Paradoxe de Turc
Election d’Abdullah Gül
Paradoxe de Turc
Après avoir échoué, par deux fois, à réunir les deux tiers des voix du Parlement la semaine dernière, Abdullah Gül a finalement été élu mardi dernier président de la Turquie au troisième tour et à la majorité absolue, selon les dispositions constitutionnelles. Il succède donc à Ahmet Necdet Sezer. Les choses coinçaient ainsi parce que le nouveau président est issu du parti islamiste de la justice et du développement (AKP). Il est lui-même présenté comme un islamiste modéré.
Dans la foulée, la prestation de serment a eu lieu le même soir devant la représentation nationale. Cette cérémonie a été boycottée, entre autres, par les députés républicains du CHP (social-démocrate), et les hauts dignitaires de l’état-major de l’armée dont le chef, le général Büyükanit, a mis en garde les autorités du pays contre «les plans sournois qui chaque jour apparaissaient pour éroder les principes laïcs du pays». Mieux encore, la première dame, l’éternelle voilée Hayrünnisa Gül, n’a pu assister à la prestation de serment de son cher époux pour cause de port du… voile. C’est dire si le pays de Mustafa Kemal Atta Turk tient à la laïcité comme à la prunelle de ses yeux. Voici donc un pays à dominance musulmane qui revendique sa laïcité. Avec l’organisation régulière de consultations électorales, l’exemple de la Turquie est la preuve qu’islam et démocratie peuvent faire bon ménage.
Et on ne peut que s’étonner des bisbilles politico-religieuses qui ont cours à Ankara, car il y a là un vrai paradoxe. En effet, il y a lieu de se demander pourquoi diable un peuple qui prétend tenir tant à la laïcité donne son onction, à la faveur d’élections, à un parti islamiste comme l’AKP. Ou bien les électeurs ont été surpris par le résultat de leur vote, soit ils manquent de conséquence. Car nous revoilà dans le syndrôme de la Palestine où la victoire du HAMAS, démocratiquement acquise dans les urnes, n’en a pas moins posé problème même à ceux-là qui passent pour les chantres de la démocratie tels les Etats-Unis et l’Europe.
Même si en Turquie, la réalité du pouvoir étant déjà entre les mains d’un Premier ministre issu du parti islamiste, il était bon que le président soit un laïc au sens «kemaliste» du terme, car cela aurait permis de donner un semblant d’équilibre au sommet de l’Etat. Cette équation est fondamentale pour un pays qui désire être membre de l’Union européenne. En effet, ce n’est pas avec un épouvantail islamiste qu’Ankara pourra espérer rejoindre un jour Bruxelles. Derrière donc cette bataille de la laïcité, il est difficile de ne pas voir se profiler celle des pro et des antiEurope.
Il faut surtout souhaiter que l’Union européenne, qui, c’est évident, ne souhaite pas avoir à sa porte un Etat fondamentaliste, ne fasse pas d’ingérence dans cette affaire turco-turque. Sinon, elle se fourrerait le doigt dans un engrenage sans fin. Il est vrai que la Turquie, ce n’est ni la Palestine ni encore moins l’Algérie. En disant cela, nous pensons à l’Algérie des années 90, où aux lendemains des élections municipales qui avaient donné la victoire au Front islamique du salut (FIS) d’Abassi Madani, la France officielle avait bougé. Avec la bénédiction de Paris, les autorités algériennes d’alors avaient mis en effet fin au processus électoral, plongeant le pays dans une effroyable guerre civile dont les séquelles persistent encore aujourd’hui.
Il faut donc laisser les Turcs dans leurs turqueries avec l’espoir que tout islamiste qu’il se veut, le nouveau président, comme il l’a promis, œuvrera à sauvegarder l’héritage d’Atta Turk.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 30 août 2007
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