L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Les défis politico-judiciaires de Sarkozy

Affaires Borrel et Kieffer

Les défis politico-judiciaires de Sarkozy

Deux "affaires", parmi plusieurs autres, sont revenues de manière ostentatoire dans l'actualité, et qui étaient considérées comme "classées". Il s'agit des affaires du juge Bernard Borrel et du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer.

La remise en selle médiatique, politique et diplomatique de ces "dossiers" parmi les plus brûlants de l'ère chiraquienne et de la politique africaine de l'Elysée serait-elle le début de l'engagement de Nicolas Sarkozy à changer de politique dans les relations entre son pays et les Etats africains ?

Tout semble le laisser penser, pour peu qu'on accorde une attention aux déclarations et aux prises de positions officielles sur l'Afrique au Sud du Sahara de celui-là qui n'hésite pas à commettre le parricide politique à l'encontre de Jacques Chirac. En effet, à partir de plusieurs tribunes, tant en France, à Bruxelles qu'en Afrique, Sarkozy aura toujours proclamé sa détermination à changer la politique française de l'Afrique en dénonçant "les amitiés douteuses et suspectes" des présidents français avec leurs homologues africains en se démarquant de la protection des dictateurs et en décriant les interférences intempestives de la France dans les affaires des Etats africains.

En un mot, Sarkozy semble faire de la majorité politique et souveraine de l'Afrique et de son droit à l'émancipation intégrale la ligne de mire de la politique française en Afrique. Parfois même plus que les responsables africains eux-mêmes ! En soi et tant qu'on restera au seul stade des déclarations et autres professions de foi, ces engagements ne sont pas aussi inédits qu'ils apparaissent.

De Gaulle et la Théorie de la décolonisation, Mitterrand et le discours historique de la Baule (1990) s'inscrivaient déjà dans la même logique, et sur beaucoup d'aspects de la politique africaine de l'Elysée, la droite comme la gauche, Mitterrand comme Chirac ont gardé vis-à-vis du continent noir, structurellement, la même orientation avec seulement quelques nuances qui n'ont jamais résisté chaque fois qu'il était question des intérêts de la France, des "raison d'Etat" ou de la domination néocoloniale de l'Afrique "francophone".

C'est donc manifestement dans la pratique et dans la relation - parfois difficile à réaliser - entre les engagements "politiciens" et les actes concrets au quotidien, qu'il va falloir attendre le fougueux Sarkozy.

Et tout laisse croire que les affaires Borrel et Kieffer, avec les tournures qu'elles sont en train de prendre depuis l'arrivée de Sarkozy à l'Elysée, en sont, pour le moment, les illustrations essentielles auxquelles il convient d'ajouter la question du Rwanda, l'affaire Hissène Habré et les mesures annoncées ou prises relatives à l'immigration africaine en France.

Déjà, en tout cas, la fermeté dans le ton et le souci de réaliser ce qu'il a dit semblent caractériser le nouvel homme fort de Paris, qui n'hésite plus, du reste, à sacrifier ses amitiés et ses amis.

Le caractère et la portée politiques de l'affaire Borrel ne sont plus à démontrer. Depuis l'installation de Sarkozy à l'Elysée, plus personne ne nie l'implication calculée et réfléchie de Paris dans ce "suicide" du juge français. L'importance de la "victime", le caractère stratégique de sa mission, et les intérêts et visées politiques, économiques et géostratégiques de la France dans cette Corne de l'Afrique convainquent que cette affaire n'avait rien de banal ni d'accidentel mais qu'il s'agissait bel et bien d'un assassinat, celui de quelqu'un qui était devenu gênant, voire dangereux. Il fallait dès lors choisir entre la justice et son indépendance d'une part (au risque d'envoyer en prison un président et ses proches collaborateurs acquis à la cause), et la sauvegarde des intérêts français à Djibouti garantis par le régime en place d'alors. Sarkozy est en train de vouloir faire un autre choix. C'est son droit et c'est légitime. Seulement, en aurait-il les moyens et le courage politique ?

Jusqu'où ira-t-il dans cette volonté de changement chaque fois qu'il sera question des intérêts supérieurs de la France, intérêts au nom desquels tous ses prédécesseurs ont justifié leur politique africaine ? Surtout que l'on sait désormais que le candidat Sarkozy ne soutiendra plus - maintenant qu'il est président - que la France n'a pas besoin de l'Afrique !

Et l'affaire Guy-André Kieffer en Côte d'Ivoire vient complexifier la tâche de Paris. La Côte d'Ivoire n'est pas un pays "négligeable" dans la donne politique et surtout économique de la France. Même après Houphouët Boigny, elle demeure un des poumons économiques de la France, et tout ce qui touche à sa stabilité politique est digne d'intérêt. D'où son implication dans la crise de 2002 et dans la recherche de solutions à la même crise. D'où son attention intéressée à ce que l'affaire Kieffer pourrait provoquer comme conséquence sur l'avenir politique de la Côte d'Ivoire dans ce contexte de mondialisation et des luttes d'influence pour le contrôle des matières premières des pays pauvres.

C'est vrai que dans cette affaire se jouera l'avenir politique de Laurent Gbagbo, mais avec elle, une partie de l'avenir économique de la France. La Côte d'Ivoire est lorgnée par beaucoup de pays développés ou/et émergents à cause des enjeux économiques qu'elle représente et Gbagbo, en fin politique, ne le sait que trop bien et l'exploite un peu trop intelligemment.

Sarkozy pourra-t-il ne pas en tenir compte ? La sauvegarde des intérêts de la France ne s'impose-t-elle pas à toute autre considération ?

En tout cas, le moment venu, il reviendra aux Africains eux-mêmes de défendre et de protéger leurs intérêts. Sarkozy ne le fera jamais à leur place, et la place qu'il fait à l'Afrique dans sa politique internationale ne le dispensera pas de sacrifier les intérêts africains sur l'autel de ceux français. Il a été élu pour cela. Et ce sera aussi en fonction de cela qu'il sera ou non réélu.

Le Pays du 29 août 2007



29/08/2007
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