Ouaga 2000, zone de haute insécurité
Cher Wambi,
En cette seconde moitié du mois de juin, les pluies, hélas, se font toujours attendre.
C'est en toute légitimité que le monde paysan scrute incessamment le ciel, dans l'espoir de la moindre goutte qui pourrait sonner l'installation définitive de la campagne agricole.
Dans cette attente, des crachins ont été enregistrés dans quelques stations, ainsi que nous le révèle ci-après le service exploitation de la météorologie/Représentation de l'ASECNA au Burkina Faso, à qui je renouvelle mes remerciements infinis pour sa constante disponibilité.
Ainsi dans la semaine du vendredi 8 au jeudi 14 juin 2007, Ouahigouya a enregistré 6,2 mm d'eau ; Dédougou, 2,7 mm ; Bobo-Dioulasso, 5,9 mm ; Boromo, 3,4 mm.
Peut-être, cher cousin, les jours à venir nous réservent-ils des hallebardes !
Cela dit, l'attente a été longue, mais il a quand même fini par être porté à la connaissance des Burkinabè, le gouvernement Tertius Zongo, dans la soirée du dimanche 04 juin, après que les instances du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) en furent informées.
Je ne puis rien t'apprendre encore sur sa composition, les nouvelles évoluant à la vitesse du vent. Mais des 34 ministres invités à la table du grand sachem, certains n'auront point le sommeil tranquille, au regard des grands dossiers qui les attendent.
Sont de ceux-là Djibril Bassolet, promu aux Affaires étrangères qui, en sus de la résolution de la crise ivoirienne et de l'aboutissement du dialogue intertogolais, devrait revisiter l'Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI), fermé suite à la marche du Syndicat des travailleurs de son nouveau département le 10 avril dernier.
La fatwa gouvernementale prise contre les marcheurs sous Youssouf II sera-t-elle reconsidérée ?
Djibril est très attendu sur la question, d'autant plus que les centrales syndicales et les syndicats autonomes refusent d'avaler la couleuvre.
De toute évidence, Zakalia Koté qui a acquis le strapontin de la justice hérite en même temps des dossiers pendants que lui a légués Boureima Badini.
Avec Koté, saura-t-on enfin la vérité, toute la vérité sur l'affaire Norbert Zongo ?
Une autre zone d'ombre demeure la colère mal dissimulée du Syndicat burkinabè des magistrats (SBM).
En effet, cher cousin, après leur tentative manquée de marcher sur le ministère de la Justice, des sanctions avaient été envisagées à l'encontre des responsables du Syndicat et de certains de ses membres.
Mais le dossier, qui devait passer devant le Conseil supérieur de la magistrature en juillet prochain, dit-on, sera introduit par le nouveau ministre, Zakalia Koté. D'où la question de savoir s'il va laisser passer la liste déjà arrêtée par son prédecesseur ou l'annulée.
Un dilemme, car s'il annule les sanctions, il sera vu comme ayant désavoué la politique de Boureima Badini, et s'il accomplit le reste de la tâche, il sera vu comme le continuateur de l'œuvre de son devancier.
Mamadou Sanou, qui succède à Benoît Ouattara à la tête du département du Commerce, de la Promotion de l'entreprise et de l'Artisanat, devra être sur plusieurs fronts.
Ceux de la fraude, de la concurrence déloyale, de la contre-façon.
Last but not least, le dossier des tôles, qui divise la toute-puissante communauté des opérateurs économiques syro-libanais, reviendra sur le tapis s'il avait été mal enterré.
A la Sécurité, un pandore remplace un autre, et le colonel Assane Sawadogo, débarqué des archives nationales, outre les revendications légitimes des policiers et des gardes de la Sécurité pénitentiaire, devra aller à l'assaut de l'insécurité et du grand banditisme, qui ont fini d'écorner l'image du "Pays des hommes intègres".
Bref ! C'est aux résultats que le nouveau gouvernement sera apprécié. Des promesses et des prières sont déjà faites à cet effet, mais attendons d'entendre Tertius Zongo lors de son discours de politique générale face à l'Assemblée nationale pour mieux épiloguer.
En tout état de cause, cher cousin, les Burkinabè, plus que jamais, attendent les actes.
Mais restons toujours dans la fièvre de l'avènement de ce nouveau gouvernement pour lire un petit Samogo de Paris surfant sur Le Faso.net :
"Dans sa dernière lettre, Passek Taalé a écrit à propos de la nomination de Tertius Zongo au poste de Premier ministre qu’aucun pronostiqueur n’avait misé sur lui.
Je voudrais lui signaler que dès le 25 mai, Lefaso.net l’avait mis sur une liste de six personnalités susceptibles d’être nommées Premier ministre.
Cela, sous la forme d’un sondage proposé à ses lecteurs pour qu’ils désignent la personnalité ayant le meilleur profil pour occuper le poste.
Il est vrai que les internautes n'ont pas majoritairement misé sur Tertius Zongo, car, sur les 3992 votes enregistrés jusqu’au 5 juin, il arrivait en troisième position avec 10% des votes, derrière Juliette Bonkoungou (41 %), Zéphirin Diabré (27%), et était suivi d’Ablassé Ouédraogo (8%), de Justin Damo Baro (7%) et de P. Ernest Yonli (4%)".
Confraternellement
Cyriaque Paré
Journée de toutes les tensions le dimanche 10 juin dernier à Lâ-Toden. Après la célébration des rites coutumiers annuels par le Naba Tigré, le 20 mai dernier, l'aile contestataire, appuyée par des bonzes de la politique et des puissances d'argent depuis Ouagadougou a, malgré le refus du maire, organisé sa cérémonie de coutumes à son tour. Rien d'extraordinaire jusque-là, pour des gens qui se sont autoproclamés chef sans aucune reconnaissance officielle. Mais si l'affaire mérite qu'on en parle, c'est qu'il s'en est fallu de peu pour que l'affrontement, avec à la clé des décomptes macabres, se produise. Pour mieux comprendre la situation, le haut-commissaire, Lamourdia Thiombiano, a fait lever la mesure d'interdiction de la célébration des coutumes. Ce qui a permis à Naba Tigré d'accomplir les rites, avec l'autorisation du maire Yaya Guiguemdé. Mais voilà qu'une semaine après, ceux qui n'avaient jamais accepté la décision du chef de Yako de faire de Rasmané Korbéogo, assistant de Police de son état, le successeur de son défunt père, chef de Lâ-Toden, ont, eux aussi, exigé l'autorisation de faire la même chose. Et malgré le refus du maire d'autoriser cette 2e manifestation, les "Formoses" ont fait comme le chef légitime. Ça provoque la colère de la population qui avait décidé de les en empêchés par tous les moyens. Il a fallu le tac du chef depuis Ouagadougou où il sert, pour désamorcer la bombe locale, avec l'assistance du haut-commissaire, qui veillait au grain. A vrai dire, les partisans du chef légitime n'entendaient plus supporter longtemps les excès de ceux qu'ils qualifient de rebelles.
On avance que le jour de l'accomplissement des rites par le Naba Tigré, un groupe de jeunes montés par l'autre camp a voulu empêcher le déroulement des cérémonies. A ce qu'on dit, on aurait déploré des blessés.
Un notable du Naba Tigré aurait même été haché, mais rien de grave. Pour sûr, Naba Tigré a essuyé des tirs de lance-pierres et des jets de cailloux de voyous commandités par les contestataires. Heureusement, on ne déplore aucun blessé. Mais se pose la question cruciale de savoir s'il peut y avoir deux capitaines dans un bateau.
Ou l'on règle le problème selon la coutume, ou on se réfère à l'administration qui tranche. Selon la coutume, dès la désignation du nouveau chef, tous les candidats malheureux sont rasés et ont le choix entre l'allégence au nouveau chef et l'exil. Sur le plan administratif, le nouveau code des collectivités reconnaît le chef de village comme collaborateur de l'administration. Mais on ne peut quand même pas collaborer avec deux chefs pour un seul et même village ! Alors l'administration devrait trancher en donnant quitus au chef légitime avec lequel elle doit collaborer et interdire l'autre tendance. En tout cas, le Naba Tigré, qui a géré la situation de crise depuis Ouagadougou, a eu des maux de tête. Il faut faire savoir à ces hauts cadres civils et militaires qui soutiennent l'illégalité, ainsi qu'aux opérateurs économiques, qu'on manipule à souhait, que l'intérêt de Lâ-Toden ne consiste pas en la division en clans, mais en la reconnaissance et en l'allégeance à un seul chef, qui règnera pour tous et avec tous.
Cher Wambi, dans ma dernière lettre, je te parlais du différend qui oppose l'ancien entraîneur des Etalons à la Fédération burkinabè de football (FBF). Le coach, limogé le 20 avril 2007, estime avoir été licencié abusivement, et réclame à son ex-employeur la rondelette somme de cinquante de millions de francs CFA.
Ainsi que je te l'ai raconté, les deux parties se sont trimbalées à l'Inspection régionale du travail le mardi 5 juin dernier, mais la FBF s'était fait représenté par son avocat, qui ne pouvait prendre certains engagements. Il était entendu qu'elles se retrouvent le mardi 12 juin, cette fois en présence d'au moin un des responsables de la Fédé. Mais ce jour-là, cher cousin, toujours pas de responsable. La directrice régionale de l'Inspection du travail se serait alors donnée 48 heures pour rencontrer les patrons de la FBF, et ce petit monde devait de nouveau se retrouver hier à 16h pour trouver un terrain d'entente, faute de quoi un procès-verbal de non-conciliation serait dressé et envoyé au Tribunal. Il semble, cher Wambi, que Seydou Diakité et ses hommes, qui ne veulent pas entendre parler des 50 briques, aurait proposé à Saboteur le paiement de son salaire d'avril, qu'il n'a pas encore touché, en plus d'un autre mois de salaire en guise d'indemnité de licenciement.
Aux dernières nouvelles, j'apprends, cher cousin, qu'hier soir les différents protagonistes se sont encore retrouvés à l'Inspection, et à l'issue des tractations deux procès-verbaux ont été faits.
Le premier, de conciliation, portant sur le salaire d'avril du coach et les quatre mois d'arriérés de Zagalo, que les intéressés devraient percevoir aujourd'hui même ; le second, de non-conciliation, sur les différentes prétentions de Saboteur.
Finalement donc, il ne se sont pas entendus, et c'est en Justice que l'affaire devrait se régler.
Je profite de l'opportunité, cher Wambi, pour corriger une erreur de formulation dans la précédente missive, qui a fait croire qu'au moment de leur licenciement, Saboteur et son adjoint Zagalo trainaient 4 mois d'arriérés de salaires ainsi qu'une prime non perçue (800 000 FCFA) au titre du match aller contre le Mozambique. Il s'agit en fait de Zagalo seul, Saboteur n'étant concerné que par l'impayé du salaire d'avril.
Oui, cher Wambi, je te le confirme, un Nonce apostolique va désormais résider à Ouagadougou, en la personne de Mgr Vito Rallo, et avec juridiction sur notre pays et le Niger.
Jusque-là, c'était le Nonce d'Abidjan, Mgr Mario Roberto Cassari, qui couvrait, et la Côte d'Ivoire, et le Burkina, et le Niger.
La nonciature, à ce qu'on dit, sera fonctionnelle dès septembre, et nous pourrons désormais saluer le Pape au travers de son représentant chaque matin.
En matière de représentation du Saint-Père, il est bon de savoir que selon les spécialistes du droit international et du droit canon, c'est-à-dire le droit de l'Eglise catholique, le nom générique de nonce peut recouvrir au moins trois situations :
ainsi, on parle de légat quand le prélat est simplement accrédité auprès de l'Eglise d'un pays donné.
On l'appelle prononce quand il est accrédité à la fois auprès de l'Eglise d'un pays et du gouvernement dudit pays.
Enfin, le qualificatif de nonce lui est attribué quand il est également doyen du corps diplomatique dans le pays en question, comme c'est le cas dans la plupart des Etats de tradition occidentalo-latine.
Mais dans les usages, on ne s'embarrasse pas de toutes ces subtilités juridiques, et le titre de nonce est celui qui est le plus communément usité, sans que cela ajoute ou retranche quoi que ce soit à la plénitude de la fonction de l'intéressé.
Dans l'attente de son installation en septembre donc, cher cousin, joignons nos voix à celles des fidèles catholiques pour présenter nos félicitations anticipées à Mgr Vito Rallo, et lui souhaiter la bienvenue au "Pays des hommes intègres".
Pour sa part, l'omniprésente Tipoko l'Intrigante nous invite à la lecture de son carnet secret :
Ouagadougou accueillera du 18 au 20 juin 2007 une rencontre et pas des moindres : la conférence ministérielle des pays en développement sans littoral et Etats de transit. C'est au total 31 pays à travers le monde, des pays donateurs, des institutions internationales de financement, des ONG et organismes intergouvernementaux, qui prendront part à ce forum dont le thème porte sur "Le développement des infrastructures de transport en transit".
L'ouverture officielle de la réunion est prévue pour le lundi 18 juin 2007 à 9h au Centre international de conférences de Ouaga 2000, et sera présidée par le chef de l'Etat, Blaise Compaoré.
Sous l'instigation des institutions de Bretton Woods, la politique de privatisation a fait ses effets, mais ce n'est pas pour autant que les autorités burkinabè prêtent une oreille attentive aux condamnations unanimes des organisations syndicales.
Voilà que la privatisation de la Société nationale burkinabè des hydrocarbures (SONABHY) annoncée, des vautours planent au-dessus de Gounghin et de Bingo.
En tout cas, bien de sociétés sont subitement sorties du néant, attendant impatiemment la mise à mort de la nationale des hydrocarbures pour s'adjuger les grosses parts d'un deal qui ne dit pas son nom.
Difficile de ne pas croire que la mafia est bien implantée au Faso.
Les méchantes langues disaient de Ouaga 2000 la cité de l'impunité.
De nos jours elle a conquis allègrement les galons de zone de haute insécurité. Pourtant, plus d'un avaient nourri l'espoir que l'aménagement des services administratifs, surtout de la Présidence du Faso et de son Régiment de sécurité, dissuaderaient un quelconque malfrat.
Hélas, les braqueurs y ont installé leurs pénates, dictant leur loi aussi bien aux résidants qu'aux visiteurs et aux sportifs nocturnes. Que de blessés et de morts !
Si ce n'est pas un défi, en tout cas, ça y ressemble. Les forces de l'ordre et de la sécurité gagneraient à avoir ces bandits de grand chemin dans leur collimateur plutôt que de s'acharner sur les dealers de tôles et de fer à beton.
A force de vouloir emprunter les chemins tortueux pour l'acquisition du visa américain, on finit par laisser des plumes dans l'opération.
Un maire de la région du Nord l'a récemment appris à ses dépens. En tout cas, aujourd'hui, il fait des pieds et des mains pour récupérer le million de francs CFA que son "facilitateur" a courageusement noyé dans le Whisky.
Tout flatteur ne vit-il pas aux dépens de celui qui l'écoute ?
Monsieur le maire, vous aussi !
Après six années passées à la tête de la représentation de la FAO au Burkina, Mme Marie Noëlle Koyara fait ses valises ce 15 juin pour la Côte d'Ivoire.
Bon vent à cette battante qu'on regrettera longtemps au "Pays des hommes intègres".
«Une Lettre pour Laye» in L’Observateur Paalga du 15 juin 2007
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