L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Ouagadougou : Jours de tourmente pour les Kundé

Jours de tourmente pour les Kundé

 

Une ténébreuse affaire de vente et d'achat de véhicule se termine par des crimes abominables. Parmi les suspects de ces horribles meurtres arrêtés par la police, l'un serait  copropriétaire ou cogestionnaire des Bars Kundé. Colère des parents des victimes et des populations qui s'attaquent à tous les maquis appartenant au groupe Kundé et au domicile du principal présumé coupable.  Ouagadougou a ainsi été le théâtre de violentes manifestations le vendredi 16 mars, lesquelles se sont poursuivies le lendemain. Retour sur ces chaudes journées de tourmente pour les Kundé qui ont vu le fleuron de leur chaîne, à la cité An II, partir en fumée.

 

Jeudi 15 mars 2007. Un corps humain, en pièces détachées, est découvert au barrage de Boulmiougou, situé à l'ouest de la capitale, sur la Nationale 1. Le tronc était emballé dans un gros sachet noir et enfoui dans un sac blanc. Les bras et les pieds éparpillés dans l'eau. La veille, un autre corps ayant subi le même sort avait été découvert. Le scénario est identique au premier cas, à la seule différence que les membres supérieurs et inférieurs auraient été retrouvés vers le village de Bassinko sur la route de Ouahigouya.

 

La police met en branle sa machine. Deux suspects sont arrêtés : Maïga  Modibo Ali et Sana Aboubacar. Un troisième,  Amadou Zampaligré dit Zampa est en cavale. Il se trouverait déjà hors du pays.

 

Le sieur Maïga ferait partie des gérants de la chaîne des Kundé même si certains se demandent s'il n'y aurait pas eu de confusion avec un autre Maïga (son père) qui fut jadis, le gérant de la paillote de la cité An II, bien avant qu'elle ne devienne le fleuron de la chaîne. Quoi qu'il en soit, la nouvelle de son arrestation se répand comme une traînée de poudre et parvient aux parents des victimes qui décident d'exprimer leur colère.

 

Les sapeurs-pompiers l'ont échappé bel

 

Première cible : le bar Kundé de la cité An II justement où les manifestants mettent le feu après avoir tout saccagé : chaises, tables et casiers de bière emportés, tout ce qui pouvait être "déménagé" l'a été, "proprement". Puis les révoltés poursuivent leur marche vers le domicile du mis en cause, situé à la Patte d'oie, dans un six-mètres qui fait face au District  sanitaire du secteur 30. Là aussi, tout est pillé, puis la villa  incendiée.

 

Les flammes menacent les cours voisines qui avaient déjà subi des dommages collatéraux de la manifestation  avec les projectiles qui ont brisé les vitres à l'image de la maison de Christophe Ouédraogo, conseiller technique à la SONABHY. Les sapeurs-pompiers arrivent sur les lieux escortés par quelques éléments de la police municipale pour éteindre l'incendie et limiter les dégâts.

 

Les jeunes surexcités s'opposent à leur intervention. Il faut négocier avec eux. La tension monte. Les pompiers reculent. Dans la foulée, le pare-brise d'une Hilux de la BNSP reçoit un caillou. Les soldats du feu tentent ce qu'ils peuvent pour les sensibiliser. "Plus rien ne reste dans la maison. Nous sommes là pour éviter que le quartier ne brûle. C'est  également pour vous protéger puisque nous avons transporté trois d'entre vous à l'hôpital suite à des blessures", explique l'un d'eux.

 

Le dialogue porte fruit. Les manifestants  libèrent le passage. Entre-temps, malgré  l'arsenal déployé, l'on voyait que  les flammes résistaient. Un agent de la BNSP sort son portable et appelle urgemment du renfort. Quelques minutes plus tard, son patron, le lieutenant-colonel Kéita Syllas, arrive sur les lieux. Pendant que ses éléments luttaient contre les flammes, les meneurs de la manifestation donnaient l'alerte pour l'assaut contre les Kundé des secteurs 28 et 30.

 

Parmi eux, un jeune qui serait le fils d'une des victimes. Il pleurait à chaudes larmes et réclamait le reste du corps de son papa, précisément la tête avant de procéder à l'enterrement.

 

Le succès fulgurant des Kundé mis en doute

 

Au même moment, le pillage se poursuivait à la cité An II.

Le service est gratuit. La bière coule à flot. On emporte des caisses  chez soi. Les tôles, les chaises, les tables, bref, tout ce que les flammes n'ont pas fortement endommagé est embarqué. Le coffre-fort subit l'acharnement de deux jeunes qui  tenaient à se remplir les poches. Les carreaux des terrasses sont brisés et mis dans des sacs. La scène est identique au secteur 28 et 30.

 

Samedi, les manifestants se signaleront au secteur 9 vers le stade du 4-Août puis au Notorious à côté du cimetière de Gounghin. Les Forces de l'ordre et de sécurité sont obligées d'ériger des cordons de sécurité autour des bistrots qui n'ont pas encore reçu  la visite des croquants, comme c'était le cas à Boulmiougou. Mais pendant combien de temps vont-ils pouvoir monter ainsi la garde ?

 

C'est vrai que les délinquants profitent de la situation, mais c'est en même temps le procès des Kundé que l'on fait. On a vite fait d'attribuer le succès de ces maquis à des pratiques occultes. Les critiques concernent également la dépravation des mœurs que le phénomène Kundé aurait engendré avec la prostitution des mineurs au quotidien.

 

Des photos de jeunes filles avec les numéros de téléphone   portable inscrits au verso auraient été retrouvés. Crime de sang, pratiques  occultes et proxénétisme sont vites collés à la peau des bars Kundé. Du coup, c'est tout un édifice financier et le gagne-pain quotidien de milliers d'employés qui s'écroulent avec les manifestations. Cela tombe mal puisqu'il s'agit d'un début de week-end où les maquis, en particulier les bars Kundé, font le plein des recettes.

 

Dans l'après-midi de ce vendredi noir, le commissariat central de police est en état d'alerte puisque les manifestants avaient l'intention d'y faire une descente pour libérer les suspects et leur faire subir le même sort. "Il n'y a pas de justice dans ce pays. Si nous les laissons, ils seront un jour relaxés", entend-on dire. Ce n'est que partie remise. Le lendemain vers 9 heures, une bande de jeunes, avec en tête, des femmes, se regroupent autour du commissariat central pour exprimer  leur ras-le-bol.

 

Des cartons bricolés en pancarte portent leur revendication "Nous voulons des têtes". Des policiers postés devant les manifestants derrière des barrières sont imperturbables. Leurs chefs essayent de calmer l'ardeur des jeunes gens qui renoncent à l'assaut des lieux, mais le mouvement continue.

 

En fin d'après-midi, les têtes des personnes tuées sont retrouvées au barrage de Tanghin. Sur place, l'émotion est à son comble et les commentaires vont bon train. Les crimes ont été d'une barbarie insupportable. Mais comment en est-on arrivé là ? Les jours à venir nous situeront sans doute davantage.

 

Déjà que tout serait partie d'une opération de vente de véhicule entre Maré Bambo Oumar (l'une des deux victimes) et M. Maïga Ali. Le marché avait été conclu et l'acheteur avait avancé une partie du montant, à charge pour lui de rentrer en possession du véhicule quand il aura soldé. Entre-temps, le sieur Maïga a placé la voiture à un autre. L'acheteur réclame son argent à Maïga qui non seulement veut couper la somme de 150 000 FCFA sur son dû mais le fait tourner en rond.

 

Un rendez-vous est fixé. Maré se fait accompagner par un certain Bancé Sempana, la deuxième victime. lls auraient tous embarqué  dans une Toyota 4x4 par Maïga et son compère Zampa pour se diriger vers l'est de Ouaga. En cours de route, l'une des victimes ayant senti le roussi  tente de sauter du véhicule. Il sera écrasé (en pleine journée s'il vous plaît) et meurt sur-le-champ.

 

L'autre sera sans doute tué ultérieurement pour ne pas laisser de témoin. Malheureusement pour les présumés coupables, Maré, avant d'aller à son rendez-vous avec Maïga aurait prévenu sa famille, ce qui a permis de remonter très rapidement à lui.

 

Signalons que la 4x4, qui ne portait pas d'immatriculation au moment des meurtres, a entre-temps disparu de la circulation pour réapparaître, cette fois-ci avec la plaque minéralogique 11 N 5815.

 

Le différend du véhicule est-il le principal mobile des crimes ?

 

Maré et Bancé auront donc été sauvagement éliminés et leurs corps découpés, et certaines parties enfouies dans des sacs et jetées dans les barrages de Boulmiougou et de Tanghin. Mais qu'est-ce qui s'est véritablement passé le jour de ce rendez-vous fatidique pour qu'on en arrive à ces extrémistes. Et pourquoi avoir dépiécé les corps ? Ce sont là autant de questions qu'on ne cesse de se poser dans la mesure où le différend au sujet du véhicule paraît bien mince pour expliquer ce déchaînement de violence.

 

 

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga du 19 mars 2007

 

Encadré

Y a Kundé et Kundé

 

Quand on parle des Kundé, ils sont nombreux à penser tout de suite à la cérémonie de récompense des meilleurs artistes musiciens organisée chaque année par Salfo Soré alias Dja Press. Pour beaucoup donc, la chaîne des Kundé serait une excroissance de cette manifestation culturelle. Il n'en est rien et c'est bien que ça se sache. Historiquement, le premier bar du groupe Kundé s'appelait Guitare bar sis au quartier Larlé de Ouagadougou.

 

Pour faire local, le nom du maquis est devenu Kundé qui signifie guitare en mooré. Et depuis, tous les bars-restaurants appartenant au groupe ont pris cette dénomination. Il paraît d'ailleurs que Dja Press n'était pas content de cette situation qui pouvait porter préjudice à son affaire. Il n'avait pas tort avec les événements que nous vivons.  



19/03/2007
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