Sarkozy peut-il charmer le Maghreb ?
Afrique - France
Sarkozy peut-il charmer le Maghreb ?
Ainsi donc, après son Europe natale, le nouveau président français, Nicolas Sarkozy, a décidé de faire de l'Afrique, le continent de sa première visite officielle après son élection à la tête de la république française. Cette visite, même si elle apparaît comme un honneur fait au continent noir, ne manque pas de susciter des interrogations dans certaines parties du continent. D'aucuns n'ont pas manqué d'y voir une opération de charme en direction de l'Afrique "utile". Pourquoi Sarkozy a-t-il choisi l'Afrique du Nord et non la partie subsaharienne ? N'est-ce pas là la preuve, une fois de plus, que ce sont les intérêts qui guident les pas des grands de ce monde ? Pourquoi le codéveloppement pour l'Afrique noire et l'Union de la Méditerranée pour le Maghreb ?
Le fait d'avoir eu pour premiers hôtes, après son élection, des dirigeants d'Afrique noire, en l'occurrence Ellen Johnson Sirleaf du Liberia et Omar Ondimba Bongo du Gabon, n'est pas une preuve suffisante de l'attachement du nouveau président français à l'Afrique noire. Rester chez soi pour recevoir les uns et aller vers les autres sont deux actes qui n'ont pas la même valeur symbolique. Cependant, la tournée maghrébine de Sarkozy maintient intact le mystère sur les choix de l'Elysée pour l'Afrique. Le décryptage des intensions réelles de Sarkozy n'est pas toujours évident et il serait aventureux d'être trop catégorique sur ses ambitions africaines. En professant son voeu de faire de l'Union de la Méditerranée un pendant de l'UE au sud de l'Europe, le patron de l'Elysée ne cache pas son désir de rapprocher la France de cette zone. En cela, il entend certainement prendre une longueur d'avance sur ses pairs européens. Il est irrécusable que la Méditerranée reste une région de grands enjeux pour le vieux continent, que ce soit du point de vue économique ou géopolitique. Considérés comme des pays de transit et de filtre de l'immigration vers l'autre rive, ces pays font l'objet de toutes les attentions, et le chantre de "l'immigration choisie" ne pouvait sans doute pas se passer de s'entretenir de ce sujet avec les "princes".
Le pétrole algérien ne peut, non plus, être étranger à la sortie du président français, surtout avec ce rapprochement tant souhaité par Sarkozy entre la Sonatrach algérienne et Gaz de France. Comme quoi, pour les richesses de l'Afrique et pour la lutte contre l'immigration, on a besoin du Maghreb, mais en même temps on doit se prémunir contre l'exode des Africains. Et Sarkozy ne croyait pas si bien dire en parlant de "s'intéresser au Maghreb tout en gardant le Maghreb hors de l'Europe".
Toutefois, son projet d'une Union de la Méditerranée, si l'on s'en tient à quelques prises de positions déjà manifestées, ne passera pas comme une lettre à la poste. Sarkozy a beau minimiser le contentieux lié au devoir de mémoire et au passif humain de 132 ans de colonisation de l'Algérie, cette page de l'histoire des deux pays ne se refermera pas aussi vite et il faudra, tôt ou tard, y trouver une réponse. Autrement, il sera difficile d'envisager une quelconque coopération apaisée et sereine entre les deux pays. Le fait que l'étape du Maroc ait été amputée est aussi révélateur d'un certaine tension. Derrière la raison officielle que les autorités marocaines ont brandie se cache le vieux problème du Sahara occidental dont Rabat et Paris n'ont pas toujours eu la même vision. Sarkozy n'a, jusque-là, pas affiché une position tranchée dans cette affaire. Toute chose qui n'est pas de nature à rassurer le Maroc. C'est dire que beaucoup de préalables demeurent pour une coopération véritable entre la France et l'Algérie. Et il serait plus judicieux pour les deux Etats de chercher d'abord à évacuer les contentieux et les contradictions avant d'asseoir les bases d'une coopération solide. Le pas de course avec lequel Sarkozy mène cette visite traduit quelque part la volonté de ne pas aborder, pour l'instant, et en profondeur, les sujets qui fâchent. Il est certainement temps de regarder la réalité en face et d'accepter de traiter ces problèmes en conséquence pour un climat de confiance restauré.
Le Pays du 11 juillet 2007
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