbres ouvrages dont notamment : La grande désillusion et Un autre monde est possible : contre le fanatisme du marché !). Stiglitz rejoint le PAREN dans son analyse du capitalisme. En effet dans son Manifeste paru en 1999, notre parti affirmait ceci : «La liberté économique est une négation de la justice sociale. Par la liberté du commerce et de l’industrie, une minorité exploiteuse s’accapare des richesses de la nation ! le capitalisme est inhumain et injuste : le capital est primé sur le travail alors que ces deux éléments sont indispensables à la production ; le travailleur n’est payé que pour entretenir sa force de travail, sans participation à la propriété de l’entreprise, à sa gestion, encore moins à ses  profits ! Le bénéfice empoché par le capitaliste est un vol». Contre ce modèle économique qui est remis en cause dans son berceau (les alter mondialistes ! le Président Sarkozy vient de demander à Stiglitz et à un autre économiste de réfléchir à un meilleur modèle économique pour la France !), le PAREN propose aux burkinabé et aux africains le grégarisme économique donc le capitalisme populaire en lieu et place du capitalisme privé exploiteur et du capitalisme d’Etat oppresseur.

. Notre grégarisme qui tire son fondement de la culture africaine se traduit au plan économique par l’existence d’une propriété privée (champ et élevage personnels), visant la satisfaction des besoins secondaires ou superflus de l’individu, et d’une propriété collective (champ et troupeau collectifs), visant la satisfaction des besoins vitaux de tous les membres du groupe, de telle sorte que chacun, tout en se prenant en charge, soit aidé du berceau à la tombe par tous.

Appliqué à l’économie moderne, le grégarisme plaide pour que l’industrie, facteur de valorisation de nos potentialités et pourvoyeuses d’emplois, devienne une propriété collective : les entreprises industrielles dépassant la maîtrise individuelle ou familiale devront appartenir aux citoyens productifs au moyen de l’actionnariat populaire. Alors que les Burkinabé tardent à suivre le chemin tracé par le PAREN, même si on lui emprunte de nombreuses idées sans l’avouer. Le PAREN se réjouit que des Etats africains et même européens recourent à l’actionnariat populaire pour le financement de certaines grandes entreprises publiques (cas de la Libye ou l’on a utilisé ce moyen de financement pour libéraliser des sociétés de téléphonie mobile).

 

"Ecoutez-nous ou c'est l'enfer"

 

La réponse à la grave crise sociale, d’ailleurs prévue de façon prémonitoire par le père fondateur du PAREN, le Frère Laurent Bado, durant la campagne présidentielle : si vous n’écoutez pas le PAREN, les portes de l’enfer vont s’ouvrir sous vos pieds ! exige du gouvernement des décisions courageuses.

Il faut une concertation formelle entre toutes les forces vives de la nation qui ne peut résulter que d’une large concertation.

En attendant d’apporter des réponses d’ordre structurel à la flambée des prix et en vue d’apaiser le climat de tension généralisée dans toutes les sphères de notre société, le PAREN propose que :

- Des mesures énergiques soient prise pour ramener les prix des produits de première nécessité à leur niveau réel s’ils ont véritablement augmenté sans justification comme le soutien le gouvernement ;

- le Gouvernement cesse de piloter à vue ce pays comme en témoignent les dernières mesures suites aux manifestations contre la vie chère ;

- il soit créé immédiatement un observatoire des prix comme l’a préconisé la ligue des consommateurs ;

- le Gouvernement, de façon urgente, mettent hors d’état de nuire les nombreux délinquants à col blanc dont les noms encombrent les différents rapports des structures de contrôle de l’Etat. Par là, on pourrait restaurer l’autorité de l’Etat et redonner confiance au peuple ;

- le train de vie de l’Etat reflète le niveau de développement du pays en instituant par exemple une spécialisation ministérielle horizontale à la place de la spécialisation verticale qui multiplie les ministères.  

En vérité, la paix et la stabilité tant recherchées passent par une refondation de notre modèle démocratique.

 

Mesdames, messieurs les journalistes,

En effet, depuis l’adoption en 1991 de la constitution de la quatrième République, le Burkina Faso s’est inscrit dans un processus démocratique qui s’est caractérisé par l’organisation d’élections de façon périodique. A cet effet, différents codes électoraux ont été adoptés en vue d’encadrer le processus électoral dans notre pays. De tous les codes électoraux, celui adopté en 2001 suite aux recommandations du collège des sages en vue d’un rééquilibrage des forces politiques, avait été qualifié par tous les acteurs comme étant « un code consensuel ». Du reste le code électoral, dans un système politique réellement démocratique fait partie des instruments juridiques devant faire l’objet d’une adoption consensuelle. Le code électoral de 2001 consacrait un certain nombre de mécanismes juridiques électoraux qui permettaient a priori l’organisation d’élections libres, équitables, justes et transparentes. On peut citer : le bulletin unique, l’institution d’une CENI avec ces démembrements, l’exclusion de l’administration de l’organisation des élections, un mode de scrutin équitable (le scrutin proportionnel au plus fort reste avec pour circonscription électorale, la région…). La mise en œuvre immédiate de ce code lors des élections législatives de mai 2002 a donné des résultats électoraux jamais égalés sous la quatrième République : l’opposition remporta 54 sièges contre 57 pour le parti au pouvoir, le CDP. Ce rééquilibrage des forces politiques, vital à la démocratie, a été apprécié positivement par tous les analystes politiques dignes de cette qualité comme l’amorce d’une véritable démocratisation des mœurs politiques au Burkina. Et du reste, ces élections ont beaucoup contribué à l’apaisement de la tension sociale qui était en cours dans notre pays suite à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et trois de ses compagnons de route.

Considérant la tension politique passée, et se croyant devenu maître de la situation, le CDP va modifier de façon unilatérale certaines dispositions fondamentales du code électoral consensuel adopté en 2001, en avançant des arguments qui ne tiennent pas la route.

Ainsi,  à travers la loi 013-2004 du 27 avril 2004, seront  remis en cause  d’une part au niveau de l’élection des députés :

- la circonscription électorale qui passe de la région à la province, avec l’institution de 15 provinces à 1 seul élu, et 11 provinces à 2 élus ;

- le mode de scrutin, la proportionnelle au plus fort reste en droit, mais dans les fait, il s’agit de l’application d’un scrutin majoritaire pour les provinces à 1 élu et à 2 élus. Dans l’histoire du droit constitutionnel, pour la première fois, on découvrait l’application d’un scrutin proportionnel avec une circonscription à 1 seul élu. 

Et d’autre part pour les élections municipales, au lieu d’appliquer la proportionnelle au plus fort reste, l’on est passé à une proportionnelle à la plus forte moyenne. Or, pour les spécialistes, les élections de proximité sont par excellence le lieu d’application d’un mode de scrutin qui permet la représentation la plus large possible de tous les courants politiques

A l’issue du scrutin législatif du 6 mai 2007, le parti au pouvoir rafle 73 députés sur 111. Ce scrutin a été surtout marqué par une fraude massive jamais égalée dans les grandes localités (Ouagadougou, Ouahigouya, Bobo- Dioulasso, Koudougou…). Pour de nombreux analystes, il s’agissait d’un véritable recul démocratique. D’ailleurs ce scrutin allait confirmer le mauvais classement du Burkina par la Freedom House, (une ONG américaine qui évalue l’état des libertés et de la démocratie dans le monde) ; en effet, il ressort du rapport 2007 de cette ONG que le Burkina fait partie des 22 Etats africains dont les systèmes démocratiques sont partiellement ouverts ; alors que le Mali, le Sénégal, le Bénin font partie des 11 Etats africains avec un système démocratique réellement ouvert.

 

Les propositions du PAREN

 

On comprend dès lors que dans un tel contexte, il soit nécessaire de procéder à une reforme du système électoral.

Notre parti, en partant de ses propres observations et en se fondant aussi sur la Décision n° 2007-026/ CC/EL portant proclamation des résultats définitifs des élections législatives du 06 mai 2007 du Conseil constitutionnel, propose une reforme du système électoral en 13 points :

1. instituer une carte électorale numérisée avec photo, plus prise d’empreintes digitales. L’argument est simple. Cette carte électorale contribuera à réduire les possibilités de fraudes. Du reste, c’est sous la facilitation du Burkina qu’une telle carte a été instituée au Togo et le sera bientôt en Côte d’Ivoire ;

2. instituer un scrutin réellement proportionnel au niveau de l’élection des députés avec la région comme circonscription électorale ;

3. faire prendre en charge par la CENI les délégués des partis politiques dans les bureaux de vote ;

4. prévoir l’ouverture des bureaux de vote à 6 h et leur fermeture à 16 h ;

5. améliorer le mode de désignation des membres de la CENI en instituant dans les critères de désignation des critères de compétence professionnelle en plus de celui du militantisme politique ou associatif ;

6. instituer un mécanisme juridique qui permet à la CENI de déclencher l’action publique contre tous les auteurs d’infraction à la loi électorale, de sorte que ceux-ci soient effectivement poursuivis et condamnés conformément à la loi ;

7. interdire l’utilisation de toutes sortes de gadgets électoraux avant ou pendant la campagne électorale. Il s’agit notamment d’interdire les pagnes, tee shirts, casquettes, portes clés et autres objets à l’effigie de tout candidat ou de tout parti politique. Il s’agit là manifestement d’une forme de corruption électorale ;

8. interdire les activités ou manifestations qui sont des campagnes électorales déguisées six mois avant tout scrutin (inauguration de réalisation, organisation de compétition sportive ou activités culturelles) ; 

9. limiter les dépenses de campagne électorale par un plafonnement et prévoir surtout de réels mécanismes de contrôle ;

10. adopter une loi qui donne un statut particulier à la chefferie coutumière. Compte tenu de la fonction des chefs coutumiers et de notre contexte sociologique, ils devraient être tenus à l’écart du jeu politique.

11. adopter des dispositions spécifiques sur la dépolitisation de l’administration publique et en retour renforcer l’obligation de loyauté demandée à tout agent public ;

12. relire la loi sur le statut de l’opposition en dégageant des critères très précis de la notion d’opposition ;

13. interdire le nomadisme politique.

 

Mesdames, messieurs les journalistes,

En conclusion, nous ne devons pas nous leurrer. Nous ne devons pas prendre les symptômes de décomposition socio-politique pour des signes de santé socio-politique. Quoiqu’on dise, le Burkina Faso se trouve dans la situation  du pays que guettent simultanément deux crises : une crise sociale grave, si rien est fait pour changer notre système et une crise politique passagère si quelque chose est fait pour mettre fin à la monopolisation du pouvoir d’Etat par un seul parti. Mieux vaut la seconde qui seule, garantit la stabilité, que la première qui instaure une  soit disante paix, qui n’est qu’une paix de cimetière. C’est dans le doute de ce sursaut patriotique que le fondateur du PAREN lui avait conseillé de se suspendre, voire de se dissoudre, pour ne pas servir de faire valoir à une pseudo démocratie. Mais l’instance dirigeante de notre partie a décidé de surseoir à cette mesure extrême, en poursuivant son combat pour une refondation de la République.

 

En conséquence, dans la perspective d’une prochaine relecture du Code électoral, si les reformes ci-dessous ne sont pas consacrées, nous prendrons alors la décision de mettre en œuvre les clairvoyants conseils du Fondateur de notre parti.

Ces reformes sont les suivantes :

1. instituer une carte électorale numérisée avec photo, et prise d’empreintes digitales. L’argument est simple. Cette carte électorale contribuera à réduire les possibilités de fraudes. Du reste, c’est sous la facilitation du Burkina qu’une telle carte a été instituée au Togo et le sera bientôt en Côte d’Ivoire ;

2. faire prendre en charge par la CENI les délégués des partis politiques dans les bureaux de vote ;

3. interdire l’utilisation de toutes sortes de gadgets électoraux avant ou pendant la campagne électorale. Il s’agit notamment d’interdire les pagnes, tee-shirts, casquettes, portes clés et autres objets à l’effigie de tout candidat ou de tout parti politique. Il s’agit là manifestement d’une forme de corruption électorale ;

4. adopter une loi qui donne un statut particulier à la chefferie coutumière. Compte tenu de la fonction des chefs coutumiers et de notre contexte sociologique, ils devraient être tenus à l’écart du jeu politique ;

5. interdire le nomadisme politique.

 

Je vous remercie.

 

Ouagadougou le 01/03/08

L’Observateur Paalga du 13 mars 2008



12/03/2008
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