Présidentielle française : 12 pour un palais
Présidentielle française
12 pour un palais
Depuis lundi 19 mars à 17 heures, on connaît officiellement l’identité des candidats français qui vont prendre le départ de la course à l’Elysée. Annoncée par Jean-Louis Debré, le parachuté de Chirac à la présidence du Conseil constitutionnel, la liste comporte douze noms d'hommes et de femmes, retenus après les vérifications d’usage ; pratiquement sans surprise, car ceux qui ont été retenus sont ceux qui ont effectivement pu réunir les 500 parrainages nécessaires, comme l’exige la loi électorale. Sont donc en lice pour le premier tour de la course à la succession à Jacques Chirac, François Bayrou de l’UDF, Olivier Besancenot de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), José Bové l’altermondialiste, Marie-George Buffet du parti communiste (PCF), Arlette Laguiller de Lutte ouvrière, Jean-Marie Le Pen du Front national (FN), Frédéric Nihous de Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT), Ségolène Royal du Parti socialiste (PS), Nicolas Sarkozy de l’UMP, Gérard Schivardi du Parti des travailleurs, Philippe de Villiers du Mouvement pour la France (MPF) et Dominique Voynet des Verts.
Ce n’est pas encore la parité, mais c’est déjà un taux respectable qui montre, si besoin est, que la classe politique française est « gendérisée » (1), surtout que l’une des 4 candidates, Ségolène Royal pour ne pas la nommer, fait partie du trio qui devrait, sauf tremblement de terre, disputer les deux places du second tour.
Comme on peut le constater, dans cette fournée, il y a ceux que l’on connaît pour ne pas parler de professionnels de la politique, à l’image d’un Sarkozy, d’un Bayrou , d’un Le Pen, d’une Royal, d’une Buffet, d’une Laguiller, d’une Voynet ou d’un de Villiers. A côté de ces habitués de la scène et de ses joutes, même si la plupart sont de parfaits tocards, et il y a les illustres inconnus (Frédéric Nihous, Gérard Schivardi), que même les plus au fait des arcanes politiques françaises ne connaissent pas. Bien souvent, ce sont d’ailleurs des empêcheurs de tourner en rond. Le premier de ce contingent est le plus altermondialiste des candidats : José Bové ; celui-là même qui a pu réunir, in extremis, 503 signatures en 6 semaines, d’autres ayant ramé pendant 6 mois pour récolter les précieux paraphes, qui furent pour beaucoup une véritable course d’obstacles avant même que la vraie bataille ne commence. Il n’est pas jusqu’à Jean-Marie Le Pen qui n’ait fustigé la détermination de « l’Etablissement » à lui barrer la route en faisant pression sur les élus pour qu’ils ne lui donnent pas leurs précieuses signatures. Mais s’agissant du presque octogénaire (il a 78 ans) leader du FN, il y a lieu de se demander si tout cela ne participait pas de l’autovictimisation, dont il a le secret, juste parfois pour faire parler de lui. Quoi qu’il en soit, toutes les péripéties reposent la pertinence de ces parrainages, que certains jugent désuets et antidémocratiques et qui, surtout, n’empêchent pas ce pour quoi ils avaient été institués sous Giscard : éviter les candidatures fantaisistes. Va-t-on donc s’acheminer vers une suppression de ces grands électeurs à la française ? En tout cas, le débat est ouvert.
En attendant, s’il y a une candidature qui va inquiéter assurément les socialistes, c’est celle du leader paysan, car, en plus du nombre de concurrents, qui est accru, c'est surtout l’échec de la coalition antilibérale qui est affiché. Et ce qu’il y a à craindre comme ce fut le cas en 2002 avec les 16 partants, c’est la dispersion des voix. On se rappelle à ce propos que c’est ce qui avait provoqué le séisme lepénien d’un certain 21 avril de l’an 2002.
Avec la publication de la liste des aspirants à l’Elysée, c’est un autre tournant que prend cette campagne présidentielle. Une phase beaucoup plus réglementée pour ce qui est de l’exploitation des médias, le temps de passage sur les antennes (radio et télé notamment) devenant égal désormais pour tous les candidats. Autrement, si notre cher Sarkozy bénéficie d’une heure de tapage médiatique sur une chaîne donnée, il devrait en être autant pour tous les autres candidats. C’est donc dire qu’il n’y a plus de « petits candidats », médiatiquement parlant.
C’est une étape délicate qu’il faut gérer maintenant ; car l’égalité est une opération très minutieuse et délicate à mettre en œuvre , encore plus lorsqu’il s’agit d’hommes et de femmes politiques de surcroît en campagne électorale. C’est en fait presque mission impossible et une prétention démocratique hypocrite. La question que l’on se pose ici comme ailleurs est de savoir comment et même pourquoi vouloir établir une équivalence entre des représentants de partis qui, fondamentalement, ne boxent pas dans la même catégorie ; entre les candidats qui ont de véritables machines de guerre électorale bien huilées et bien structurées et les autres, qui font presque dans le dilettantisme et l’informel. Pourrait-on mettre sur un pied d'égalité le président de l'UMP ou la championne du Parti socialiste avec leurs réseaux financiers, leurs milliers d'élus, leur force de frappe militante et Frédéric Nihous, le chasseur, qui rêve peut-être d'être réincarné en canard, ou Gérard Schivardi, le petit maire maçon, champion de l'obscur parti trotskiste des travailleurs ? Voilà qui est surréaliste !
Il faut pourtant réduire cette fracture médiatique, car c'est la beauté du sport démocratique que de permettre à ces petits de s’exprimer, d'avoir une chance de se faire entendre, vu qu'une campagne, ça sert aussi à diffuser des idées même si dans ses rêves les plus fous on sait pertinemment que l’Elysée n’est pas à la portée du premier plaisantin venu qui, à défaut de gagner, peut cependant faire perdre. La différence pourrait se faire au niveau de l’usage d’internet, où les candidats qui disposent d’un état-major solide vont inonder la Toile: c'est le cas de Ségolène Royal, qui a mis tous ses blogueurs en état d’alerte maximum pour diffuser des messages ou des vidéos en sa faveur. En tout cas, les dés sont jetés ; et le ton est donc donné pour la vraie campagne, dans cette course qui s’annonce plus que jamais indécise.
Kader Traoré
L’Observateur Paalga du 21 mars 2007
(1) Néologisme qui signifie que l’on tient compte du genre dans sa démarche
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