L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Tergiversations autour du statut du greffier burkinabè

Personnels judiciaires burkinabè

Tergiversations autour du statut du greffier burkinabè

 

Le bureau national du Syndicat des greffiers du Burkina (SGB) a fait parvenir à notre rédaction un écrit relatif aux catégories de personnels judiciaires. C'est une réflexion dont l'objet est de "contribuer à démêler les confusions qui expliquent les tribulations du greffier burkinabè en quête de son statut".

 

Le Code judiciaire burkinabè en vigueur (Codes et lois du Burkina Faso, Tome V, édition 2005, p. 135-228) énonce deux (02) catégories de personnels judiciaires : le personnel auxiliaire de justice (avocats, greffiers et huissiers) et le personnel magistrat. S'agissant des auxiliaires de justice, la majorité des pédagogues, partant d'un souci essentiellement didactique, établissent la distinction entre «les auxiliaires du justiciable» (avocats, huissiers et notaires) d'une part et «les auxiliaires du magistrat» d'autre part. Il va sans dire que cette seconde catégorie se rapporte au greffier en chef, au greffier et au secrétaire des greffes et parquets que l'on regroupe communément sous le terme générique de «Greffier».

Au Burkina Faso, ce corps professionnel, organiquement lié au pouvoir judiciaire, est défini par un texte réglementaire, en l'occurrence le décret 2004-327 du 04 août 2004, portant organisation des emplois spécifiques du ministère de la Justice (J.O. BF du 23 septembre 2004, p. 1231). Ce texte est souvent appréhendé - même par des juristes et des praticiens rompus au droit - comme la référence statutaire du greffier. Cette perception, de bonne foi, est toutefois inexacte; et l'objet du présent écrit sera justement de contribuer à démêler les confusions qui expliquent les tribulations du greffier burkinabè en quête de son statut.

La présente réflexion du Syndicat des greffiers du Burkina (SGB) tâchera de rester le plus touchant possible du droit positif interne, et ce, afin d'éviter les querelles de clochers entre antagonistes élevant souvent arbitrairement leurs humeurs et leurs opinions respectives en normes.

 

Contre le statut particulier du greffier burkinabè

 

Pourquoi le greffier burkinabè n'aurait pas droit à un statut particulier ?

Les tenants de la position défiante à l'égard de la définition d'un statut dérogatoire pour le greffier burkinabè avancent les arguments principaux suivants :

- les termes de la loi 13-98 AN du 28 avril 1998, portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la Fonction publique ;

- l'existence du décret 2004-327 du 04 août 2004, portant organisation des emplois spécifiques du ministère de la Justice ;

- la fonctionnarisation des emplois de greffe ;

Sur le premier argument : le législateur burkinabè aurait tenu à marquer l'empire de la loi 13-98 en précisant (article 8) qu'elle s'applique «aux agents de la Fonction publique», en l'occurrence «les fonctionnaires et les agents contractuels de l'Etat».

L'alinéa 2 interviendrait donc bien à propos pour signifier expressément que "les dispositions de la présente loi ne s'appliquent pas aux militaires et aux magistrats". Il serait par conséquent aisé de comprendre, à travers cette disposition législative, la volonté de la suppression pure et simple des statuts particuliers dans le paysage juridique de l'Administration publique burkinabè. Au fond, une telle interprétation voudrait ériger la volonté politique - par le biais du législateur - au premier rang des objections à toute velléité de revendication statutaire.

Sur le deuxième argument : le décret 2004-327, dont il est question, a été pris dans le cadre général de la politique de définition (détermination) des emplois de fonctionnaires des différentes Administrations publiques. Dans le contexte précis de l'Administration judiciaire, ce texte est malencontreusement, et en dehors de son objet premier, intervenu en substitution expresse du décret 96-192 du 11 juin 1996, portant statut particulier du cadre des personnels de l'Administration judiciaire (J.O. BF du 04 juillet 1996, p. 1397). Cette substitution textuelle, donc d'objet, explique la trompeuse vocation statutaire du décret 2004-327. Car, en réalité, ce texte n'intervient qu'en application d'une des dispositions finales du statut général de la Fonction publique : "L'Administration dispose d'un délai de un an pour compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, pour adopter les textes d'organisation des emplois, prévus par ses dispositions" (Loi 13-98, article 243).

Sur le troisième argument : le greffier burkinabè n'aurait pas droit à un statut dérogatoire, car il serait titulaire ni plus ni moins d'un emploi de fonctionnaire.

Les offices (ou charges) privés n'étant plus d'actualité, il y aurait lieu de réintégrer la situation juridique de ce corps professionnel au statut général de la Fonction publique. Le greffier burkinabè n'aurait ainsi même pas qualité pour une quelconque prétention statutaire ! Cet argument aurait servi de base de justification de la suppression des émoluments dus aux greffiers en chef à l'occasion de la délivrance de certains actes juridictionnels (cf. décret 85-305 du 03 juin 1985, portant suppression des émoluments ou des droits tarifés alloués aux greffiers en chef).

En somme, des différents points de vue succinctement exposés ainsi que des arguments qui les soutiennent, il ressort que le greffier burkinabè serait tantôt mal fondé, tantôt tout simplement non fondé dans son exigence d'une identité statutaire. Alors, pourquoi autant de ténacité dans cette revendication de la part de ce dernier ?

 

Pour le statut particulier du greffier burkinabè

 

Pourquoi le greffier burkinabè a droit à un statut particulier ?

Les tenants de la position favorable à la définition d'un statut dérogatoire pour le greffier burkinabè avancent un seul moyen, de droit constitutionnel : l'article 101 de la Constitution du Burkina Faso ; disposition déterminant le "domaine de la loi".

L'article 101 alinéa 1 de la Constitution burkinabè dispose : «La loi fixe les règles concernant (6e tiret) l'organisation des tribunaux judiciaires et administratifs et la procédure devant ces juridictions, le statut de magistrats, des officiers ministériels et des auxiliaires de justice (...)». Et, comme pour parer à toute ambiguïté, le constituant burkinabè a pris soin de préciser en alinéa 2 du même article : «La loi détermine les principes fondamentaux: (4e tiret) de l'organisation générale de l'Administration; (5e tiret) du statut général de la Fonction publique (...)».

Ainsi, la Loi fondamentale prévoit que des lois distinctes fixent d'une part les statuts particuliers (des magistrats, des officiers ministériels et des auxiliaires de justice), et déterminent d'autre part l'organisation générale de l'Administration ainsi que le statut général de la Fonction publique. Il n'y pas lieu d'être constitutionnaliste de carrière pour tirer les conséquences juridiques et institutionnelles de ces dispositions constitutionnelles. La clarté du texte autorise tout simplement à déduire que la loi fixe, entre autres, les règles concernant le statut (particulier) des auxiliaires de justice ; et à l'état actuel de notre législation, le greffier en est un ! Si bien que la faculté législative de détermination du Statut général de la Fonction publique (Constitution, article 101, al.2, 5e tiret) n'a nullement vocation à contester la disposition constitutionnelle favorable aux statuts particuliers (Constitution, articles 101, al.1, 6e tiret). Attribuer une telle prétention à la loi 13-98 (article 8) rendrait celle-ci purement et simplement anticonstitutionnelle. En outre, la réalité d'une Fonction publique parlementaire n'est jusqu'à nos jours ni contestée ni problématique (cf. 1 Résolution 99-001/AN/BAN/PRES du 12 mai 1999, portant statut de la Fonction publique parlementaire). Ne s'agit-il pas justement d'un cas de statut dérogatoire, en marge du «statut général de la Fonction publique» ?

Fort du principe de la hiérarchie des normes, il ne nous semble plus très utile de nous attarder sur la faiblesse fondamentale des moyens et des arguments précédemment évoqués contre le principe de l'octroi d'un statut particulier au greffier burkinabè. En effet, si la seule invocation de leur non-conformité à la Loi fondamentale n'est pas suffisante, il faudrait conclure que la Constitution du Burkina Faso n'a pas valeur de norme suprême étatique... Il est d'ailleurs intéressant de relever aussi que, conformément à la lettre et à l'esprit des dispositions constitutionnelles, les différents auxiliaires de justice burkinabè, à l'exception du greffier, sont régis par des textes législatifs spécifiques. Pourquoi donc cette réticence palpable vis-à-vis de la revalorisation du statut du greffier burkinabè ?

 

Quelles conclusions ?

 

Le SGB estime qu'il est important, dans toute attitude de dialogue constructif, d'avoir une nette et juste perception des choses. Nous sommes, en effet, ici dans un domaine de raisonnement très délicat, celui de l'argumentation juridique. Et la rigueur de ce type  d'exercice intellectuel impose de s'intéresser plus à la qualité de la contradiction plutôt qu'à celle du contradicteur. En effet, la référence constitutionnelle milite souverainement en faveur de l'adoption d'une loi portant statut du greffier burkinabè. Par conséquent, les «opinions» et les «humeurs» des uns et des autres devraient être ôtées du rang des normes et laisser la place au débat juridique avec les institutions habilitées en la matière. La Loi fondamentale impose la "légifération" (légalisation) du statut du greffier burkinabè, en quoi et à qui cela pose-t-il problème ?

Une donnée essentielle doit cependant être prise en compte, il s'agit de la «volonté politique». En effet, il est évident qu'entre la légalité de principe des situations juridico-administratives et les intérêts politiques, la connivence n'est pas toujours harmonieuse. Mais quel intérêt politique aurait-on à empêcher le greffier burkinabè d'accéder à son identité statutaire ? Le Burkina Faso n'embellirait-il pas davantage son image de pays à la pointe des institutions étatiques en donnant réalité à une «Fonction publique judiciaire» au service du Pouvoir judiciaire, parallèle logique de la Fonction publique parlementaire? Remarquons d'ailleurs que les notions d' «Administration judiciaire» et de «personnels judiciaires» sont bien d'usage consacré.

Les greffiers de la Côte d'Ivoire, à la suite de leurs homologues du Bénin et de bien d'autres pays, ont obtenu leur identité statutaire par la menace de paralysie de leurs Administrations judiciaires et juridictionnelles respectives. Faut-il nécessairement, dans un Etat de droit comme le Burkina Faso, en arriver à cette forme légale d'expression dans la simple et légitime revendication d'un droit ?

 

Le Bureau national

L’Observateur Paalga du 14 avril 2008



14/04/2008
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