Sassou et ses pygmées
FESPAM de Brazzaville
Sassou et ses pygmées
Une femme à l’abri d’une tente de toile allaite son bébé de trois mois, tandis qu’une autre attise le feu sur lequel est posée une marmite fumante dans laquelle mijote leur pitance quotidienne. La scène se passe au zoo de Brazzaville, au Congo de Sassou N’guesso, non loin de l’espace réservé aux animaux en cage. Ces deux femmes et ce nourrisson font partie du groupe de 20 pygmées installés là depuis maintenant une semaine, sous le regard des curieux, venus de plus en plus nombreux visiter le zoo et ses nouvelles et non moins étonnantes attractions.
Mais que peuvent–ils bien faire dans ce lieu normalement réservé aux animaux sauvages, ces hommes et ces femmes venus de la forêt équatoriale, à part satisfaire la curiosité des citadins accourus pour voir comment vivent des sauvages mal dégrossis ?
Ils sont en fait des invités du 6e Festival panafricain de musique, le FESPAM. Ces artistes de l’ethnie Baka avaient quitté leur région au nord du Congo pour représenter leur peuple à ce grand rendez-vous de la culture et des civilisations africaines. Malheureusement pour eux, ils ont une fois de plus été victimes des préjugés racistes que subissent régulièrement leurs semblables. Il faut croire que les hôtes du festival n’ont pas trouvé dégradant pour des artistes, fussent-ils pygmées, de dormir au zoo sur des matelas à même le sol et à l’abri de simples tentes. Après tout, se justifiera-t-on du côté des organisateurs, les pygmées vivent bien dans la forêt ! Alors, quoi de plus normal que de reconstituer leur milieu naturel, afin qu’en ville ils se sentent comme chez eux ! Et le zoo semblait pour eux l’endroit idéal.
On se croirait revenus aux heures les plus sombres de l'époque coloniale, durant laquelle, plus d’une fois, on a fait venir du fin fond de leur brousse des Africains à moitié nus pour amuser la galerie et apporter une petite touche exotique aux expositions universelles et autres foires, dont raffolait alors la vieille Europe.
Drôle de sens de l’hospitalité dans un pays indépendant où tous les citoyens sont censés naître libres et égaux en droits, surtout que les autres délégations invitées à ce festival avaient été logées dans des hôtels de la capitale, et se restauraient dans des établissements ayant pignon sur rue.
Bien sur, ces pygmées congolais ne demandaient pas à loger à prix d’or, comme leur président, Denis Sassou Nguesso, a coutume de le faire, dans les plus grands palaces du coin. Ils auraient juste voulu être traités avec un minimum de dignité. Juste de quoi apparaître aux yeux de leurs compatriotes tels qu’ils sont : des citoyens congolais, pas des animaux ni des sous- hommes.
Poussées par le scandale déclenché par l’Observatoire congolais des droits de l’homme, les autorités ont fait machine arrière, réalisant un peu tard la portée de leur acte. Aux dernières nouvelles, les campeurs du zoo ont été transférés dans une école de la ville avec, en prime, les excuses les plus plates du gouvernement.
L’Observateur Paalga du 16 juillet 2007
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