Réaction à l'émission Trait d'union sur la TNB
Réaction à l'émission Trait d'union sur la TNB
Par les temps qui courent, il n'est pas rare de lire ou d'entendre dire que «la morale agonise au Faso» sinon qu'elle est «morte». Sans disposer de tous les éléments pour apprécier une telle assertion et sans vouloir jouer à de tels observateurs, j'estime cependant qu'il est des situations qui suscitent des interrogations sur une telle affirmation. Les faits qui provoquent ma présente réaction sont liés aux programmes de la télévision.
Il est vrai qu'en la matière le souci de tout animateur d'émission est d'intéresser le plus possible les téléspectateurs. Il semble également admis que les thèmes qui touchent à la vie des gens - télé réalité oblige - sont plus accrocheurs aujourd'hui que d'autres. Etant donné que toute prestation à la télévision est de nature publique et s'adresse à toute personne qui serait devant un poste de télévision à l'heure dite du déroulement de l'émission, je me permets de partager ici mon point de vue à propos de l'émission "Trait d'union" qu'il m'a été donné de voir deux fois de suite. L'ayant suivie pour la première fois par hasard, j'ignore donc depuis quand cette émission passe sur la TNB. Toujours est-il que la manière dont les thèmes ont été traités ces deux fois ne peut laisser indifférent.
L'émission passée le jeudi 23 août à partir de 21 h portait sur une femme qui aurait été prise en flagrant délit d'adultère par son mari. Sur le plateau de la télévision, pour en discuter, il y avait, outre l'animateur de l'émission, le mari et la femme "adultère", des invités : un représentant de la tradition, un pasteur protestant, un musulman (imam ?), un prêtre catholique et d'autres personnes. Les uns et les autres devaient répondre aux questions de l'animateur, se prononcer sur les faits et donner des conseils, non seulement au couple éprouvé, mais aussi à toute personne qui serait sur le point de se rendre coupable d'une telle inconduite. Les faits tels que décrits par le mari laissaient croire que la culpabilité de la femme ne faisait pas de doute. Ce qui n'est pas de l'avis de la principale accusée. C'est dans ces conditions que les invités devaient intervenir pour conseiller et dissuader.
La même émission est passée le jeudi suivant, soit le 30 août. Il était question d'un couple marié depuis quinze ans et qui se trouve ébranlé à la suite d'un SMS surpris par le mari sur le téléphone portable de son épouse. Le contenu du message laissait entendre que la femme aurait gravement trompé son mari avec un autre homme. Les débats se tenaient en présence du couple et d'autres personnes appelées à intervenir. Le mari cocu tient les faits supposés être à la base du SMS pour vrais. Toutefois, si la femme ne peut nier ce rapport, elle soutient que l'auteur du message s'est trompé de numéro, donc de destinataire. L'expéditeur interrogé aurait dit s'être effectivement trompé de numéro. Sur ce, l'émission a suivi son cours.
Cela dit, l'on ne saurait être a priori contre de tels sujets à la télévision dans la mesure où le but poursuivi est de réfléchir sur un phénomène social. Il est également louable que plusieurs voix, qu'elles soient religieuses ou pas, aient été sollicitées pour conseiller les coupables, prévenir les auteurs éventuels de tels actes et réconcilier les couples concernés. Toutefois, les intervenants n'étaient pas toujours favorables à la réconciliation, chacun ayant sa conception de l'adultère et de son effet sur le mariage.
Je pense, pour ma part, que la manière de procéder dans de tels cas est critiquable pour trois raisons principales : un manque de pudeur, une injustice et une imprudence.
- Un manque de pudeur de la part des intéressés qui vont faire étalage de leur vie privée sur un plateau de télévision dont on se demande s'ils en mesurent assez la portée et l'étendue de la publicité. En outre, une telle attitude, même libre et consensuelle de la part du couple, est blâmable. Peut-on louer le courage de telles personnes sans en même temps dénoncer leur témérité ? Peut-être parviendront-elles à se réconcilier sur le plateau de la télévision, mais il est à craindre que les arguments pour les diviser soient encore plus décisifs après la diffusion de l'émission. On comprend difficilement que les conseils qu'elles sont allées quérir sur le plateau ne soient pas accessibles dans la discrétion auprès de parents, de leurs témoins de mariage ou de leurs ministres ou responsables de culte. En effet, les mêmes conseils qu'elles ont entendus sur le plateau de la télévision, ne peuvent-elles pas aller les écouter dans des lieux plus indiqués ? Peut-on opter pour l'humiliation dans de pareilles situations ?
- Il y a là une injustice qui ne dit pas son nom. Encore une fois les intéressés sont majeurs sinon des adultes. Sous réserve de l'usage que chacun entend faire de sa liberté, il faut reconnaître qu'il y a préjudice et qu'en la matière, c'est la femme qui est la plus lésée. En effet, sur le plateau, et à visage découvert, c'est elle qui porte tout le poids de la faute. En réalité, c'est elle qui est jugée. A tel point que les conseils prodigués par les uns et les autres lui sont principalement dédiés quitte à ce que le mari soit clément pour accepter de garder sa femme.
- Une imprudence, et plus que cela, une faute contre l'éducation des plus jeunes, notamment des enfants qui dans la plupart des cas suivent les mêmes émissions que leurs parents. Il faut également reconnaître qu'en même temps que l'on conseille, on contribue à banaliser de tels actes, si l'on ne conduit pas malheureusement d'autres personnes à tenter les mêmes expériences. Par contre, pour cette dernière réflexion, si l'on estime qu'il ne peut y avoir de conduite idéale, il n'en demeure pas moins qu'il est bon d'observer un minimum de prudence.
Qu'elles soient de la radio ou de la télévision, certaines émissions sont destinées à l'éducation des populations. Pour cela, on doit pouvoir intéresser les adultes, les jeunes et les enfants, mais pas forcément à travers les mêmes émissions. Néanmoins, qu'en s'adressant aux uns, l'on prenne soin de ne pas nuire aux autres. Pour ce qui est de "Trait d'union", la méthode pourrait être améliorée. Par exemple, ne pourrait-on pas évoquer les problèmes sans en présenter les concernés, ou en trouvant le moyen de leur faire garder un minimum d'anonymat ?
Abbé Jacob Yoda
01 B.P. 90 Ouagadougou 01
Cel. : 76 55 87 01
L’Observateur Paalga du 11 septembre 2007
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