Promotion de la jeunesse burkinabè : Le top de départ n'est pas encore donné
Promotion de la jeunesse burkinabè
Le top de départ n'est pas encore donné
Aux lendemains de la célébration de la Journée internationale de la jeunesse, l'auteur des lignes qui suivent s'interroge.
Quel avenir pour la jeunesse burkinabè ? Son constat n'incite guère à l'optimisme. Le développement du Burkina, estime-t-il, doit reposer sur une jeunesse travailleuse qui "ose inventer son avenir" et non sur une jeunesse en quête de sensations fortes ou de souvenirs inoubliables.
D'où son coup de gueule en direction des autorités afin qu'elles changent leur fusil d'épaule.
Le Burkina Faso a célébré la Journée internationale de la jeunesse et comme par hasard, il a abrité les championnats d’Afrique juniors d’athlétisme. La combativité et le talent de la jeunesse burkinabè se sont une fois de plus révélés à travers les dix médailles arrachées à l’issue de ce tournoi. Ainsi, nous avons choisi ce moment précis pour nous interroger sur l’avenir de cette jeunesse. En effet, en jetant un regard inquisiteur sur le sort de la jeunesse burkinabè, peut-on conclure qu’il y a de l’espoir?
D’entrée de jeu, il nous semble intéressant de faire l'état des lieux en ce qui concerne la situation des jeunes du Burkina Faso et les projets des gouvernants "en faveur" de la jeunesse.
De nos jours, la jeunesse burkinabè dans sa majorité écrasante patauge dans une misère indescriptible et cela se démontre aisément.
Ils sont beaucoup de jeunes qui sont en proie à la malnutrition et à la sous-alimentation au Burkina Faso. La majorité des jeunes ne peut même plus s'offrir un repas consistant par jour contre trois à la veille des indépendances.. Cela se perçoit à travers l’émergence et la forte fréquentation des gargotes dans nos villes.
Un autre élément, qui ne passe pas inaperçu concernant la jeunesse de ce pays, est la montée fulgurante du chômage. Au Burkina Faso, ce phénomène concerne essentiellement les jeunes. On observe un taux de chômage de 43,3% dans la tranche d’âge de 15 à 29 ans contre 6,7% dans la tranche de 40 ans et plus. De 10,6% en 1985, le taux de chômage en milieu urbain au Burkina est passé à 25% en 1992 d’après les rapports de l’OIT. La mauvaise politique du gouvernement en matière d’emploi est l’une des raisons fondamentales de l’émergence d’emplois inorganisés et précaires appelés secteur informel qui ressemble beaucoup plus à de la débrouillardise.
Des mendiants aux yeux larmoyants
Il est nécessaire de rappeler ici que nos gouvernants par moments brillent par leur nature à entreprendre des actions et des programmes en faveur de la jeunesse. On se rappelle encore les projets "8000 villages 8000 ballons", le programme "1000 filles du Sourou", la formation professionnelle des jeunes à Loumbila ou encore plus récemment les actions du genre "65/15". Mais il faut avoir le courage d’avouer que ces programmes se sont, par moments, révélés éphémères et sans avenir pour la jeunesse. Car, les jeunes continuent de faire le pied de grue devant les centres d’examens pour les moindres appels à candidatures (300 000 candidatures pour 8500 emplois disponibles dans la Fonction publique cette année). Beaucoup d’autres s’entassent dans les endroits publics (marchés, maquis, institutions commerciales…), prêts à rendre n’importe quel service. Cette situation est si lamentable aujourd’hui qu’il suffit de sortir un billet de 5000 FCFA en ces lieux pour voir sa cote monter d’un cran. Cela nous amène à dire, en empruntant les termes du professeur Laurent Bado, qu’ils sont nombreux ces jeunes qui sont devenus des "mendiants aux yeux larmoyants" dans ce pays.
Enfin, la misère de la jeunesse burkinabè se traduit de nos jours par les comportements déviants : banditisme, alcoolisme, prostitution et l’expansion de toutes ces formes de violences qui sont monnaie courante ces derniers temps. Il ne se passe plus un seul jour sans que le sac d’une femme soit arraché en pleine circulation ou qu’un car soit braqué en plein jour. Le constat amer à faire est que la jeunesse burkinabè aujourd’hui a peur de continuer à vivre dans cette misère indescriptible et galopante. A titre d’illustration, je rappellerai ce documentaire de la RTB sur la consommation des boissons frelatées dans la ville de Réo (province du Sanguié), où des jeunes ont affirmé sans gêne qu’ils prenaient ces breuvages pour mourir à petit feu puisque leur vie n’avait plus de sens. De tels propos doivent interpeller les autorités compétentes, car nous avons encore en mémoire la devise des militants du GIA (Groupe islamique armé) qui se plaisaient à dire après chaque attentat mortel qu’ils «aiment la mort comme les autres aiment la vie». Cette envie de mourir qui ne traduit rien d’autre que la peur de vivre est latente aujourd’hui chez la jeunesse burkinabè. Des événements récents sont encore là pour nous le confirmer. Il y a, entre autres, les affrontements entre les forces de l’ordre en décembre dernier. C’étaient les jeunes qui s’affrontaient, nous a-t-on dit. Sans oublier la mise à feu et à sac de certains maquis des chaînes Kundé de Ouagadougou. Là encore c’était la jeunesse burkinabè qui se «produisait» dans la rue. Quelles que soient les raisons invoquées pour justifier ces actes, nous devons être unanimes à reconnaître que la jeunesse burkinabè saisit la moindre occasion de nos jours pour se défouler, croyant enfin y trouver l’origine de sa misère, la source de son malheur. Alors, faisons en sorte qu’elle ne saisisse plus ce genre d’opportunité.
Cependant, face à cette galère, il est impératif de rappeler que les comportements diffèrent suivant les jeunes.
Certains se sont résignés et se retrouvent dans des endroits populaires, en train de brader tout ce qu’ils ont de plus cher (leurs corps, leurs idées et même leurs âmes) ; c’est malheureusement les plus nombreux.
De la pertinence et de la rentabilité des projets
D’autres par contre ont choisi de se rapprocher des gouvernants pour les accompagner et les ovationner dans les manifestations et les festivités, le plus souvent impopulaires et insultantes. En effet, une multitude d’associations de jeunes gravitent autour du Président Blaise Compaoré: ABC, AJCBC, Association 2000 pour le progrès, Association le Burkina avance... pour ne citer que celles-là. Pour se faire remarquer, ces jeunes créent des groupuscules dits associations de jeunes. Des slogans du genre "on n’a pas le pétrole mais on a Blaise Compaoré", "on ne change pas une équipe qui gagne", ont valeur de devises lors de leurs regroupements.
En attendant, les manifestations qui nécessitent une forte mobilisation de la jeunesse continuent de ressembler à des réunions de familles. En témoignent les gradins vides du stade du 4-Août les 9, 10, 11 et 12 août 2007 lors des championnats d’Afrique Juniors en dépit de la gratuité de l’entrée et des multiples autres avantages de nature à drainer du monde.
Nous n’allons pas terminer notre réflexion sans reconnaître que des efforts sont faits par le gouvernement. Des fonds sont mis à la disposition des jeunes : le Fonds d’appui à la promotion de l’emploi (FAPE), le Fonds d’appui au secteur informel (FASI), le Fonds d’appui à la formation professionnelle et à l’apprentissage (FAFPA)… Mais la question qui saute à l’œil est la suivante: ils sont combien les jeunes qui bénéficient de ces fonds ? Les critères d’octroi de ces fonds sont-ils transparents ? Seuls les bénéficiaires le savent.
Pourquoi pas des états généraux de la jeunesse ?
Nous ne doutons pas non plus de la volonté des autorités à prendre à bras-le-corps les problèmes des jeunes; en témoigne le chapelet des réalisations futures dont a fait cas le ministre de la Jeunesse lors de sa dernière sortie médiatique. Nous avons retenu différentes constructions à coups de milliards. L’initiative est d’emblée louable, mais ce qui nous intrigue est la pertinence et la rentabilité de ces projets. Nous sommes sans ignorer que les raisons des problèmes qui se posent à la jeunesse du Burkina sont à rechercher entre autres, dans la mauvaise politique d’éducation, le système scolaire inadapté et l’indifférence des gouvernants. Alors, la construction d’un centre de formation professionnelle tout comme les autres réalisations annoncées par le ministre parviendront-elles à améliorer le sort de cette jeunesse?
En tout cas, le top de départ pour la résolution des difficultés de cette jeunesse à mon sens n’est pas encore donné ; si c’est à travers les méga et gigaconcerts organisés par le ministère de la Jeunesse qu’on veut éradiquer ces difficultés. Certes, on parviendra à éloigner certains jeunes de leurs préoccupations réelles mais, il ne faut pas se leurrer, la jeunesse consciente et consciencieuse de ce pays sait que le développement du Burkina doit reposer sur une jeunesse travailleuse qui «ose inventer son avenir» et non sur une jeunesse en quête de sensations fortes ou de souvenirs inoubliables.
Alors, nous pouvons dire que cette Journée internationale de la jeunesse aurait pu être l’occasion pour le gouvernement de Tertius Zongo d’organiser, pourquoi pas, des «états généraux de la jeunesse» afin de repenser les problèmes réels de cette frange de la population burkinabè en lieu et place de ces concerts géants. Il ne suffit plus d’esquisser quelques pas de Tak-borossé ou de couper-décaler pour persuader la jeunesse qu’on est avec elle ou qu’on se soucie d’elle. La jeunesse consciente de ce pays a besoin d’actions réelles et concrètes. Il n’est pas encore tard même si la jeunesse consciente et ambitieuse du Burkina Faso, à la différence de celle opportuniste et égoïste, est fortement déçue. Mais faisons en sorte qu’elle ne soit pas désespérée.
Bapindié Ouattara
L’Observateur Paalga du 22 août 2007
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