L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Taxis motos : La CAMICO qui sauve

Taxis motos

La CAMICO qui sauve

 

Avant le début de la crise qui a secoué leur pays, à Korhogo, les populations ne connaissaient pas le taxi moto. C’est donc un phénomène qui y date seulement de quelques années que nous avons pu observer. Lorsqu’un visiteur séjourne dans cette capitale du Nord de la Côte d’Ivoire, il peut être amené à croire qu’il existe par ici de nombreux amoureux car à chaque coin de rue il aperçoit des messieurs immobilisés sur leur moto en compagnie de dames. Les engins sont généralement des CAMICO, qui ont jadis fait la fierté de nombreux Voltaïques, pardon, Burkinabè. Toute la journée, ses chars sillonnent la ville jusqu’à la tombée de la nuit. Il ne s’agit point de tourtereaux comme on pourrait le penser, mais de conducteurs de taxi motos débattant du prix de la course avec des clientes ou clients. Quelle surprise, des «djémidjans» en Côte d’Ivoire à l’image du Bénin, qui l’eût crut !

Faites donc connaissance avec ces taximen de la moto, qui font la fierté de Korhogo et permettent à de nombreuses familles de continuer à assurer le repas quotidien, malgré une situation sociale difficile. Ils faisaient pour la plupart d’autres métiers avant de s’engager dans ce travail honorable. Témoignages !

 

Silwé Toyima, ressortissant de Sinématiali : «Je fais le taxi moto depuis 2002. Avant cela, j’exerçais dans la couture et la photographie. Aujourd’hui, j’ai suspendu avec la couture pour la photo et ce nouveau métier. Si Bon Dieu fait vivre les animaux, il ne peut pas nous abandonner. Si vous nous avez trouvé là, c’est que nous arrivons à survivre. J’ai 4 enfants et je me suis marié légalement à l’église et ce travail me permet en fin de journée de gagner généralement  2000 FCFA ; il y a des moments où c’est dur d’obtenir 200 FCFA. Mais, cette situation est très rare. Nos chiffres d’affaires varient entre 1000 et 1500 FCFA par jour. Certes, c’est faible par rapport à l’époque où je faisais la couture, mais je fais avec. Je travaille de 7h à 19h, parfois jusqu’à 20h. Maintenant qu’il y a un petit calme, certains ont repris leur ancienne activité. Ces derniers font plutôt le taxi la nuit pour arrondir leur fin du mois. Avec les motos ou pas, les femmes attirent toujours (rires). Mais les engins ont l’avantage de vous amener même dans des coins les plus étroits pour échanger avec une amie».

 

Mamadou Yéo, conducteur de la moto n°132 : «Je résidais à Odienné. Avec la crise, on s’est dispersé et je me suis retrouvé à Korhogo. Arrivé ici, il n’y avait pratiquement rien à faire. J’ai donc pris ma moto pour faire du taxi. Je suis allé m’inscrire et on m’a donné un numéro qui me permet de conduire dans la ville.

Je me suis acquitté de quelques taxes pour bénéficier d’un numéro. Le montant versé n’est pas élevé. Le taxi moto est vraiment notre or, ça marche, puisque j’arrive à trouver le prix du carburant et à nourrir mes 3 enfants et leur mère. On est de plus en plus nombreux à exercer ce métier et chacun y trouve quand même son compte».

 

Katia Camara, Taxi moto n°180 : «Avant le conflit, j’étais ébéniste. Quand la crise a commencé, mes affaires ont périclité ; je n’avais plus rien. Je remercie Bon Dieu parce qu’avec ce que je fais présentement, j’arrive à nourrir ma famille, de 5 personnes. Nous avons entendu parler de l’Accord de Ouaga ; notre souhait est que la paix revienne dans le pays. Sans cette paix, c’est difficile de réaliser de grandes choses. Avec le Com. zone, Kouakou Fofié, on est en sécurité. Les taximen de la moto sont disséminés sur toutes les gares. Nos tarifs ne sont pas élevés. Ils oscillent entre à 200 FCFA, 500 FCFA et 1000 F selon les distances; Nos collègues en voiture gagnent leur pain, nous également ; il n’y a pas de conflit entre nous».

 

Souleymane Koné, ancien gérant de pressing: «Avec la guerre, je gérais un pressing ; mais avec le départ de nombreux fonctionnaires, j’ai été obligé de fermer, car je n’arrivais plus à payer le loyer.  Je n’avais plus rien à faire ; je me suis lancé dans le taxi moto pour subvenir aux besoins de ma famille. J’ai actuellement 2 enfants à nourrir. Avant la crise, on ne pouvait pas voir un taxi moto. C’est le résultat d’un réflexe de conservation. Il m’arrive de gagner 2000 FCFA, 3000 FCFA ou 4000 FCFA. Mais il m’est aussi arrivé de rentrer bredouille.

Même si nous utilisons des engins, nous n’acceptons pas pour autant de travailler à crédit ou gratuitement pour une question de sentiments. Cependant, nous réduisons les prix pour ceux qui sont indigents. Aujourd’hui, la population ne veut plus que nous laissions tomber le taxi moto car il sauve beaucoup. Nous amenons souvent nos clients à leurs domiciles alors que des collègues en voiture refusent de le faire par moments, compte tenu de l’inaccessibilité de certaines maisons».

 

Propos recueillis par

Cyr Payim Ouédraogo

L’Observateur Paalga du 13 février 2008



13/02/2008
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